Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant, et par certains aspects… féministe ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur organisation financière, et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Zohra qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Zohra
- Âge : 25 ans
- Métier : étudiante, en stage dans une agence de traduction
- Revenu mensuel : 774€ par mois en comptant son revenu de stagiaire et sa bourse
- Famille : en colocation avec sa grande sœur, Anaïs
- Lieu de vie : un appartement de 40m2 à Paris
Les revenus de Zohra, entre bourse et jobs étudiants
Zohra est étudiante en master, et est actuellement en stage dans une agence de traduction. Comme bien d’autres dans la même situation, ses revenus varient beaucoup et dépendent principalement de sa bourse, de 257€ par mois, qui lui est versée de septembre à juin. En juillet et en août, elle travaille, comme tous les étés depuis ses 16 ans.
Pour le moment, son stage la gratifie en plus d’un salaire de 517€ par mois. Une somme extrêmement basse, surtout pour vivre à Paris, qui implique pourtant une charge de travail élevée, et qui maintient les étudiants stagiaires dans une précarité que Zohra connaît trop bien.
« J’estime que je suis sous-payée, mais c’est le lot de tous les stagiaires… Je suis surtout révoltée par le manque d’aides : je ne peux pas percevoir la prime d’activité car je gagne trop peu !
J’ai demandé une aide exceptionnelle auprès du Crous, mais ils considèrent que 450€ pour vivre, à Paris c’est suffisant — même si c’est largement sous le seuil de pauvreté. Moi, j’ai la chance de vivre avec ma sœur. Dans ma situation actuelle, je ne pourrais trouver aucun logement. »
« Avec ma sœur, le prorata était une évidence »
Car Zohra vit en colocation avec sa sœur, Anaïs, âgée d’un an de plus qu’elle.
Nous nous sommes installées ensemble en avril 2021. C’était notre plus grand rêve : vivre ensemble à Paris !
Anaïs est infirmière en CDI dans un hôpital parisien, et touche un salaire de 1900€ mensuels. Pour les deux jeunes femmes, l’organisation financière était une évidence : elles partagent les dépenses au pro-rata de leur revenus. Cela leur permet de partager un mode de vie similaire, même si Zohra a pour l’instant des revenus assez bas.
« On s’est toujours dit que quand on vivrait ensemble, on partagerait nos dépenses au prorata ! Ça ne nous viendrait pas à l’idée de faire autrement. On parle tout le temps de budget, et ça fait partie de notre quotidien.
Ma sœur est très généreuse : elle aimerait m’inviter tout le temps, mais moi je ne veux pas ! Quand je ne peux pas, je ne peux pas… Et à l’inverse, dès que je peux augmenter ma part de participation, je le fais. Mon but, ce n’est pas d’être un poids pour elle ! Je suis pressée que nos salaires s’équilibrent, et que je puisse participer autant qu’elle. »
L’organisation financière de Zohra et Anaïs
L’organisation financière de Zohra et d’Anaïs est bien rodée, grâce à une méthode pointue mise en place par Zohra.
« J’ai créé ma propre méthode, et mon propre tableur qui me permet de suivre précisément mes comptes, au centime près. Je gère aussi les finances de ma sœur, de la même manière. J’ai accès à ses comptes, et intègre le tout dans notre Excel commun ! »
Le tableur Excel en question est très long : on y retrouve tous les comptes de Zohra et d’Anaïs depuis plusieurs années, et leurs rentrées d’argent comme leurs dépenses y sont retracées avec précision. Le tout avec un code couleur qui pourrait en perdre plus d’une. Mais pas Zohra !
« Mon tableur reflète ce qui s’affiche sur le compte en banque, donc on fait les budgets au centime près, et la somme change en temps réel.
J’aide ma sœur à établir des petits programmes. En ce moment par exemple, elle veut s’acheter une voiture, et on a trouvé comment faire. Elle voit aussi son compte épargne grossir grâce à ma méthode ! »
Trois comptes courants chacune, et cinq livrets d’épargne à elles deux
La méthode que Zohra applique à leurs budgets se réparti sur plusieurs comptes, qui ont chacun leurs dépenses attitrées.
« J’aime que tout soit très clair : nous avons trois comptes courants chacune, et cinq livrets d’épargne à nous deux — deux pour moi, et trois pour elle. C’est important pour moi d’individualiser les comptes, sinon c’est trop facile de piocher à droite ou à gauche et de dépenser ce qu’on ne devrait pas.
En premier lieu, nous avons chacune un compte personnel dans une banque traditionnelle. C’est là que nous recevons nos salaires, et où sont prélevés nos frais fixes.
L’appartement étant au nom de ma sœur, le loyer et la plupart des factures sont prélevés sur son compte. Le 1er jour de chaque mois, le tableur Excel calcule le prorata de ce que nous devons payer chacune, en fonction de nos revenus. En général, elle prend en charge 70% des dépenses, et moi 30%. Je lui fait ensuite un virement pour la rembourser. »
En plus de cela, elles possèdent auprès d’une banque en ligne un compte « commun » au nom de Zohra, sur lequel elles versent chaque semaine le montant de leurs courses, pour auxquelles elles participent de manière égalitaire : 40€ chacune.
Anaïs et Zohra possèdent aussi un compte « commun » auprès d’une banque en ligne, qui leur sert pour les restaurants, ou les commandes de nourritures qu’elles font ensemble.
« S’il nous reste de l’argent après les courses, on le verse ici. On y met aussi un peu d’argent quand on veut. Le compte sert exclusivement à ces dépenses plaisir ! »
Une organisation bien rodée
Zohra possède un autre compte, auprès d’une banque en ligne différente, sur lequel elle verse 20€ par semaine. C’est le compte associé aux « dépenses plaisir », qu’elle utilise quand bon lui semble pour des cadeaux pour elle ou pour ses proches. Sa sœur en possède un aussi, qu’elle alimente de la même manière.
Si cela peut sembler difficile à suivre, pour la jeune femme, tout est clair. Elle le résume ainsi :
« J’ai trois comptes courants : un compte « normal », un compte pour les courses, et un compte pour les dépenses plaisir. C’est sûr que gérer tout ça, ça prend du temps : je n’ai automatisé aucun des virements ! M’en occuper moi-même, ça m’offre une certaine tranquillité d’esprit : on pense souvent que budgétiser ça vie, ça implique de se priver. Mais en réalité, ça aide plutôt à se faire plaisir ! »
Les dépenses communes de Zohra et d’Anaïs
Sans surprise, le premier poste de dépense des deux sœurs est leur logement. Pour leur appartement partagé de 40m2 à Paris, elles paient la somme de 600€ par mois.
Si cette somme peut sembler relativement basse, sur le marché de l’immobilier parisien, c’est que l’employeur d’Anaïs possède un parc immobilier réservé à ses salariés. Pour s’y installer, Zohra et sa sœur ont attendu environ deux ans avant d’avoir une proposition, sur laquelle elles ont sauté avec enthousiasme
L’eau est comprise dans les charges de leur appartement, et elles n’ont pour l’instant payé ni taxe d’habitation, ni taxe d’ordures ménagères.
« Pour les taxes, ce sera la surprise en fin d’année… Mais nous y sommes préparées, donc nous n’avons aucune angoisse ! »
« Bien manger est très important pour nous »
À cela s’ajoutent 80€ hebdomadaire de courses alimentaires, soit 320€ par mois. Dans la réalité, Zohra comme Anaïs adorent bien manger, et elles finissent souvent par dépasser ce budget.
« Une fois par semaine, nous faisons des courses avec tout ce dont nous avons besoin. Mais cela ne suffit pas toujours ! Nous aimons recevoir, ou nous faire plaisir avec des petites choses en plus. Dans ces cas-là, chacune paie ce qu’elle achète avec son compte personnel.
C’est peut-être un poste de dépenses que je pourrais réduire, mais j’aime trop me faire plaisir sur ce point ! »
Elles paient aussi 80€ de facture d’électricité mensuels, chauffage compris, et un peu plus de 30€ d’abonnements divers — pour Internet, Spotify, ou encore Netflix. Enfin, leur assurance habitation leur coûte 15€ par mois.
En tout, c’est donc 1050€ de dépenses communes mensuelles que Zohra et Anaïs se partagent au prorata. Le tout, sans aucune tension : elles parlent de budget dès qu’il le faut, et sont parfaitement en accord sur la question !
Les dépenses fixes de Zohra
À ces dépenses communes, Zohra a aussi des dépenses individuelles régulière : 38€ pour son abonnement de transports en commun, et 7€ pour un service de vélos en libre accès.
Elle paie aussi 25,80€ de frais de mutuelle, et 15€ de forfait de téléphone.
Sur la grande question des frais bancaires pour ses comptes multiples, Zohra a choisi les options les plus économiques : ses comptes en ligne sont gratuits. Pour sa banque traditionnelle, elle s’en tire pour 3€ par mois d’autorisation de découvert, et 20€ par an pour sa CB.
Des dépenses plaisir très planifiées
En plus de ces frais fixes, Zohra s’offre des petits plaisirs avec son budget étudiant : elle est abonnée à la Gambettes box, une box mensuelle de collants à environ 13€, et se rend régulièrement chez l’esthéticienne.
« Avec un salaire de 500€, on pourrait se dire qu’il est un peu exagéré de dépenser 40€ par mois chez l’esthéticienne (presque 10% de mes revenus), et d’être abonnée à une box de collants. Mais pour moi, c’est loin d’être superflu ! »
Elle aime aussi aller au restaurant, ou boire des verres avec des amis, et elle dépense pour ça une trentaine d’euros par mois.
« Tout est très organisé : chaque semaine, je fais le planning de mes repas. Je sais quel jour je vais manger au restaurant, et quand je vais apporter mon repas au travail. »
Avec les 20€ hebdomadaires qu’elle dépose sur son troisième compte en banque, Zohra aime faire des escape games avec des amis, s’offrir des vêtements, ou faire des cadeaux à ses proches. Cela représente un budget de 80€ par mois, dans lequel elle pioche en fonction de ses envies.
Chaque semaine, Zohra s’assure aussi de passer au moins 15 journées sans dépenses par mois. Pour elle, ce n’est absolument pas un problème : elle s’assure de préparer ses repas en amont si elle travaille, et adapte ses activités.
L’épargne de Zohra
Une fois ces dépenses faites, il lui reste en général un peu moins d’une centaine d’euros, qu’elle tente d’épargner. Pour cela, elle possède deux livrets. Le premier, celui qui est associé à son compte courant principal, est dédié à un fond d’urgence qu’elle essaie de constituer.
« J’aimerais avoir une épargne d’au moins 1000€ qui me permettrait d’assurer en cas de coup dur, mais je suis encore loin du compte ! Selon mes principes, je ne devrais pas dépenser d’argent tant que ce montant n’est pas atteint… Mais bon, il faut bien vivre un peu. »
Sur son deuxième livret, associé à son compte en ligne dédié aux courses, est un compte qu’elle n’alimente que pour des projets d’achats. En effet, Zohra a un principe : elle refuse catégoriquement de s’endetter. Pour les gros achats, elle économise donc toujours en amont.
« Si je n’ai pas les moyens d’acheter quelque chose, je ne l’achète pas ! C’est très important pour moi. Les crédits, c’est ma plus grande bête noire, et je préfère économiser quatre mois pour me payer un téléphone que de le payer en quatre fois. Ce compte ne me sert que quand j’ai un projet de consommation : ça ne me dérange pas s’il y a seulement 10€ qui dorment dessus. »
Le rapport à l’argent de Zohra
Si Zohra dissèque ses finances avec autant de précision, ce n’est pas pour rien : elle a fait les frais, plus jeune, d’une grande désorganisation.
« J’ai commencé à gérer mon budget parce que j’étais dans une situation catastrophique. Quand je suis partie de chez mes parents, j’avais 19 ans et je vivais dans une résidence CROUS. Je bossais le week-end, mais je dépensais mon argent sans compter, au point d’oublier de payer mon loyer…
Jusqu’au jour où le CROUS a commencé à réclamer mes loyers impayés. Ca m’a fait l’effet d’un électrochoc : j’ai dû me reprendre en main. »
Depuis, Zohra est très attentive à sa situation financière et administrative. Mais elle n’a pas appris du jour au lendemain : elle s’est formée !
« J’ai commencé à suivre pas mal de personnes, notamment anglophones, qui expliquent comment être “debt-free” aux Etats-Unis. J’ai aussi lu beaucoup d’articles sur les personnes qui ont des méthodes pour partir en retraite anticipée et ne plus travailler très jeune, j’ai suivi des blogs…
En piochant ce qui me plaisait à droite et à gauche, j’ai créé ma propre méthode ! »
L’efficacité de sa méthode n’est pas seulement approuvée par ses comptes : Zohra aide tout son entourage à gérer leur budget.
« Quand j’ai développé ma méthode, j’ai eu envie de partager ça avec mes proches, en leur faisant essayer. Aujourd’hui, je ne gère pas seulement mes comptes et ceux de la sœur avec laquelle je vis !
Je gère aussi celui de la famille de mon autre sœur, qui est mariée et a des enfants : j’ai accès aux comptes de tous le monde ! Avec mes amis, je fonctionne un peu différemment : on fait des réunions où je les aide à gérer leurs budgets, et ensuite, je leur fait des rappels réguliers. Tout le monde adore, mais je sais que si du jour au lendemain, j’arrête de les aider, tout le monde arrêtera d’un coup ! »
Pour l’heure, Zohra l’affirme : son budget est optimisé au maximum. Elle a une vision sur tout, et n’a aucun budget à réduire.
« De manière générale, le principe est simple : je ne vis pas au dessus de mes moyens. Si je n’ai pas d’argent pour faire quelque chose, je ne le fais pas. Et bientôt, j’espère gagner un peu mieux ma vie ! »
Merci à Zohra d’avoir accepté de répondre à nos questions !
Si jamais vous souhaitez commenter cet article, rappelez-vous qu’une vraie personne est susceptible de vous lire, merci donc de faire preuve de bienveillance et d’éviter les jugements.
Crédit Photo : August de Richelieu
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Chez boursorama j'ai un compte courant, un PEA et une assurance vie (qui sont beaucoup mieux que dans les banques traditionnelles)