Ce soir sera diffusée la première émission du magazine Zita, dans la peau de… dont le thème principal sera l’obésité. Pour mener à bien son enquête journalistique et pour comprendre les mécanismes conduisant à l’obésité, Zita Lotis-Faure s’est imprégnée du quotidien d’une femme obèse en suivant le même régime hypercalorique et en ingurgitant 6000 calories par jour. Voici la bande-annonce :
Le concept : du journalisme en immersion
A en croire le nombre de fois où la bande-annonce est diffusée sur M6 et l’intense promotion qui entoure l’émission, on comprend sans problème que Zita, dans la peau de… est le nouveau protégé de la petite chaîne qui monte. Tous les éléments sont en effet réunis pour que l’émission soit un succès :
- Une jeune et jolie journaliste, « pétillante » et « sincère »,
- Des images spectaculaires de cette journaliste qui fait à tout casser du 38, s’initiant à l’obésité avec une habituée du régime hypercalorique,
- Un sujet « touchy » qui crée la polémique avant même la diffusion de l’émission.
La méthode prônée par Zita Lotis-Faure n’a cependant rien d’original : c’est une version édulcorée du « journalisme gonzo« – technique ultra subjective et politiquement engagée dans laquelle le journaliste s’immerge dans l’environnement de son enquête – qu’a inventé et exercé Hunter S. Thompson. C’est du moins ce qu’essaie de nous faire croire la journaliste ; personnellement, j’y vois plutôt un Vis Ma Vie rémunéré.
Une stigmatisation de l’obésité
Certains internautes font part de leur déception (warning – ce deuxième lien est assez gênant) : ils s’attendaient à ce que Zita Lotis-Faure se déguise en personnes en surpoids et constate les préjugés qu’ils subissent au quotidien. C’est donc avec surprise qu’ils ont découvert que la bande-annonce se concentrait sur des images en gros plan de la journaliste en train de s’empiffrer devant la caméra.
Au lieu de dénoncer les clichés actuels sur l’obésité, la bande-annonce de l’émission ne fait que nourrir le plus archaïque des stéréotypes, qui voudraient que les obèses passent leur temps à ingurgiter de la nourriture trop grasse, trop sucré et trop salé.
Si le site internet de l’émission nous apprend que d’autres femmes souffrant d’obésité témoigneront et que des experts médicaux reviendront plus concrètement et plus objectivement sur le sujet, le fait que l’annonce promotionnelle se focalise sur l’excès de nourriture pour attirer le téléspectateur en écoeure plus d’un, tandis que le pitch laisse perplexe : une jeune femme a mangé 6000 calories par jour pendant un mois pour mener à bien son travail de journaliste.
Comme le rappelle ma-grande-taille.com, l’obésité est une maladie chronique, c’est-à-dire persistante et sur le long terme. Ce n’est certainement pas quelque chose que l’on peut juger en mangeant quatre semaines comme une personne obèse. Dans la bande-annonce, la voix-off souligne que l’émission cherchera à démontrer « comment on peut tomber dans l’addiction alimentaire et les conséquences que cela a sur notre quotidien ». On peut donc se demander pourquoi l’émission ne s’intitule pas plus sobrement « Zita, dans la peau d’une accro à la bouffe ». Un titre moins racoleur, et donc forcément moins accrocheur.
Pour protester contre l’émission, une pétition a même été lancée sur internet. Wendy, son auteure, fustige le manque d’empathie et de recul dont la bande-annonce fait preuve :
L’obésité est avant tout une maladie, vous n’avez donc pas compris. L’obèse, n’est pas une personne que s’empiffre continuellement, et qui prends plaisir à regarder ses bourrelets dans un miroir. L’obèse est une personne malade et qui souffre.
Je n’accepte pas que l’on tombe dans les clichés et les stéréotypes. Je n’accepte pas que l’on accable les personnes en surpoids qui ont déjà assez de souffrances à combattre pour en plus se sentir sales devant leur télévision.
Réduire l’obésité à l’exemple d’une femme qui mange 6000 calories par jour, c’est jouer au jeu dangereux de la généralisation d’une maladie. On parle d’ailleurs d’obésitéS tant les causes, les mécanismes et les conséquences de ce surpoids sont diverses.
Réduire l’obésité au « manger trop et manger mal », c’est aussi faire des troubles du comportement alimentaire un spectacle, mis en scène devant les caméras pour écoeurer et passionner l’audimat. Si l’émission sera probablement (et espérons-le) plus modérée, cette bande-annonce, faite pour appâter les téléspectateurs, est à mes yeux symptomatique du sensationnalisme et des raccourcis faciles dont souffre actuellement la télévision.
Pour se faire une opinion sur le produit fini, Zita dans la peau d’une femme obèse, c’est ce soir à 20h50 sur M6.
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Les Commentaires
Ou alors les miens sont nuls.
(D'ailleurs ça a pas mal débattu à ce sujet sur twitter)
Edit : Le Cap d'Agde, ze place NOT to be.