— Article initialement publié le 6 mai 2016
Quasiment tout le monde connaît ce moment maléfique. Celui où la page Web de ton compte en banque se charge.
Tes fesses se serrent, tu tapes, tremblante, ton mot de passe, tes yeux louchent pour ne pas voir la vérité en face : tu ne sais désespérément pas gérer ton argent, et encore une fois, tu es dans le rouge.
Bon, si ça se trouve, toi tu as assez de budget en fin de mois pour mettre de côté… mais moi j’en ai un peu marre de dépenser de l’argent que je n’ai pas faute de savoir gérer mes pulsions.
Alors pour remédier à ce problème je me fixe un défi : ce mois ci, promis, je finis à zéro. Pas dans le positif non plus, faut pas déconner, j’ai mes limites.5
Pour remplir à bien ma mission je choisis une méthode radicale : adieu la carte bleue, pendant deux semaines je ne dépense rien !
Le résultat ? Pas exactement celui auquel je m’attendais…
Premier jour sans dépenses : le choc
J’ai encore deux semaines à tenir et quand je consulte mon compte c’est le choc : plus que 8€. Comment est-ce que j’ai pu me mettre dans cette situation là ?
En plus, le frigo est vide… Je vis pourtant avec l’équivalent d’un SMIC à Paris, c’est peu mais suffisant pour vivre. Je n’ai pas de loisir coûteux, je n’achète que rarement des fringues, je ne fume pas, je sais cuisiner moi-même des plats économiques.
Alors ils disparaissent où, ces 300€ ?
J’ai tenté la nouvelle méthode révolutionnaire des mères de famille pour gagner 1000 euros par mois… Pas terrible.
C’est d’autant plus frustrant que ne pas réussir à gérer son argent me renvoie à l’image d’une petite fille frivole et immature, ce que je ne suis plus depuis que je paie ma facture d’électricité, nettoie-moi même mes chiottes et la bonde dégueulasse de la douche.
Ne pas réussir à gérer mon argent me renvoie à une image immature de moi-même.
Pourtant j’ai l’impression d’être une irresponsable dépensière en période de crise économique et ça réveille des angoisses existentielles : pour l’instant ce sont mes parents et la CAF qui me font vivre, mais plus tard, si je dois faire avec moins que ça, je ferai comment si je ne suis pas capable de me gérer financièrement ?
Il est temps de réagir, mon défi commence !
Deuxième jour sans dépenses : le déni
Enfin, « commence »… Ça va, on a cinq minutes quand même non ? Je veux dire, cette veste en faux cuir, là, vraiment pas chère, je l’avais repérée hier et on s’est déjà mis d’accord avec la vendeuse, je vais pas lui faire faux bond ! Et puis le frigo est vide… Allez, on va dire que le défi commence demain !
Au moment de payer mes courses, je pense aux 8€ qu’il me reste et le chiffre me paraît bien virtuel par rapport aux 20€ que me réclame la caissière : ce n’est jamais qu’un tableau Excel mis en ligne par ma banque…
L’argent dématérialisé est un vrai piège.
Décidément, cet argent qu’on ne voit jamais est un vrai piège. Il est temps de passer au liquide, plus concret ! Mais pour cette fois-ci, eh bien… « ce sera par carte bleue, s’il vous plaît ».
Cinquième jour sans dépenses : la colère
J’ai le frigo rempli, alors pourquoi je pense autant à ce défi ? C’est comme si, dépossédée de ma carte bleue, j’étais moins libre alors qu’aucune dépense urgente ne s’impose à moi.
J’ai l’impression d’être droguée, d’avoir besoin d’un shoot journalier pour me donner l’impression que je me suis fait plaisir : un magazine, une pâtisserie, n’importe quoi.
Bon, je résiste, mais comme une fumeuse qui arrête, je suis de mauvais poil.
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Et puis je suis en colère contre ces dépenses vicieuses, celle qu’on ne craint même plus : les prélèvements automatiques.
C’est à ce moment que mon fournisseur d’électricité m’explique que ma facture passe de 50 à… 90€. Pour un 25 m². Je me sers de ma colère et la transforme en courage : je téléphone, le fournisseur m’annonce le lendemain que ma facture ne passera qu’à 60€.
Quand j’appelle mon conseiller pour renégocier mes frais bancaires
Dans la foulée j’appelle d’une voix ferme mais polie et douce mon opérateur de téléphone, qui m’accorde une ristourne de 7€ sur ma facture mensuelle. J’ai bien conscience qu’on cherche à me fidéliser, mais visiblement un peu de volonté peut faire beaucoup quand on doit parler argent !
Sixième jour sans dépenses : le marchandage
D’ailleurs, vous avez remarqué comme on parle peu, de l’argent ? C’est qu’il ne s’agirait pas d’avoir l’air trop riche ou trop pauvre.
Du coup quand je vend des livres sur un site Web de reprises et que j’empoche une jolie somme, on s’inquiète dans mon entourage : « Mais si tu veux je t’en prête, moi, de l’argent, c’est important les livres »…
Sauf que voilà, j’ai toujours gardé Maupassant « histoire de » (de quoi, on sait pas) alors que je déteste ses œuvres. Par contre, j’adore les euros sonnant et trébuchant qu’il me rapporte et l’espace qu’il libère dans ma bibliothèque !
« Mircea, qu’ai-je fait… Tu me manqueras, bébé »
J’entre donc dans une phase de marchandage : tout doit disparaître ! La yaourtière, les DVD encore sous plastique, les chaussures jamais portées qui font mal, ça dégage ! Et je me fais une jolie petite cagnotte de presque 200€, sans compter les cours que je donne à domicile.
Sauf que voilà.
Cet argent… eh bien, j’ai le choix. Soit il disparaît dans le vortex de mon compte courant, soit il part sur un livret épargne. Allez, j’ai décidé de me serrer la ceinture ce mois-ci, ça part en épargne ! Et du coup, moi, je suis toujours fauchée.
Huitième jour sans dépenses : la résignation
Je commence à ressentir les effets de mon petit défi et j’ouvre les yeux sur mon rapport à la consommation. On en fait combien, des dépenses résignées ? Tu sais, ces dépenses que personne ne t’oblige à faire et que pourtant tu fais en soupirant..
Je me souviens d’un jour où ma supérieure, quand j’étais en stage, m’a dit « On se fait des sushis vendredi pour fêter le retour de Jean Marc ».
Ce n’était pas une question mais une façon de souligner que si je ne venais pas, je manquerais un moment de « vie de bureau », toujours déterminants dans le monde professionnel. Sauf que le resto, c’est 17€.
Outch.
J’attends toujours d’avoir l’argent pour aller à la « cafet » tout les jours moi aussi…
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Je me rends donc compte qu’il y a ainsi plusieurs type de dépenses.
Celles qu’on fait par peur des pressions sociales sont les pires : je dois absolument avoir une tenue plus classe pour le boulot, je dois absolument payer ma tournée aux potes ce soir sinon je vais avoir l’air d’une radine, je dois absolument faire un super cadeau à ma grand-mère même si on n’est pas très proches, car c’est la famille…
Les pires dépenses sont celles qu’on fait par peur des pressions sociales.
En parlant de mon défi avec des amis, je me suis rendue compte que la parole se libère un peu.
Le soir même, un pote m’appelle et dit « Je voudrais bien venir avec vous au bar ce soir mais j’ai pas un rond… » ; sa voix me fait de la peine mais je réalise aussi à quel point l’argent est un sujet tabou, même entre amis.
Et s’il était temps de briser un peu ce diktat, d’oser dire : « Non, je n’en ai pas les moyens » sans rougir ? C’est pas comme si on était en période de plein emplois pour les jeunes !
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Douzième jour sans dépenses : l’acceptation
Réguler ses dépenses, c’est plus qu’une simple question d’argent qui rentre et qui sort. C’est une question d’identité personnelle : comment on se définit, quelles sont nos priorités dans la vie, dans quoi est-ce qu’on veut ou non investir ? C’est ce qui fait que l’argent est un moyen et non pas une fin en soi.
En m’obligeant à ne pas sortir la carte bleue, je me suis forcée à reprendre de zéro cette réflexion… et je vous le dis tout net : je n’ai pas réussi mon défi. J’ai dégainé cette fichue carte à puce. Mais détruire le réflexe de la dépense, et grâce aux filles du forum me demander chaque jour : « Est ce que ces dépenses m’ont été utiles ? M’ont rendue plus heureuse ? » m’a forcée à faire un bilan différent de celui auquel je m’attendais au départ.
Quatorzième jour sans dépenses : le bilan
À la fin du mois, je suis dans le rouge de 100€. Échec ? Pas tout à fait.
D’une part, un certain nombre de frais étaient incompressibles, rapport que j’ai besoin de manger.
D’autre part, cet exercice m’a permis d’y voir plus clair dans mes comptes et je fais un constat frappant : la majorité de mes dépenses ne dépasse pas les 4€ !
Comme je le pensais au départ, je ne suis effectivement pas une accro du shopping, mais au final c’est 50€ de malbouffe qui m’enfoncent un peu plus dans le rouge chaque jour. Un pain au chocolat par ci, un burger par-là…
La bonne nouvelle ? Maintenant que je le sais, je peux agir précisément là où ça coince !
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À l’inverse, cette paire de baskets de course, non seulement je ne la regrette pas, mais je vais peut-être dépenser encore plus pour un meilleur modèle bientôt.
Et ces 13€ ? Je sais précisément dans la caisse de quel bar ils sont partis : j’y ai passé une soirée super sympa qu’il aurait été bête de rater.
Ce défi m’en a donc appris davantage sur moi-même et m’a sorti de mes automatismes. En ce sens, j’ai dû mal à le considérer comme un échec !
Notre rapport à l’argent est conditionné par la société, par notre famille, notre travail, nos proches…
Mais en prenant du recul et en laissant sa carte bancaire chez soi on se rend compte qu’au final, c’est à nous et à nous seul•e qu’il doit faire plaisir ou être utile, d’où l’importance de réaliser un vrai brainstorming pour définir ses priorités sans tenir compte des regards inquisiteurs.
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Et toi, comment définirais-tu ton rapport à l’argent ? Te sens-tu capable de passer 15 jours sans lâcher le moindre centime ?
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