Face au marché florissant de la seconde main, nombreuses sont les marques à proposer elles-mêmes un service de revente d’occasion, afin d’éviter d’en être complètement exclues. Que ce soit du côté du luxe, comme Isabel Marant, ou du premium comme Sandro. C’est désormais au tour de mastodontes de la fast-fashion de s’y mettre, à l’instar de Zara. Est-ce le signe d’un repositionnement pour échapper à l’étiquette stigmatisante de « mode jetable » ? Oui, mais pas seulement : ce qui peut sembler être une bonne idée en apparence sert aussi, pour les marques, à s’imposer sur le second marché tout en y injectant les pires dynamiques de la fast-fashion, et en maintenant sa propre clientèle dans une forme de circuit fermé. De quoi incarner l’idéal d’une mode circulaire, mais de façon machiavélique…
Zara lance son propre service de seconde main : stop ou encore ?
Comme le rapporte Reuters, le géant espagnol de la mode va lancer le 3 novembre 2022 son propre service de troc, revente, réparation, et/ou donation de vêtements, qui sera disponible dans un premier temps au Royaume-Uni. C’est la première fois qu’une marque du groupe Inditex (également derrière Bershka, Oysho, Pull & Bear, ou encore Massimo Dutti) s’essaye dans le second marché. Ce dernier s’évalue à 71,2 milliards de dollars en 2022, et devrait encore grandement croître, d’après un rapport de Future Market Insights datant de septembre. Avec ce nouveau service de seconde main, Zara peut donc se positionner sur ce marché porteur, tout en s’affichant plus conscient et engagé sur les questions d’éco-responsabilité.
Vous avez peut-être déjà remarqué la façon dont des vêtements Zara, à peine sortis en boutique, se revendent déjà sur des plateformes de mode d’occasion telles que Vinted ? On peut donc comprendre facilement l’intérêt de la marque à intégrer ce processus de revente à son modèle économique.
Vers une « fast-fashionisation » du marché de la seconde main ?
Mais combien de personnes ramèneront vraiment leurs vêtements pour les réparer (encore faut-il qu’ils soient d’assez bonne qualité pour valoir d’être reportés post-réparation) et/ou les donner ? Il y a fort à parier que ce service servira surtout à Zara. Comment ? En lui permettant de conserver, ou « fidéliser », comme le veut le jargon marketing, ses clients dans une forme de circuit fermé. C’est un peu : « vive la mode circulaire, mais seulement chez nous ». Un fonctionnement que n’importe quelle marque pourrait s’approprier, probablement grâce à un système de bon d’achat en boutique (comme c’est souvent le cas chez la concurrence) qui incitera à consommer encore et toujours plus de vêtements chez eux, qu’ils soient de première ou de seconde main.
C’est typiquement le genre de dynamiques dignes de la fast-fashion qui commencent à irriguer le marché d’occasion, comme le décryptait Élodie Juge dans le podcast Matières Premières. L’ingénieure et docteure en sciences de gestion, membre de la chaire industrielle TREND(S) (Transformation of Retailing Ecosystem(s) & New market DynamicS) à l’université de Lille y décortique la façon dont s’opère actuellement une inquiétante « fast-fashionisation » de la seconde main.
Alors que Zara s’affiche toujours plus premium, notamment sous l’impulsion de sa nouvelle dirigeante Marta Ortega (fille du fondateur Amancio Ortega, douzième fortune du monde en 2021, selon Forbes), il y a fort à parier que la marque va rester un modèle à suivre pour ses homologues et concurrents.
À lire aussi : Inside the Shein Machine, le docu choc sur le géant de l’ultra fast-fashion
Crédit photo de Une : Capture d’écran de l’eshop de Zara.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires