Le Zacharopoulou gate ne cesse de prendre de l’ampleur : les témoignages dénonçant les pratiques de la gynécologue continuent de s’accumuler dans la presse… Visée par une enquête judiciaire à la suite du dépôt de deux plaintes pour viol, la secrétaire d’État chargée du Développement fait l’objet d’une troisième plainte, comme l’a révélé l’émission Quotidien, le 23 juin 2022.
À l’instar d’autres plaignantes, la nouvelle jeune femme à avoir libéré sa parole confie avoir consulté Chrysoula Zacharoupoulou pour des problèmes d’endométriose, spécialité de la doctoresse franco grecque.
Une nouvelle révélation qui a enfin fait sortir du silence la secrétaire d’État, via un communiqué transmis par son avocat aux médias le 24 juin 2022, dans lequel elle nie en bloc « les accusations graves », portant selon elle, sur « des examens cliniques médicaux réalisés afin de diagnostiquer et soigner la maladie » de ses patientes. Rappelons qu’à l’heure actuelle, Chrysoula Zacharopoulou demeure présumée innocente.
L’Ordre des médecins était-il au courant des supposés agissements de la secrétaire d’État ?
Mais face à ses trois plaintes et autres témoignages révélés ces derniers jours, une interrogation nous titille : l’Ordre des médecins n’a-t-il jamais été alerté sur les pratiques de la secrétaire d’État ?
D’après un article de France Info, publié le 24 juin 2022, le Collège national des gynécologues obstétricien reconnaît avoir reçu une lettre de plainte à l’encontre de Chrysoula Zacharopoulou émanant de « la responsable d’un collectif de femmes ». Aucune précision sur la nature de la plainte ou encore sur la date du courrier n’a été faite. L’institution déclare avoir conseillé à l’auteure de la lettre de s’adresser au Conseil national de l’ordre des médecins.
Contacté par Madmoizelle sur le sujet, ce dernier n’a pas répondu à nos sollicitations d’entretien. Le Conseil régional de l’ordre des médecins d’Ile-de-France auquel était logiquement rattachée Chrysoula Zacharopoulou lorsqu’elle pratiquait encore au sein de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), a répondu à nos demandes d’interview après la publication de l’article. Il ne désire pas réagir à l’affaire déclarant qu’aucun signalement ne leur avait été remonté.
43% de plaintes pour agression sexuelle rejetées par l’Ordre des médecins
Il faut savoir que l’Ordre des médecins dispose de chambres disciplinaires présidées par un magistrat administratif et composées de médecins en activité ou à la retraite. Blâme, suspension, radiation… Tel un semblant de tribunal, l’Ordre a le pouvoir de prononcer des sanctions envers des médecins accusés entre autres d’agression sexuelle ou de viol. Mais ces dernières années, on lui reproche justement de fermer les yeux sur ces agissements, et de protéger certains praticiens, comme le dévoile une enquête édifiante de Blast, publiée le 9 juin 2022.
Un comportement qui ne passerait pas forcément inaperçu… En 2019, la Cour des comptes pointe même dans un rapport qu’« Entre 2014 et 2017, 150 plaintes pour des faits à caractère sexuel ont été enregistrées dans les chambres disciplinaires de première instance, ce qui représente, en 2017, 3,5 % des plaintes. (…) Près de 43 % de ces plaintes ont fait l’objet d’un rejet ».
En réponse à ces chiffres, Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, vice-présidente du Conseil national de l’Ordre des médecins, assure dans les colonnes de Blast, la création d’une « commission départementale vigilances, violences, sécurité » chargée de s’occuper de « toutes les thématiques liées aux violences ». Mais où et comment constater ces mesures concrètes au sein de l’Ordre ? Mystère. Son dernier rapport d’activité de 2020 ne fait d’ailleurs, à aucun moment, mention de violences sexuelles dans le cadre médical…
Distinguer un comportement à « connotation sexuelle » d’un acte médical
Pourtant en 2018, face aux nombreux témoignages de femmes dénonçant des manipulations et des abus sexuels de la part de médecins, plusieurs associations de défense contre les violences faites aux femmes avaient interpellé l’Ordre. Leur revendication ? L’ajout d’un article supplémentaire dans son code de déontologie qui interdirait strictement les relations sexuelles entre soignants et patients. L’Ordre a refusé, justifiant, via un communiqué, qu’« une telle disposition (…) serait une intrusion dans la vie privée de personnes libres et consentantes ».
Cependant, depuis 2019, le code de déontologie médical de l’Ordre précise en commentaire de son article 2 que :
« Le médecin ne doit pas abuser de sa position notamment du fait de la vulnérabilité potentielle du patient, et doit s’abstenir de tout comportement ambigu (…) en particulier à connotation sexuelle. »
Mais comment différencier un comportement à « connotations sexuelles » d’un geste purement médical, surtout lorsqu’une consultation suppose un contact intime, tel un examen gynécologique ? D’autant plus que, depuis 2002 et la loi Kouchner, les médecins ont interdiction de pratiquer un acte médical « sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment »…
Un consentement minimisé par les médecins et leur Ordre
Un consentement qui semblerait pourtant être pris à la légère par certains conseils départementaux de l’Ordre… Marie Baldeck, membre de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes, en fait l’expérience au quotidien, en accompagnant des patientes victimes d’abus dans leurs démarches auprès de l’Ordre. Comme elle le confie à nos consœurs de Blast, leur consentement est minimisé :
« Ce qui leur est renvoyé le plus souvent, c’est que le médecin n’a pas agressé sexuellement mais ne l’a simplement pas informée sur son acte médical pour ne pas qu’elle soit surprise par le geste. »
Est-ce le serpent qui se mord la queue ? Car cette justification n’enlève rien à la qualification d’agression sexuelle ou de viol, défini par l’article 222-2 du Code pénal stipulant que « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » constitue une agression sexuelle.
Des médecins condamnés au pénal, relaxés par l’Ordre et toujours en activité
Si aujourd’hui, la parole se libère sur les violences et les agressions sexuelles dans le cadre médical, l’absence de réponses concrètes apportées par l’Ordre des médecins entre autres, ont de quoi décourager les victimes. Dans son rapport de 2019 à son encontre, la Cour des comptes reconnaît même l’inconcevable :
« Au cours des dernières années, plusieurs affaires médiatisées relatives à des viols et agressions sexuelles sur patients ayant conduit à la condamnation pénale de médecins, n’ont pas été traitées, sur le plan ordinal, avec la rigueur nécessaire. »
On peut citer l’exemple du médecin Jean-Paul Guittet. En janvier 2018, Médiapart révèle que l’ordre des médecins a ignoré durant 40 ans, les signalements et les plaintes d’un homme et de quatre femmes accusant le psychiatre de viols et d’agressions sexuelles. Il faudra attendre 2017, soit 25 ans après la première plainte pour viol, pour que le psychiatre soit interdit d’exercice… Trois mois ! Toutefois, un an plus tard, il est finalement radié de la profession par l’Ordre qui, semble-t-il, a dû revoir sa sanction, pris de vitesse par la justice qui avait déjà mis en examen le psychiatre pour viols et agression sexuelle depuis 9 mois…
L’Omerta confraternelle des médecins, mythe ou réalité ?
Les journalistes de Blast, Léa Guedj et Maylis Khider ont rencontré l’une des victimes de Jean-Paul Gittet. La première plainte déclarée à l’Ordre de la part jeune femme pour des faits d’agression sexuelle date de 2004. Elle est d’abord rejetée par le conseil régional, mais le ministère de la Santé fait appel de la décision. L’affaire est alors prise en charge par la section disciplinaire de l’Ordre national. Elle est convoquée pour une « médiation » durant laquelle on lui pose seulement des « questions très orientées, sur un ton très menaçant ».
Une magistrate à la tête des audiences au sein de la Chambre disciplinaire de l’Ordre, a confirmé, auprès de Blast, une atmosphère pouvant être « déroutante » qui ne se limiterait pas qu’aux médiations mais qui serait institutionnalisée dans le milieu médical :
« Même en dehors des délibérés, au cours de discussions avec les médecins qui composent les Ordres disciplinaires, j’en ai déjà entendu certains dire “bon, c’est l’ambiance médecine, on a besoin de décompresser et on n’appréhende pas le corps de la même manière ».
Mais la présomption de culpabilité pèse plus sur les victimes que sur les médecins. On entend qu’“on n’a que sa parole, ça n’est pas suffisant”, la victime doit être la plus précise et circonstanciée possible car le doute profite à l’accusé ! »
Des médecins blâmés s’ils dénoncent les agissements de leurs confrères
Mais aujourd’hui, au sein même du milieu médical, une résistance œuvre. Certains médecins épuisés de la « tolérance » ambiante à l’égard de ces abominations, tentent de dénoncer leurs confrères. L’association Pour une M.e.u.f (Pour une médecine engagée, unie et féministe) a contacté l’Ordre national des médecins afin de savoir si les soignants eux-mêmes avaient le droit de dénoncer des violences sexuelles prétendument commises par un médecin.
Le Conseil national de l’Ordre leur a transmis une réponse négative, justifiant qu’ils sont liés au secret médical, auquel il ne peut être fait exception même pour informer le conseil de l’Ordre… Et le comble ? L’accusateur n’est pas à l’abri de prendre un blâme pour non-confraternité.
C’est ce qui est notamment arrivé au médecin Richard Poitevin, après avoir dénoncé le Dr Hazout, condamné pour viol et agressions sexuelles devant une cour d’Assises en 2014. Une fois encore, le Conseil départemental de Paris a attendu vingt et une longues années depuis la première plainte, avant de saisir la Chambre disciplinaire en 2006, puis de le radier en 2013.
Et ces affaires ne sont malheureusement pas isolées… Pour preuve, le chef de service de Chrysoula Zacharopoulou, Émile Daraï est lui-même visé par 25 plaintes pour viols et violences obstétricales au pénal. Plusieurs externes et internes en médecine avaient déjà signalé des scènes de violences inouïes et de viols à l’Ordre. En vain.
Comme quoi, les violences sexuelles sur les patientes sont omniprésentes au sein du microcosme de la médecine, minimisées, voire ignorées par l’instance pourtant maîtresse de la déontologie médicale…
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Image en Une : © Capture d’écran compte Youtube de l’Élysée
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Ne parlons pas de nos politiques ils sont hors catégorie !