Qu’a-t-on vu quand on est une femme de 88 ans en France, en 2017 ? Énormément de choses.
On a vu trop de guerres, celles qui ont tué tant d’hommes mais aussi de femmes et d’enfants, qui ont généré de grands changements et des drames encore plus immenses.
On a vu les femmes devenir des citoyennes à part entière, obtenir le droit de vote (en 1944), celui de travailler et d’avoir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari (en 1965), d’avoir recours à une IVG (en 1975).
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On a vu le féminisme évoluer, la société aussi, jusqu’à cette année #MeToo (#MoiAussi) ou les débats sur l’écriture inclusive.
Yvette Roudy est née en 1929. Elle a vu tout ça, et bien plus encore. Celle qui fut la première Ministre des Droits des Femmes en France, et carrément dans le monde, se confie dans un passionnant entretien.
Yvette Roudy interviewée dans Vieille Branche
Vieille Branche, c’est un excellent podcast de Nouvelles Écoutes, au concept que je trouve hyper bien trouvé.
Quand le 20ème siècle parle à l’oreille du 21ème.
Vieille Branche rend visite deux fois par mois à des personnalités de la politique, des idées, de la culture ou des arts, âgés de plus de 75 ans.
Qu’ont-elles à nous apprendre ? Est-ce que c’était mieux avant ? Comment voient-ils l’avenir ? L’histoire se répète-t-elle ? Ont-ils peur de mourir ?
Au micro d’Aude Lorriaux, les voix du 20ème siècle viennent parler aux oreilles du 21ème.
Des discussions dans l’antre de ces monstres sacrés pour mieux comprendre ce qui se passe dehors.
Le premier épisode était déjà passionnant : on y entendait Henri Leclerc, avocat et Président d’Honneur de la Ligue des Droits de l’Homme.
Dans ce nouvel opus, c’est Yvette Roudy qui s’exprime. À ma grande honte, je ne connaissais pas le nom de cette immense dame, qui a tant œuvré pour des libertés dont j’ai joui toute ma vie, du haut de mes 26 ans.
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Yvette Roudy, du féminisme d’antan à celui d’aujourd’hui
Yvette Roudy a été la première Ministre des Droits des Femmes. C’était en 1981, sous François Mitterrand.
C’est avec amertume qu’elle constate que ce thème est aujourd’hui relégué à un simple secrétariat d’État, malgré les promesses d’Emmanuel Macron, pour qui elle a voté.
Proche des « deux Simone », Veil et de Beauvoir, entre autres femmes d’exception, Yvette Roudy n’a pas été spécifiquement adepte du militantisme en non-mixité : pour elle, de tous temps, certains hommes ont soutenu le mouvement féministe.
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Yvette Roudy a grandi avec un père dur, qui détestait la voir lire et ne voulait pas l’envoyer au lycée. Pour elle, l’éducation reste le nerf de la guerre. Son premier combat, raconte-t-elle, a été l’accès des femmes à la culture.
Car c’est la culture, et l’éducation, qui permettent d’avoir sa place dans des milieux traditionnellement masculins, de peser en politique pour changer la vie du plus grand nombre… et les mentalités, idéalement.
Yvette Roudy a deux conseils pour la jeunesse d’aujourd’hui :
- N’arrêtez jamais de vous instruire
- Restez vigilantes, en permanence
Car comme le disait sa chère Simone de Beauvoir…
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Yvette Roudy, mon féminisme, et la jeunesse
Je ne suis pas d’accord avec TOUT ce que dit Yvette Roudy. Son avis sur le voile, par exemple, est tranché : ça reste, à ses yeux, un signe de soumission d’une femme au genre masculin.
Elle explique également, certes sans aucune condescendance, qu’à ses yeux, ma génération « se cherche encore, ne s’est pas trouvée ». Elle a peut-être raison, d’ailleurs…
C’est dur de trouver ma place parfois dans le monde, entre la liberté immense dont je semble disposer, et les obstacles (financiers, psychologiques, genrés) auxquels je me heurte.
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Et ce n’est pas grave, que je ne sois pas d’accord avec tout ce que dit madame la Ministre : le féminisme est multiple, évolutif, fluctuant, c’est aussi ce qui fait sa richesse !
Yvette Roudy le dit sans ambages, ce n’était pas « mieux avant ». Elle aimerait même pouvoir refaire un tour dans notre monde d’ici 200 ou 300 ans, pour voir comment vont les femmes !
Sans aucun doute, le parcours d’Yvette Roudy force le respect. Je n’ai pas accompli le centième de ce qu’elle a osé faire, pendant ses 88 années de combat pour les femmes.
Alors merci, Yvette, de t’être tant dressée pour mes droits, et ceux de mes sœurs — de sang ou de cœur. Merci Vieille Branche de lui avoir donné la parole.
Merci à toutes ces pionnières qui ouvrent la voie pour des femmes comme moi, et me permettent d’œuvrer, à mon tour, pour faire du monde un endroit meilleur.
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