Au fil des années, le YouTube Rewind est devenu une institution.
Aussi attendu que détesté, il est sous le feu des critiques les plus vives : trop what the fuck, pas assez diversifié, trop américain, pas assez drôle…
Cette rétrospective de l’année sur la plateforme dominante de vidéos dans le monde suscite une masse informe de commentaires plus ou moins construits.
Pourquoi le YouTube Rewind France 2019 fait polémique
Après avoir battu le record historique de dislikes sur le Rewind 2018, YouTube a décidé de changer sa formule en 2019.
Plus de prise de risques : cette fois, la plateforme a fait un classement sous forme de simple top des vidéos les plus vues à travers le monde.
Pour compléter le classement international, le Rewind français a été partagé sur le compte Twitter de YouTube Creators à travers une série de tweets.
Problème : le tweet ne mentionne pas le classement par nombre de vues… et les femmes en sont les grandes absentes (à l’exception de Jenny du duo Le Monde à l’Envers et de la collab avec Juju Fitcats)
Du côté des créatrices de vidéos sur YouTube, la pilule a eu du mal à passer.
Pour YouTube qui se défend d’être « non éditorialisé », compter les vues est un moyen sûr de faire le bilan de l’année écoulée sans trop se mouiller, puisque ces vidéos sont propulsées par les pratiques du public.
Elles sont donc les plus appréciées par les utilisateurs et utilisatrices.
Enfin, ça, c’est la théorie. Car en pratique, ce n’est pas si simple.
L’algorithme de YouTube, vivement critiqué
Parce que des milliers d’heures sont chargées chaque seconde sur YouTube, la plateforme a développé un algorithme qui s’est nourri au fil des années de nos pratiques.
C’est ce robot qui recommande nos prochaines vidéos à voir en fonction de nos goûts pour nous maintenir le plus longtemps possible devant l’écran.
Pour nous retenir et nous suggérer des vidéos, l’algorithme prend en compte une multitude de facteurs :
- Combien de temps nous passons devant une vidéo contenant tel mot-clé
- Les comptes auxquels nous sommes abonnées
- Le fait que nous cliquions ou non sur telle miniature…
Et cætera, et cætera.
Roro l’algo se nourrit tellement de nos pratiques qu’à la fin, il nous enferme dans une bulle de filtres (dont je t’ai déjà parlé ici) qui tend à confirmer nos goûts et nos opinions de départ.
C’est un énorme avantage quand après avoir regardé un vlog au Japon, YouTube te redirige vers un reportage sur Tokyo…
Mais c’est moins cool quand après avoir regardé une émission sur les pyramides, tu es renvoyée vers des vidéos prétendant qu’elles ont été construites par des aliens !
La difficile prise de parole des femmes dans l’espace public
Dans notre société, c’est aujourd’hui encore la parole des hommes qui domine.
Bien que nous ignorions combien de chaînes d’hommes et de femmes co-existent sur la YouTube, l’INA a démontré en analysant 18 ans de contenus médiatiques que les hommes y prenaient en moyenne 2 fois plus la parole que les femmes.
Alors que YouTube aurait pu être une page blanche sur laquelle un rééquilibrage aurait pu s’opérer, les inégalités s’y sont aussi creusées entre les femmes et les hommes.
Arrivées plus tardivement dans la création vidéo par manque de confiance, de rôles modèles et de mentorat, les femmes ont aujourd’hui du mal à rattraper leurs homologues masculins.
« Mais personne n’empêche les femmes de prendre la parole ! Elles ont qu’à ouvrir des chaînes YouTube et à faire de meilleures vidéos ! »
C’est l’argument numero uno que l’on répond aux Internettes (l’asso dont je suis la fière présidente), qui valorisent et encouragent les Youtubeuses.
Pas de femmes dans le Youtube Rewind France 2019, à qui la faute ?
Mais le bilan vidéo de YouTube de cette année montre bien que le problème est bien plus profond et intériorisé qu’un simple « sortez-vous les doigts ».
YouTube regorge de meufs talentueuses. De réalisatrices, autrices, vlogeuses, dessinatrices, streameuses hilarantes, brillantes, malines.
Pourtant, leur recommandation par l’algorithme et leur visibilité est laborieuse.
Certes, YouTube pourrait faire des efforts pour favoriser la mise en avant d’une plus grande diversité.
Le programme interne #EllesFontYouTube – qui soit dit en passant est une exception française – est une tentative de mettre en marche la firme dans ce sens.
Mais au vu du Rewind, elle semble peiner à trouver écho au siège et à l’international.
Bonne ou mauvaise nouvelle ? Sache qu’en tant que consommatrices de vidéos sur Internet, nous sommes aussi responsables du manque de visibilité des femmes.
Comment encourager un Youtube Rewind plus féminin ?
Combien de meufs comptons-nous dans nos listes d’abonnements ? À qui donnons-nous du fric sur Tipeee ou Ulule ? Quelles vidéos commentons-nous et partageons-nous ?
L’algorithme est bêtement mathématique : plus des mecs aux contenus similaires sont regardés, plus ils sont remontés.
Alors aux Internettes, ça ne nous décourage pas. Tout début janvier, nous publierons un Rewind 100% féminin, composé d’une quarantaine de vidéos marquantes.
Toute l’année, nous continuerons à développer les compétences des créatrices pour qu’elles réalisent des productions de qualité.
Et nous ne cesserons pas de recommander et de nourrir l’Internettes Explorer, notre répertoire de femmes vidéastes pour aider les internautes à sortir de leur bulle !
À lire aussi : [MàJ] Soutiens #MonCorpsSurYouTube, le mouvement de libération des corps féminins
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Les Commentaires
Concernant badmoizelle, je n'ai pas la prétention d'avoir toute la vérité sur l'affaire, juste des intuitions personnelles qui peuvent tout à fait se tromper.