You’re the Worst est une nouvelle sitcom passée un peu inaperçue, diffusée depuis le 17 juillet 2014 sur FX Network. Cette série, créée par Stephen Falk, met en scène deux horribles personnes, comme son titre l’indique !
Le héros, Jimmy Shive-Overly, est un jeune Anglais expatrié à Los Angeles. Il n’a publié qu’un roman, qui a fait un flop dans le paysage littéraire, et a claqué tout l’argent des ventes dans une maison assez classe ; il bosse donc pour des magazines en attendant la gloire qui, c’est sûr, ne manquera pas de couronner son talent. Mais Jimmy est surtout un gars très relou : nihiliste, égocentrique, narcissique, il n’hésite pas à faire du mal aux gens qui l’entourent, méprise les relations sociales et se croit original lorsqu’il exprime haut et fort son mépris.
C’est en pétant l’ambiance lors du mariage de son ex qu’il rencontre Gretchen, la meilleure amie de la soeur de la mariée, prête à s’enfuir de la cérémonie en ayant piqué un des cadeaux. Gretchen s’occupe des relations publiques d’un label musical, est un peu rangée après une jeunesse placée sous le signe de la fête et de la drogue… Et c’est aussi une personne peu recommandable qui pense surtout à sa gueule, boit trop, fume trop et n’en a rien à foutre des autres.
Ce qui devait n’être qu’un coup d’un soir entre Jimmy et Gretchen évolue en relation, puisque chacun est le seul à accepter l’autre comme il est vraiment, avec tous ses défauts. Et comme vous vous en doutez, leur attitude je-m’en-foutiste et cynique ne va pas forcément durer très longtemps…
Pourquoi regarder une sitcom sur des gens nuls ?
Bah oui, c’est vrai ça : pourquoi est-ce que quiconque aurait envie de suivre les aventures de gros égoïstes narcissiques qui martyrisent quasiment leur entourage ?
Déjà parce que ce qui est bien dans You’re the Worst, c’est que les proches de Jimmy et Gretchen ne sont pas passifs face à leurs attitudes. Ils n’hésitent pas à leur faire des reproches, à les « punir » (en mode « Ne compte pas sur moi pour t’accompagner ce soir, tu m’as posé un lapin hier ») et ne voient pas forcément d’un bon oeil l’union de ces deux personnalités quelque peu toxiques, malgré l’affection qu’ils leur portent.
Par rapport à la complaisance dont bénéficient d’autres personnages de sitcom insupportables, comme Sheldon dans The Big Bang Theory ou Barney dans How I Met Your Mother, je trouve ça déjà bien de voir que même si Jimmy et Gretchen sont les héros, ils ne bénéficient pas pour autant d’une immunité dégoulinante de bienveillance !
À lire aussi : Pourquoi « The Big Bang Theory » s’essouffle
Elle est belle, la jeunesse
De plus, et c’est bien évidemment tout l’intérêt de You’re the Worst, la méchanceté et la froideur des personnages va s’étioler petit à petit, au fur et à mesure qu’ils remettent en question leur façon de voir le monde. Est-ce bien indiqué d’avoir le cynisme d’un adolescent quand on a passé les 30 ans ? Est-ce vraiment raisonnable de mépriser tout un chacun quand on vit soi-même dans une petite porcherie ?
Un équilibre apporté par les personnages secondaires
Loin d’être de simples sidekicks servant de support à diverses situations comiques, les personnages secondaires de You’re the Worst font la force de cette sitcom et équilibrent avec justesse le ton, pour éviter l’étouffement à force de méchanceté.
D’abord, il y a Lindsay, qui a fait les quatre cent coups avec Gretchen dans ses jeunes années, avant de se ranger en épousant un homme assez ennuyeux et en quittant Los Angeles pour une banlieue façon Wisteria Lane.
Au début, Lindsay paraît naïve, un peu effacée/victimisée face à Gretchen, un peu neuneu… mais ce n’est qu’une façade. En réalité, elle peut se montrer féroce, est très lucide sur les défauts de son amie, mais l’aime malgré tout et comprend ce qui l’attire chez Jimmy (et vice-versa). De plus, Gretchen, avec son franc-parler, la ramène à la réalité lorsqu’elle complexe sur son poids face à ses voisines filiformes de banlieue, ou s’enfonce dans un quotidien trop plan-plan pour son caractère volcanique.
Ensuite, il y a Edgar, le coloc de Jimmy. Ce jeune Américain d’origine mexicaine revient d’Irak, où il a servi dans l’armée, et souffre de stress post-traumatique. Connaissant Jimmy depuis l’université, époque où il lui vendait de l’herbe, il réussit à emménager chez lui sans payer de loyer, mais en s’occupant de la cuisine et des tâches ménagères.
Edgar est touchant dans son désarroi face à un monde auquel il a bien du mal à se réhabituer, et ça fait un peu mal au coeur de voir Jimmy et Gretchen l’ignorer quand il a besoin de se confier. Cela dit, ils l’acceptent malgré tout comme il est, même s’il peut se montrer assez dangereux à cause de ses cauchemars très réalistes et de sa paranoïa. Jimmy lui offre un toit et une relative tranquillité d’esprit, tandis que Gretchen le traite avant tout comme un ami.
Enfin, mes personnages préférés à moi, mes petits chouchous, ce sont les trois gars formant le trio de rap que gère Gretchen. Ces parodies de Tyler the Creator ou Childish Gambino sont bien loin d’être aussi bêtes qu’ils en ont l’air !
S’ils paraissent au premier abord assez immatures, ces trois rappeurs sont très conscients de leur image, de leur talent mais aussi du monde qui les entoure. Ils n’hésitent pas à remettre Gretchen à sa place, à la complimenter lorsqu’elle fait du bon boulot, ni à démonter les clichés encore trop souvent associés aux jeunes Noirs américains.
Est-ce qu’on grince des dents devant You’re the Worst ?
À lire aussi : Comment le féminisme a changé mon rapport à la pop culture
Ce qui est bien avec
You’re the Worst, c’est que si l’humour de cette sitcom passe principalement par les remarques au vitriol de Jimmy et Gretchen, ce n’est jamais de l’humour gras ou insultant.
You’re the Worst ne se moque pas des femmes qui, comme Gretchen, veulent vivre une sexualité épanouie, ni de celles qui, comme Lindsay, complexent sur leur poids tout en craquant pour des pancakes. Elle ne se moque pas des soldats souffrant de stress post-traumatique ni des jeunes Noirs américains se lançant dans le rap.
On se moque plutôt des hipsters qui pensent avoir inventé la poudre alors qu’ils récupèrent les éléments cool de la culture latino d’il y a dix ans, des restaurants conceptuels de Los Angeles où il faut attendre 30 minutes debout avant d’être installé, de l’hypocrisie d’un mariage catholique alors que la mariée est athée, de ces jeunes auteurs persuadés que la gloire leur est due…
On ne tape pas sur les cibles faciles, et ça fait du bien.
Par contre, You’re the Worst souffre des mêmes maux que 90% des séries américaines : les personnages sont quasiment tous blancs, hétérosexuels, assez aisés (même si là, au moins, leur niveau de vie est crédible)… Le seul personnage d’homme gay pour l’instant était très stéréotypé, Lindsay est grosse selon les critères hollywoodiens (elle fait probablement du 42, 44 à tout casser) et à part ça, on reste dans du très classique, sans prise de risques.
À lire aussi : Le problème de la représentation, expliqué par Mirion Malle
Pour conclure, You’re the Worst ne révolutionne pas le genre mais a le mérite d’être une sitcom assez originale et rafraîchissante, avec des héros qu’on apprend à aimer petit à petit et qui évoluent dans le bon sens. De plus, que ce soit au niveau des personnages secondaires ou des références culturelles, elle est clairement ancrée dans l’esprit de 2014 et ça aussi, ça fait du bien !
À lire aussi : Les sitcoms touchent-elles à leur fin ?
Les Commentaires
Bref j'ai avalé tous les épisodes et j'en veux encoooooooore