Ça s’ouvre comme Game of Thrones : dans la neige et le sang.
Une femme, de dos, court parmi les arbres aux cimes givrées, manifestement poursuivie par un assaillant bien décidé à lui faire la peau.
À bout de souffle, elle continue pourtant à lutter pour sa survie, jusqu’à tomber dans un piège et finir traversée de part en part par des pics rouillés.
Ainsi démarre Yellowjackets, la nouvelle sensation de Showtime, qui donne le ton du programme. Et il sera hard.
Yellowjackets, crash, queues de cheval et mystères
En 1996, une équipe de soccer féminine, composée de profils bien distincts — la peste aux allures de mannequin qui dicte sa loi, la victime supposée de ladite peste finalement encore pire qu’elle, la compétitrice prête à tout pour la gagne, même à l’inconcevable, la « rebelle » au mulet platine qui fume des joints, boit des bières et prend des cachetons — embarque dans un avion pour aller disputer un match.
L’une d’entre elle, particulièrement aérophobe, gobe un Valium pour s’éviter le stress du vol, et sombre dans un profond coma, dont elle ne se réveillera qu’à force secousses. Car l’avion s’écrase au sol, laissant les survivantes du crash seules au milieu d’une nature vaste.
Dans un triptyque de timelines entremêlant passé, présent et futur, Yellowjackets dissèque les pires tares de l’humain, celles qui prédisposent nos héroïnes à tout faire pour survivre, en dépit de leur amitié pour les autres survivantes.
Dans cette région isolée où elles ont atterries, seule règne la loi de la plus forte.
À grands renforts d’images du crash, des jours qui ont suivis, mais aussi et surtout de 2021 où les quelques survivantes, qui ont fait vœu de ne JAMAIS raconter ce qui s’est passé entre elles, tentent d’enterrer leur passé, Yellowjackets trimballe ses spectateurs d’un bout à l’autre de l’intrigue, semant le mystère à tout va, au risque, peut-être, de lasser un peu son public.
Yellowjackets, l’adaptation de Sa Majesté des mouches
Vous l’avez sans doute eu entre les mains.
Si ce n’est pas Monsieur Rubens, votre professeur de Français qui vous a obligé à le prendre au CDI, c’est sans doute votre mère qui vous l’a pris à la bibliothèque.
Quoi qu’il en soit, Sa Majesté des mouches, roman furieusement brutal de William Golding sorti en 1954, est l’un des piliers majeurs de la littérature du 20è siècle.
Féroce traité sur la nature sauvage et meurtrière de l’homme se déroulant en pleine Seconde Guerre mondiale, Sa Majesté des mouches fait état de la désorganisation sociale en contexte de crise.
Un roman tristement actuel que la série (sa libre adaptation) transcende en transformant le groupe de jeunes garçons du livres en une troupe de sportives prêtes à tout.
Yellowjackets s’inscrit dès lors dans un modernisme avéré, non pas seulement pour le genre de ses héroïnes et ses efforts de wokisme, mais pour la désorganisation sociale dont il s’inquiète, et qui fait furieusement écho à notre crise sanitaire et sociale actuelle. Le cannibalisme en moins.
Yellowjackets, de l’organisation au chaos
Pour les héroïnes congelées et affamées de Yellowjackets, tout commence par une tentative d’organisation au sein de leur petite assemblée de survivantes.
Un ordre est établi, auquel il convient de ne pas déroger, qui prend la forme d’une démocratie. Mais rapidement, c’est le chaos qui l’emporte sur l’égalité, et la peur sur la raison.
Dans les montagnes canadiennes, personne ne peut alors les entendre crier. À part peut-être un groupe d’assaillants mystérieux qui tracent des symboles dans l’écorce des arbres ?
Grâce à une narration non-linéaire efficace, à la manière de celle instiguée par Damon Lindelof et J.J. Abrams dans Lost la magnifique, Yellowjackets joue des coudes pour insérer dans son intrigue une éventuelle présence surnaturelle, et laisse planer le doute sur la réelle responsabilité des héroïnes meurtrières.
Ainsi, la série créée par Ashley Lyle et Bart Nickerson nous balade de théorie en théorie, prenant grand soin, dans le même temps, d’explorer l’intimité de chacune des protagonistes.
Comme devant Lost, on est vite accro. Comme devant Lost aussi, on se lasse malheureusement des effets de manches scénaristiques prévus pour étirer un mystère dont on craint d’avoir pourtant tout découvert assez rapidement.
Yellowjackets, des héroïnes stéréotypées
Si l’on se prend vite d’amitié pour les survivantes qui ont eu la chance (ou non, vu ce qu’ellent se trimballent en culpabilité et autres problèmes de santé mentale) d’atteindre l’âge adulte, on regrette toutefois que les personnages adolescents soient écrits à la truelle, pour rentrer au chausse-pied dans des cases prédéfinies.
Attention, les scénaristes du programme prennent grand soin de briser comme ils le peuvent ces cases par la suite, mais leurs efforts demeurent malheureusement vains, et les personnages de Yellowjackets restent un poil polissés (on a beau coller du hard rock sur une scène, ça ne rend pas son héroïne foutrement subversive pour autant).
Ajoutez à cela le fait que quasiment toutes les jeunes femmes castées pour jouer les membres de l’équipe de soccer ressemblent à des mannequins Elite — à l’exception d’une ou deux qui sont du coup cantonnées aux rôles d’intello à lunettes bizarre ou de meuf jalouse — et vous obtenez les deux gros points noirs du programme.
Yellowjackets déploie un beau panel d’actrices
Pour cette série quasiment exclusivement féminine, les créateurs du programme n’ont pas fait les choses à moitié.
Ainsi, ce sont quelques unes des plus grandes actrices américaines de cette décennie et de la précédente qui se relaient dans cette adaptation de Sa Majesté des mouches, comme Christina Ricci (La Famille Addams, Casper, Monster), Melanie Lynskey (actuellement dans Don’t Look Up), Tawny Cypress (Unforgettable) ou Juliette Lewis (Tueurs nés, Les Nerfs à vif).
Pour leur donner la réplique et incarner les héroïnes adolescentes, on compte des talents plus jeunes mais néanmoins expérimentés, parmi lesquels Ella Purnell (Miss Peregrine’s Home for Peculiar Children, Arcane), Sophie Thatcher (Prospect, Going Strong), et bien d’autres encore.
C’est main dans la main, contrairement aux héroïnes qu’elles incarnent, que les actrices dessinent les contours de Yellowjackets, diffusée sur Showtime aux États-Unis.
Canal+ a acheté les droits du programme, mais n’a pour l’instant annoncé aucune date de diffusion.
Prenez votre mal en patience, vous devriez avoir accès à la série rapidement !
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