Il est temps de sortir du placard les gens… Oui, j’avoue, je me prosterne à vos pieds avec force honte et contrition, j’aime les histoires d’hommes, amour ou amitié, écrites par des femmes, pour des femmes, par des hommes pour des femmes ou par des hommes pour des hommes : j’achète, j’achète et j’achète encore !
Brokeback Mountain : panier ! Sam Gamegie et Frodon : je surenchéris ! Le baiser accidentel super pas du tout réaliste de Naruto et Sasuke… je prends !
Ouaip ! J’achète ! Et j’assume !
Petit point culture pour les profanes ceci dit : yaoi et bromance, qu’est-ce que quoi comment qui donc ?
Grosso modo : it’s guy looove betweeen twooooo guys
La bromance : l’amour viril et platonique
La bromance — association de « bro », pour « brother » (pote) et de « romance » — est une relation d’amitié plutôt platonique mais extrêmement intense entre deux hommes dans la fiction ou dans la vraie vie (selon Wikipédia, Brad Pitt et Clooney vivraient une chouette bromance). C’est un terme assez récent, qui vient de l’univers du skate des années 90. Il a été popularisé pendant la saison 7 de l’émission de téléréalité américaine Big Brother.
Si on a eu des amitiés intenses entre hommes pendant des millénaires (l’amour « platonique ») et des représentations desdites amitiés à forte connotation homosexuelle dans le cinéma très tôt (Gilda, qu’on se remémore surtout pour Rita Hayworth et ses gants sensuels, en est un bel exemple), la mise en valeur de la bromance comme argument marketing me semble par contre un phénomène beaucoup plus récent.
Selon la Nostalgia Chick, c’est surtout la franchise Le Seigneur des Anneaux qui, en mettant en avant le couple Sam/Frodo dans ses campagnes d’affichage, serait à l’origine de cette mode.
Notons que la « bromance » ne semble pas avoir été créée spécifiquement pour un public féminin et peut aussi remporter les suffrages des mecs… même si faut pas pousser, on peut s’aimer entre mecs, mais on est pô des momosexuels, comme semble le montrer cette géniale vidéo de Nigahiga :
« La bromance ça n’a rien de gay… même si y a pas de souci avec le fait d’être gay »
D’un autre côté, la bromance est souvent détournée en yaoi par les auteures de fanfiction (fictions écrites par les fans d’un univers spécifique et reprenant ledit univers et ses personnages). Ainsi, on peut trouver beaucoup de fanfictions mettant en scène de façon pas du tout platonique des bromances célèbres : Spock et Kirk, Sherlock et Watson, Magneto et Xavier…
Le yaoi, qu’est-ce que c’est ?
Eh bien, ça nous vient du Japon… et d’ailleurs, c’est surtout nous, Occidentaux, qui l’utilisons pour qualifier à peu près tout ce qui ressemble à une relation homosexuelle masculine. Au Japon, on parle plus généralement de boy’s love.
Donc, le yaoi c’est une BD, un anime un roman… qui met en scène une histoire amoureuse entre deux hommes, généralement des éphèbes androgynes. Quand la relation reste chaste, on parle de shonen-ai. Quand elle vire cochon et que les deux jeunes hommes éjaculent des paillettes en pleurant, ce sont des yaoi.
Les yaoi et shonen-ai sont destinés à un public féminin (et de fait, reprennent souvent des schémas hétérosexuels idiots traditionnels avec un dominant et un dominé) mais il faut noter qu’il existe également des mangas écrits par les hommes et pour les hommes mettant en scène des couples homosexuels, les bara.
On peut parfaitement critiquer le yaoi parce que… bon, soyons honnête, les trois quarts de la production racontent la même histoire en boucle et c’est cliché au possible, mais je dois dire que tout de même, prendre ainsi en compte son audience féminine et ses désirs c’est plutôt carrément cool ! Vive le Japon pour ça.
Pourquoi j’aime le yaoi et la bromance ?
Je suis tombée une fois sur une analyse à la con qui clamait que la passion des jeunes filles en fleur pour le yaoi viendrait d’un désir lesbien non assumé : les bishi (les éphèbes androgynes) seraient des crypto-lesbiennes « inoffensives ». Ce genre de raccourcis à la con me donne envie de hurler. Non, je n’ai pas peur de la virilité et si j’avais des désirs lesbiens, je ne me tournerai pas vers le yaoi : « androgyne », ça ne veut pas dire « féminin » !
Maintenant qu’on a mis cette idée au placard… qu’est-ce que le yaoi peut bien m’apporter, à moi, personnellement ?
Déjà, dessiner du yaoi en cours, y a rien de tel pour passer le temps !
Deux beaux éphèbes à mater, what else ?
Deux fois plus de beaux mecs érotisés. C’est très simple comme explication mais c’est vrai que deux garçons qui fricotent ensemble… Voilà, quoi. C’est vrai que j’aimerais parfois un peu plus de variété dans les physiques représentés dans le yaoi, parce que souvent, à part la coupe de cheveux, on a pas grand-chose pour distinguer un partenaire de l’autre mais bon…
Une amie m’a dit que mettre deux beaux mecs fictifs ensemble c’était du « gâchis » : je ne suis absolument pas d’accord ! Déjà parce que dans cette optique, mettre lesdits bômecs en couple avec une fille qui ne serait pas mon humble personne serait aussi du « gâchis ». Ensuite parce qu’avec le yaoi et la bromance, j’ai aussi la liberté de me placer en position de voyeuse, de spectatrice.
Même si on peut, évidemment, s’identifier ou se projeter dans le corps d’un homme, dans le cadre d’une relation sexuelle, c’est un peu plus complexe. Dans le yaoi, c’est plus évident de regarder, on y est invité-e-s, et… moi aussi j’aime mater de la fesse !
Inversons les rôles !
Comme les deux partenaires sont du même sexe, on peut beaucoup plus facilement envisager un vrai partenariat et une vie sexuelle dans laquelle les deux lurons peuvent changer de rôle quand ça leur chante. Pour voir ça dans une relation hétéro fictive, faut se lever tôt par contre (« Tu envisages la sodomie avec moi dis-tu ? Mais sais-tu que tu disposes également d’un anus mon loulou ? »)…
Souvent, hélas, le yaoi présente un couple de dominant/dominé (on dit « seme » et « uke », pénétrant et pénétré en yaoi — à savoir que ces termes s’utilisent aussi dans les arts martiaux japonais comme le kendo ci-dessous).
Un pénétrant (seme) et un pénétré (uke) en pleine action
Ces relations peuvent même devenir très abusives et malsaines, ce qui me déplaît assez, personnellement (le « uke » pénétré qui se fait prendre de force et qui pleure comme pas possible, mais en même temps jouit malgré lui avec force paillettes parce que c’est trop bon… comment dire… le viol ça m’excite pas perso, mais si tu aimes ça en fantasme, je ne juge pas).
En plus, ça me rappelle assez fortement le modèle de la pédérastie grecque où un éraste faisait l’éducation (notamment sèksouèle) d’un très jeune éromène.
Éraste et éromène : tu la sens, la relation basée sur la réciprocité et la confiance ?
De bonnes histoires, sans virilité monolithique
Les larmes d’un homme… C’est beau ! Parce que le yaoi/la bromance, c’est aussi l’occasion de voir des hommes débarrassés de leurs oripeaux dépassés d’une virilité stoïque et froide.
On a encore trop tendance, dans la fiction d’aujourd’hui, à oublier que les hommes aussi ont des glandes lacrymales : le yaoi et la bromance réparent cette erreur.
De plus, quand une relation entre deux personnes est bien écrite, elle est passionnante quel que soit leur sexe ou leur degré d’intimité. J’aime le yaoi comme j’aime les bonnes romances hétéro, voire les shojo-ai et le yuri, qui mettent en scène une relation entre deux femmes (un genre hélas dans l’ombre du yaoi, et qui vire souvent à un simple fantasme lesbien à la japonaise avec éjaculations vaginales en série).
Où sont les « womance » ?
Ceci dit, je dois dire que j’ai quand même un regret vis à vis du yaoi et de la bromance : le fait que les deux genres participent à l’invisibilisation des femmes. On y place souvent la femme (copine de l’un ou de l’autre, voire rivale) comme cinquième roue du carrosse, individu à part avec lequel les hommes n’auront absolument pas le même degré d’intimité et qui sert d’élément perturbateur du couple. Mais quand elles ne sont pas diabolisées, elles sont absentes ou moins nombreuses, moins importantes, moins fouillées.
Il est encore relativement rare de voir des « womances » mises en avant. Déjà que très peu de films passent le Bechdel Test, alors voir des femmes développer de vraies relations intenses entre elles… Pourtant, la vraie vie est une super source d’inspiration à ce niveau, pas vrai ?
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