À l’heure où madmoiZelle a lancé notre répertoire du sexisme illustré en politique, Est-il difficile de s’affirmer féministe en tant qu’homme politique ? Lorsque l’on pose la question à Yann Galut, député du Cher, la réponse est simple :
« C’est un des combats qui me construit, au même titre que l’anti-racisme. »
Le féminisme a toujours eu une place privilégiée dans son engagement. Et pour cause : « J’ai eu de bons professeurs », lance-t-il, faisant allusion parmi d’autres à Isabelle Thomas !
Invité mardi 2 septembre à s’exprimer et à débattre à ce sujet par l’association étudiante de Sciences Po Politiqu’Elles, Yann Galut a fait le constat attristé d’un sentiment de recul sur la question de la considération des femmes, en politique et en général.
Une allusion bien sûr aux mouvements conservateurs et anti-genres post-Manif pour Tous, qui ont par exemple fait reculer le gouvernement sur les ABCD de l’Égalité.
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S’inquiétant du retour en force d’idées réactionnaires, il a rappelé avoir assisté à « des interventions telles qu’on n’en avait pas vues depuis des années » sur les bancs de l’Assemblée à l’occasion des débats sur la suppression de la notion de « détresse » du texte concernant l’avortement, voté en janvier 2014. Ce combat est donc pour lui toujours d’actualité, et non dépassé.
Poursuivant son état des lieux, le député pose la question :
« Aujourd’hui, dans le gouvernement, qui sont les cibles ? »
Vu l’acharnement sur les ministres Najat Vallaud-Belkacem et Christiane Taubira, la réponse était toute trouvée… il ajoute que « le fait d’être d’origine étrangère accentue les attaques ».
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Il a ainsi rappelé, faisant part de son expérience, que les femmes ont toujours été davantage attaquées sur leur physique, leur vêtements, les mots utilisées à leur encontre sont toujours beaucoup plus violents que ceux que l’on se permet contre les hommes. « Édith Cresson Premier Ministre, c’était le départ. »
Face à l’évocation des attaques menées à l’encontre de François Hollande, Mr. Galut rappelle que François Hollande est Président de la République, et que cette fonction le place automatiquement en tête de la liste des personnes visées. Piochant de nouveau dans son expérience personnelle, il affirme n’avoir jamais été la cible de commentaires désobligeants sur son physique, tandis que son homologue féminin à Bourges, Irène Felix est une habituée de ces critiques.
Interrogé au sujet du traitement médiatique des femmes, et plus particulièrement concernant la campagne municipale parisienne de 2012, Yann Galut admet que la presse elle-même est très stigmatisante et a sa part de responsabilité dans ces attaques.
On se souvient en effet des expressions utilisées au sujet de Nathalie Kosciusko Morizet et Anne Hidalgo telles que « crêpage de chignon ». Il rapporte également des propos entendus à l’Assemblée Nationale au sujet du look de NKM qui faisait allusion à sa sexualité, la qualifiant de « dominatrice ».
Ces états de faits sont complétés par Fatima, présidente de Politiqu’Elles et engagée politiquement qui rappelle les remarques qu’on a pu entendre au sujet d’affiches de campagnes photoshopées ou de coupe de cheveux, sujets que l’on aborde pas lorsqu’il s’agit d’un homme.
Et les constatations s’enchaînent : concernant l’entrée en politique des femmes, ces dernières doivent toujours se démener et abattre une charge de travail plus conséquentes que les hommes pour être reconnues.
Pour preuve : Yann Galut témoigne de leur présence beaucoup plus assidue à l’hémicycle par exemple. Au regard des questions écrites qui sont posées, les femmes apparaissent également en majorité et si l’on prend l’ensemble du travail parlementaire fourni, en tenant compte de la proportion de femmes élues, elles sont là encore en majorité.
Cependant, lorsque l’on prend les questions au gouvernement, celles qui sont diffusées au grand public en image et qui atteignent donc beaucoup d’audience, les hommes reviennent en force.
De plus, les différentes commissions composant l’Assemblée Nationale sont genrées. Si l’on compare l’une des commissions les plus « prestigieuses » qu’est la commission des Finances à la Commission des Affaires Sociales par exemple, la proportion de femmes passe de près de 11% dans la première à pas loin de 44% dans la seconde ! Amère approbation dans la salle.
Et ce donc, malgré les quotas imposés par les lois. Désormais, ces quotas sont présents pour toutes les fonctions, on doit présenter des candidats aux élections à parité. Mais dans les faits, cela a mis longtemps à évoluer témoigne le député.
Et ce même dans les partis qui font aujourd’hui des efforts et réalisent des avancées – notons que nous avons depuis 2012 un gouvernement paritaire, et avec le gouvernement Valls II un gouvernement où les femmes obtiennent une véritable place dans les ministères régaliens (les ministères les plus grands).
Ainsi, au Parti Socialiste au moment de l’introduction des quotas, tous n’y étaient pas favorables. Les raisons ? En vrac : le remplacement d’hommes compétents par des femmes qui ne le sont pas, le manque de candidates pour constituer les listes, la peur de se voir voler sa place…
Lucile Schmid, dans son livre Parité Circus, rend compte de la situation réelle par rapport à la position officielle : des femmes envoyées au « casse-pipe » face à des poids lourds de la droite, lorsque les hommes raflent les circonscriptions où l’électorat est plus facilement acquis à la gauche. C’est Martine Aubry qui est finalement parvenue à imposer des femmes dans des circonscriptions gagnables.
Ces mauvaises excuses sont balayées d’un revers de main par le député pour des raisons évidentes : les femmes ne sont pas moins compétentes que les hommes, et si on ne trouvait pas beaucoup de volontaires au départ, c’est avant tout car on n’allait pas les chercher.
Il prend l’exemple du secrétariat national du PS à l’époque de Michel Rocard, exclusivement masculin : peu de personnes au sein du bureau s’étaient étonnés de ce fait.
Aujourd’hui, toutes les instances du parti sont paritaires. L’efficacité des quotas est désormais prouvée selon lui car depuis 1997, année de sa première mandature, la part de femmes à l’assemblée a grandement augmenté, ce qui aurait été plus compliqué si cela n’avait pas été imposé.
Tableau de la part des femmes candidates et élues à l’Assemblée Nationale (source Insee)
Concernant les arguments selon lesquels cela dévalue le combat du féminisme, Yann Galut avance que c’était pour lui la moins mauvaise des solutions pour faire bouger les choses, car un homme politique aura toujours de bonnes raisons pour ne pas céder son siège, pour y placer à sa suite son dauphin plutôt qu’une jeune femme.
En dépit de ces nombreux constats souvent alarmants, Yann Galut se veut confiant pour l’avenir des femmes en politique : la génération qui suivra est selon lui bien plus ouverte et bien plus avertie du sujet, ce sera à nous de nous de faire en sorte que ce sujetsoit au centre du débat et de le faire avancer, pas seulement à travers la loi, mais à travers le militantisme, l’action au sein même des partis et des associations.
Un étudiant l’interrogeant sur des mesures concrètes autres que les quotas, c’est le député et d’autres étudiantes qui ont ajouté à ces mots d’espoirs les différentes solutions à imaginer pour faire avancer les choses, de manière concrète : la fin du cumul des mandats, dans le nombre de fonctions mais également dans le temps, pour permettre à une nouvelle génération d’émerger rapidement.
Il serait nécessaire également de mettre en place des dispositifs publics adaptés comme des crèches plus nombreuses pour permettre une véritable carrière aux femmes, en parallèle de leur vie familiale. Et surtout, prendre le problème à la source en s’attaquant aux stéréotypes dès l’école.
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Les Commentaires
ça a surtout réveillé les attitudes machistes des parlementaires, relayées par les médias .
Au final, il est plus difficile de savoir si une dirigeante est compétente ou non pour son poste, vu que tous le monde n'arrête pas de faire remarquer qu'elle a des boobs.
Il faut toujours juger l'individu plutôt que le genre ou le physique, mais en politique, tous les coup sont permis.