Alors certes, les séparations, les divorces, les engueulades, ce sont des histoires de « grandes personnes » mais elles auront forcément un impact sur les enfants alors autant essayer de leur dire de la meilleure des manières possible. Ces « petites personnes » sensibles et qui ne comprennent pas toujours tout ont besoin de savoir, mais il faut mettre un peu de forme.
Enfant de parent divorcés, je sais que le moment où l’on comprend que ses parents vont se séparer peut rester très très longtemps gravé en mémoire. Autant faire en sorte que ce souvenir soit le moins désagréable possible.
À quel moment faut-il leur dire ? Comment et pourquoi ?
Marie Chetrit, docteure en sciences, qui vient de publier Éducation positive : une question d’équilibre ? Démêler le vrai du faux de la parentalité bienveillante, nous aide à y voir plus clair.
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Un possible climat conflictuel à expliquer
La décision de se séparer n’intervient souvent pas d’un coup d’un seul. Elle peut être précédée d’une atmosphère tendue, de querelles, de petites crises. Les préliminaires de la séparation — si je puis dire —, les disputes, doivent aussi être expliquées aux enfants.
Marie Chetrit nous explique qu’il est important d’en parler aux enfants :
« C’est important de verbaliser dessus avec l’enfant. Leur dire : voilà pourquoi on s’est disputés, on n’est pas d’accord et chacun veut avoir raison. Ça arrive, ce n’est pas forcément grave et on peut se réconcilier après. »
Ce ne sont pas des idiots, les enfants sentent et pressentent les choses, comme nous l’indique Marie Chetrit :
« Les enfants comprennent très bien, sans doute longtemps avant qu’on leur dise quoi que ce soit. Ils sentent que ce n’est pas la joie dans le couple. Ils savent ce qui se trame. »
Ils ont beau sentir que quelque chose de pas très joyeux se déroule, mieux vaut tout de même se poser, et l’annoncer.
De quelle manière le faire concrètement ?
On peut alors réserver un moment, si possible avec les deux parents présents et annoncer les choses à deux voix, avec des mots simples et calmement. Évidemment, vous n’aviez pas l’intention de le faire en hurlant ou en chantant, mais sait-on jamais. Les gens qui vivent dans une comédie musicale, on les connaît.
Marie Chetrit nous en dit plus :
« Il faut le faire de manière solennelle. L’enfant sait que ça va bouleverser sa vie. Ça ne sert à rien de minorer l’impact que ça va avoir. C’est forcément une annonce solennelle. »
Le mieux est donc de le faire à deux, avec le co-parent, sans entrer dans les détails non plus, comme Marie Chetrit nous le dit :
« Il faut l’annoncer à deux, quand la situation le permet. Pas étaler la raison de la mésentente entre les parents, s’il y en a une. »
Il semble donc important de les préserver des différends parentaux.
Protéger les enfants des conflits des parents
On garde les possibles griefs pour nous, pas de raison d’embarquer l’enfant là-dedans :
« Il ne faut pas emmener l’enfant dans un conflit et éviter de mettre la faute sur un des parents. Rester le plus neutre possible. Être dans une position parentale. »
Même s’il est parfois difficile de mettre l’affect de côté :
« Parfois ça nécessite de prendre vraiment sur soi et d’avaler des couleuvres. Ce n’est pas évident. Tout dépend de la situation du couple mais quand il y a eu des gros différends avec des blessures très profondes, c’est compliqué.
Mais il vaut mieux laisser de côté son ressentiment personnel pour préserver l’enfant, c’est toujours mieux sur le long terme. »
Tentons donc dans ce genre de situations de penser au bien-être de l’enfant et au long terme.
Ce n’est pas la faute de l’enfant, il faut bien le lui dire
Bien sûr, cela paraît évident aux parents que l’enfant n’y est pour rien, mais de son point de vue, de sa hauteur de petit bout très auto-centré, ça ne l’est pas. Marie Chetrit nous explique :
« Il est bien de lui expliquer qu’il n’est pas responsable. Beaucoup d’enfants pensent qu’ils sont la cause de la séparation de leurs parents.
Ils ont peur que ce soit parce qu’ils n’ont pas été sages. Il faut leur dire qu’ils n’y sont pour rien, qu’on les aimera toujours. »
Marie Chetrit poursuit en nous parlant de son exemple personnel :
« Ma fille avait trois ans, on s’est réunis tous les trois et on lui a expliqué qu’on était pas heureux ensemble, qu’il était préférable qu’on ne vive plus tous les deux ensemble. Mais qu’on serait toujours là pour elle, qu’on l’aimera toujours. »
Les parents ne doivent donc pas hésiter à déballer un peu leurs sentiments… pour leurs enfants. L’amour, l’amour, l’amour !
Un cas fréquent : la séparation avec un nouveau conjoint ou une nouvelle conjointe
Il arrive que la séparation entre les parents se fasse tôt et les beaux-pères et belles-mères jouent alors un grand rôle. Cette nouvelle séparation peut-être une bénédiction (on ne s’entend pas forcément avec le nouveau compagnon ou avec la nouvelle compagne) mais cela peut aussi être un vrai coup dur.
Tous les conseils que nous venons de donner sont alors à prendre aussi pour cette annonce.
Amina Frühauf, la mère de Bilal Hassani, dans son livre autobiographique Être mère, Taha, Bilal et moi, raconte que de nouveau en couple depuis plusieurs années, alors que ses enfants sont adolescents, elle décide de se séparer de son conjoint et doit l’annoncer aux enfants :
« Le soir, au restaurant de l’hôtel, je profite de ce moment plus détendu pour m’expliquer davantage. Je connais la vertu de la parole, il me faut les rassurer : “Écoutez, les enfants, notre vie va encore changer, cela vous paraît peut-être excessif. Vous vous posez beaucoup de questions, et ne comprenez pas les raisons qui m’ont poussée à prendre cette décision. Je vais essayer de vous expliquer.“ Alors je leur dis avec des mots simples ce qu’au fond de moi je ressens. […] Je leur parle aussi du droit à être heureux, un but vers lequel j’essaie de tendre […] »
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Adèle van Reth, dans son livre autobiographique La Vie ordinaire, parle aussi de ce type de séparations, plus douloureuse qu’il ne peut y paraître :
« Le seul moment vraiment douloureux arriva à l’heure de leur dire au revoir, je dus leur expliquer que je me séparais de leur père mais que ça ne voulait pas dire que je les abandonnais, qu’on pouvait continuer à se voir bien sûr quand ils le voudraient, que je ne serai jamais loin, et ma gorge se serrait car je savais que je n’allais pas les revoir bientôt […]. »
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Voilà, l’annonce, aussi douloureuse soit-elle, est faite ! Que se passe t-il ensuite ?
Les étapes après l’annonce, que dire ?
La vie ne s’arrête pas après cette annonce. Et elle sera suivie d’autres, de petites annonces sur les changements à venir. Le niveau de détails des événements qui suivront dépend de l’âge de l’enfant et de sa capacité à comprendre.
« Pour les petits, avoir une vision dans le futur, ce n’est pas forcément facile. S’il n’y a pas de décision sur la suite des événements prises à très court terme, ce n’est pas la peine de les tenir au courant de la conciliation, du jugement par exemple… Ça ne voudra rien dire pour lui s’il est petit. »
Réservez les annonces aux événements qui vont avoir un impact sur leur quotidien, comme nous le dit Marie Chetrit :
« Ce qui compte pour l’enfant, c’est : est-ce que sa vie quotidienne va changer ? Est-ce que les deux parents habitent toujours sous le même toit ? Est-ce qu’il va changer d’école ? On va se limiter à ça.
L’annonce du déménagement oui. Pour que l’enfant puisse anticiper sur ce que sera sa vie. »
Pour résumer, faire une annonce solennelle est une bonne chose, en rassemblant tous les membres de la famille, tout en ne dramatisant pas, et en évitant de décrire les différends entre les parents. Leur dire qu’on les aime, et qu’on les aimera toujours, évidemment.
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Image en une : © Georgijevic/Getty Images
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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