Devant le succès de Dix pour Cent, plusieurs pays ont choisi de façonner le programme à leur manière, avec leurs acteurs « maison ».
Le Canada, l’Inde, l’Angleterre ainsi que la Turquie planchent sur, ou ont déjà sorti, des adaptations de la série phare de France 2, qui se trouvera le 21 janvier en intégralité sur la plateforme française de SVoD Salto.
Dans la version turque du show, le personnage de Camille Cottin, originellement lesbienne, est devenue hétéro…
Andrea Martel sera hétéro dans la version Turque de Dix pour Cent
Camille Cottin est non seulement la coqueluche du cinéma français, mais commence également à élargir son territoire d’action : l’actrice fait la une des médias culturels puisqu’elle vient tout juste de rejoindre le casting du film de Ridley Scott Gucci (avec notamment Adam Driver et Lady Gaga).
Lors d’un long entretien publié dans le prestigieux Guardian, celle qui a passé son enfance entre France et Angleterre s’est livrée sur son parcours et les rôles qui ont fait son succès, parmi lesquels celui d’Andrea Martel dans Dix pour Cent : un personnage carriériste qui ne mâche pas ses mots et élève au fil de l’intrigue une petite fille du prénom de Flora avec sa compagne Colette.
Un peu brute de décoffrage, pour ne pas dire franchement malpolie, Andrea gagne toutefois en empathie et en sympathie au fur et à mesure des saisons. Rapidement, le personnage a conquis la France, faisant passer son interprète de Connasse à carriériste au grand cœur !
Si Camille Cottin n’a rien précisé de l’avenir de son personnage dans les versions indiennes et canadiennes, elle a précisé qu’Andrea Martel sera hétérosexuelle dans l’adaptation turque de Dix pour Cent :
« En Turquie, mon personnage est soudainement devenu hétérosexuel, ce qui est bien sûr terriblement dommage puisque le fait qu’elle soit lesbienne participe à son identité. »
Regrettable en effet, car l’orientation sexuelle de l’un de ses personnages principaux faisait justement de Dix pour Cent une série si ce n’est avant-gardiste, au moins progressiste…
Andrea Martel hétéro en Turquie, le symbole d’une société homophobe
En 2015, quand la série a débuté sur France 2, il était rare de voir des programmes grands publics diffusés en prime time représentant des personnages principaux LGBT. Pourtant,
Dix pour Cent n’a pas eu peur de présenter une héroïne lesbienne, qui élève un enfant avec une autre femme.
Deux ans auparavant, en plus, le pays avait été agité par le blabla éprouvant des anti-Mariage pour Tous, qui n’avaient cessé de défiler contre l’égalité, scandant leurs slogans d’un autre temps. Alors présenter à cette époque sur France 2 des personnages homosexuels assumés, en dehors des clichés, c’était un évènement.
L’identité sexuelle d’Andrea est plus qu’un bon trait scénaristique : c’est le symbole d’une société française en mouvance, débarrassée d’un archaïsme qui lui colle encore au cul et dotée d’un progressisme, si ce n’est avéré, au moins en marche.
Faire « virer de bord » le personnage d’Andrea n’est pas une décision à prendre à la légère. Elle est en réalité symptomatique d’une société toujours enlisée dans l’homophobie.
Si l’homosexualité n’est pas illégale en Turquie, elle y demeure extrêmement taboue. Les Marches des Fiertés y sont réprimées ; le ministre des Affaires religieuses a condamné les relations entre personnes de même genre (avec le soutien du président Erdogan) ; des étudiants ont été traînés en justice pour avoir organisé un évènement LGBT+…
Et cette poussée de l’homophobie se ressent aussi dans la culture : Netflix a annulé le tournage d’une série en Turquie car le gouvernement exigeait qu’un personnage gay soit retiré du scénario. Tout comme « Andrea Martel » ne peut pas y exister dans la version locale de Dix pour Cent — car ne nous mentons pas, faire de ce personnage une femme hétérosexuelle, c’est nier une si grande part de son identité que ça équivaut à la supprimer du script !
On entend souvent que l’intérêt d’un personnage, ce n’est pas son orientation sexuelle ou ses caractéristiques physiques mais la qualité de son intrigue. Cet exemple souligne l’importance de la représentation : peu importe les rebondissements du scénario, Andrea Martel version turque devient le symbole d’une homophobie persistante.
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