Invité à présenter son 50e film à la Mostra de Venise, Woody Allen a saisi l’occasion pour donner son avis sur l’affaire Rubiales mais aussi sur #MeToo. Et on s’en serait bien passées.
Les colleuses étaient mobilisées pour dénoncer un système qui protège et met en lumière des hommes accusés de violences sexistes et sexuelles. « Non à la culture du viol », « Arrêtez de mettre les projecteurs sur les violeurs » ont-elles clamé en chœur lors de l’avant-première du film. Dans un post Instagram salutaire, le collectif féministe Tapis rouge colère noire observait avec justesse :
« Par ces sélections à répétition, les festivals de cinéma continuent de tisser un réseau transversal d’alliances et de soutiens qui devrait s’appliquer aux victimes de violences sexistes et sexuelles et non pas aux cinéastes accusés de ces violences. »
Tapis rouge colère noire
Quand le féminisme « devient n’importe quoi, c’est juste idiot«
Inutile de chercher bien loin pour comprendre combien les actions de ces féministes, constamment mobilisées, sont nécessaires. Alors qu’il est accusé d’agression sexuelle par sa fille adoptive Dylan Farrow et qu’il est mis au ban de Hollywood depuis plusieurs années, Woody Allen est allé jusqu’à se déclarer féministe lors d’un entretien pour Variety.
Arguant qu’il embauchait des femmes pour ses films et qu’aucune plainte n’avait été déposée à son encontre dans le cadre de son travail, le réalisateur de 87 ans s’est présenté comme un allié de #MeToo, avant de donner sa vision du féminisme. Sans grande surprise, on apprend donc que, selon lui, le féminisme peut être l’objet de dérives et devenir « idiot » :
Si un mouvement apporte quelque chose de positif, pour les femmes en l’occurrence, c’est une bonne chose. Quand ça devient n’importe quoi, c’est juste idiot. Parfois, c’est justifié et très bénéfique pour les femmes, et tant mieux. Mais parfois, je lis des affaires dans le journal qui me paraissent ubuesques et je trouve ça idiot…
Si le féminisme consiste à laisser faire les agresseurs, alors oui : Woody Allen est un allié de #MeToo
Quand la journaliste de Variety a demandé au réalisateur de préciser ce qu’il trouvait stupide, ce dernier a expliqué le plus normalement du monde que #MeToo n’avait parfois plus aucun lien avec les droits de femmes. Le vrai objectif du mouvement serait, selon lui, de créer des problèmes à partir de choses que « la plupart des gens » considèrent comme normales, confondant ainsi sa propre vision du monde avec celle du monde entier :
C’est idiot, vous savez, quand il ne s’agit pas vraiment d’une question féministe ou d’une question d’injustice à l’égard des femmes. C’est être trop extrême que d’essayer de faire des problèmes à partir de choses que la plupart des gens ne considèrent pas comme offensantes.
Ces faits qui, selon, Woody Allen, « ne sont pas considérés comme offensants par la plupart des gens », le réalisateur en a donné un exemple probant il y a quelques jours à peine.
Ce dernier avait déclaré à propos de l’affaire du baiser forcé de Luis Rubiales sur Jenni Hermoso qu’il ne voyait pas le mal dans son acte. Il avait affirmé que le dirigeant sportif espagnol « ne l’avait pas violée » puisque l’agression n’avait pas eu lieu dans « une ruelle sombre » et qu’il était « amis » avec la joueuse de football. Pour rappel, cette dernière a porté plainte le 6 septembre, après que cette agression filmée a provoqué colère et indignation à travers le monde.
Plus qu’une mauvaise blague, Woody Allen rappelle malgré lui combien #MeToo est nécessaire – et se porte mieux sans lui
Au-delà d‘une remarque cynique, on ne peut que s’inquiéter du fait que les hommes entretenant la culture du viol et accusés de violences sexuelles considèrent leur vision du monde comme étant la norme.
Cette inquiétude devient une question politique de premier plan lorsque ces hommes font des films financés, diffusés et acclamés, contaminant ainsi le cinéma et l’imaginaire du public de leur vision du monde pétrie de violence et de sexisme. En bref : merci à #MeToo.
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Les Commentaires
Si certains hommes peuvent avoir une prise de conscience, s’éduquer et évoluer ; je pense que d’autres, comme Woody Allen, y a rien à en tirer, ce sont juste des ennemis qu’il faut combattre. Et les combattre ça passe aussi par la dénonciation de leurs discours oppressifs. C’est finit le temps où on écoutait toutes ces merdes sans rien dire.