Le pari de s’inscrire dans l’héritage de l’indétrônable Charlie et la Chocolaterie était risqué et aurait pu tourner à la catastrophe.
Si Wonka parvient à construire son propre univers et évite l’écueil de coller au film de Tim Burton, cela ne lui suffit pas pour construire une aventure, des personnages, des lieux et toute une mythologie marquante.
De ce spin-off, il ressort une sorte de joyeux remue-ménage, amusant mais vite oubliable, un peu ennuyeux mais pas méchant. Les décors, le scénario, les effets spéciaux, les chansons, la mise en scène… De tout cela, on ne retient à peu près qu’une chose (que l’on savait déjà) : Timothée Chalamet est un grand acteur.
Wonka, de quoi ça parle ?
Depuis qu’il est enfant, Willy Wonka rêve d’ouvrir une boutique pour vendre ses fabuleux chocolats dans la prestigieuse Galerie Gourmet. Alors qu’il cherche un endroit où dormir, il se fait piéger par deux tenanciers d’hôtel véreux dont on découvre qu’ils capturent leur client pour les exploiter toute leur vie. Capturé, Willy Wonka se noue d’amitié avec le petit groupe de personnes victimes du même sort. En parallèle de ses tentatives d’évasion, le chocolatier prodige fait face à un autre obstacle de taille : des chocolatiers aux pratiques mafieuses, qui compte bien garder le monopole de la vente de chocolat en ville, avec la complicité de l’Église et d’une police corrompus par des gourmandises.
On le voit dès le synopsis : Wonka n’a aucun lien avec Charlie et la Chocolaterie, et c’est une qualité. On ne peut lui reprocher d’avoir essayé de reproduire la recette du film 2005. Pour autant, revenir au film de Tim Burton s’avère éclairant pour décrypter Wonka.
Charlie et la Chocolaterie n’avait rien d’une simple douceur sucrée. Il poussait à fond les curseurs de l’ironie, du cynisme, du pied de nez aux parents qui élèvent leurs enfants en les gavant d’écrans, de gras, d’argent. Il mettait en scène un vrai fou (Willy Wonka), un enfant modèle dans tout ce qu’il a d’un peu ennuyeux (Charlie) et des vrais sales gosses (près de vingt ans plus tard, on n’a pas oublié le « Crève ! Crève ! Crève ! » du petit Mike nerveux, hyperactif et agressif ou le « Daddy, je veux un nouveau poney ! » de la jeune Veruca dont l’air faussement angélique n’a rien perdu de son cringe.)
Le trop-plein de sucre et de couleur de la chocolaterie épousait parfaitement les formes biscornues de l’univers de Tim Burton, auquel on a rajouté un supplément de tapage, de mouvements et de grandiose avec quelques centaines de milliers d’Oompa Loompa à la voix suraiguë qui avait tous le même visage.
Un feu qui s’éteint très vite
Même si Wonka jouit, dans sa première moitié, d’une énergie qui donne le sourire et de trouvailles de montage ou de mise en scène qui nous font souvent rire à gorge déployée, le film finit par s’essouffler.
Difficile de ne pas être déçu tant le film partait avec d’excellents points. Au début, Olivia Colman était jubilatoire en tenancière d’hôtel machiavélique. Elle laissait entrevoir un vrai personnage de méchant. Keegan-Michael Key (acteur et humoriste exceptionnel) amenait l’intelligence de son écriture et rendait son personnage de flic corrompu hilarant. Pourtant, cette galerie de personnage est peu à peu délaissée pour une intrigue et des personnages qui finissent par perdre de leur éclat.
Très présente au début, Olivia Colman est rapidement éclipsée. Quant au sort réservé à Keegan-Michael Key, il est tout à fait emblématique de cette chute opérée dans Wonka : acheté à coup de boites de chocolat, le personnage grossit de scènes en scènes et finit obèse, comme si le surpoids était une métaphore de sa cupidité. Les répliques cinglantes du début laissent donc place à des vannes potaches et grossophobes sur un homme qui mange les emballages des friandises tant il est gourmand et, ne pouvant plus sortir par la porte de la voiture, l’accuse d’avoir rétréci.
Le choix de remplacer les Oompa Loompa par un seul personnage, incarné par Hugh Grant, résume aussi le manque de folie et relief du film. Ce personnage de petit troll n’amuse que pour son physique grotesque mais ne brille ni par la force du collectif (comme c’était le cas dans le film de Tim Burton), ni par des dialogues particulièrement malins…et c’est dommage de priver Willy Wonka de ses Oompa Loompa.
Timothée Chalamet, phœnix de Wonka
Renonçant à ces personnages secondaires qui le tiraient vers le haut, Wonka se concentre finalement sur le duo formé par Willy Wonka et Noodle, une jeune orpheline. Malheureusement, cette dernière peine à exister à côté d’un Timothée Chalamet incroyablement pétillant. La petite fille est écrite à gros traits : elle est gentille, affiche toujours un regard un peu éteint et n’a pratiquement aucune aspérité.
Dans ce qui s’apparente parfois à un naufrage, Timothée Chalamet épate par, plus que la qualité de son jeu, sa capacité à inventer, à proposer. Son œil ne cesse de briller. Il donne du sens au fait que Wonka soit un film musical. L’énergie qu’il investit dans son jeu résonne avec les aspirations de son personnage et forme une symbiose abolissant les frontières entre comédie, danse et chant. Timothée Chalamet plonge à corps perdu dans le premier degré de la magie, du film de Noël, de la comédie musicale. On le sent croire en son personnage, lui donner une âme, une incarnation profonde.
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