C’était déjà un phénomène de mode grandissant avant la pandémie, mais voilà que les confinements ont donné goût aux patins à roulettes à encore plus de monde. Parce que ça permet de prendre l’air, de faire du sport en s’amusant et en se déplaçant sans forcément prendre les transports en commun, et même de danser.
Depuis le déconfinement et l’assouplissement de certaines mesures sanitaires, des rollerdance parties en plein air ont pu reprendre ou se lancer, comme la Wheelz and Feet à Paris.
Wheelz and Feet, la soirée qui fait danser Paris en rollers ou à pieds
Il s’agit d’un événement gratuit hebdomadaire, plus festif que sportif, organisé par les bénévoles d’une association nommée SOM (Science of Movement). Son fondateur, Quentin Herouali, explique ainsi à Madmoizelle :
« Je suis danseur, chorégraphe, pédagogue et organisateur d’événements et de communautés. Science of Movement, c’est un concept que j’ai créé il y a 6 ans qui vise à rendre l’expression libre, le freestyle dansé, accessible à tous, dans un cadre bienveillant et accueillant. Cette vision pédagogique forme des routes vers le lâcher-prise, la liberté d’être, de faire, de s’exprimer.
En plus d’apprendre quelque chose en utilisant l’intelligence collective, ce concept crée aussi des rencontres, dont des ponts entre danseurs et non-danseurs. Cette vision s’incarne à travers différentes activités, comme des ateliers SOM, les Wheelz and Feet, ainsi que d’autres jams et approches sociales. »
Pas de technique compliquées, ni de chorés à rallonge, juste ressentir la musique et le plaisir de vibrer ensemble : cette approche de la danse se retrouve aussi lors des rollerdance parties que sont les Wheelz and Feet, dont on peut profiter aussi bien à pieds, en rollers en ligne qu’en patins à roulettes, depuis septembre 2020, à différents endroits de Paris, tous les dimanches de 16h à 22h, généralement. On débarque et repart quand on veut, sans avoir besoin de s’inscrire. Un événement taillé pour la liberté d’être ensemble, poursuit son fondateur, Quentin Herouali :
« Je fais du rollers depuis des années, sans jamais avoir cultivé de liens avec le rollerdance, même si j’ai parfois aperçu des gens en faire à New York principalement, sans forcément que je réalise que ça puisse être un « style de danse ». Mais l’an dernier, je m’y suis intéressé plus précisément en rencontrant vraiment la communauté et la culture rollerdance de Paris.
Après avoir notamment rencontré des danseurs en rollers au Trocadéro à Paris via une amie à moi, Clémentine, qui ride et danse, j’ai spontanément créé un événement Facebook en invitant toutes les communautés à se retrouver le dimanche suivant, derrière ce nom qui réflète bien ce désir de réunir les gens en rollers et ceux à pieds autour de la danse : Wheelz and Feet.
La pandémie a clairement joué un rôle dans le fait que ça prenne, car on a pu se sentir bridé de tellement de libertés dernièrement qu’on a envie de les revivre, et pourquoi pas les redécouvrir sous un autre angle. De se retrouver physiquement, danser ensemble, dehors, librement. »
Justement, depuis août 2021, j’ai commencé à y aller, car mes patins à roulettes avaient la fâcheuse tendance à prendre la poussière à l’abandon chez moi puisque je n’osais jamais en faire seul.
De la bonne musique, un MC qui ambiance tout le monde…
Avec une amie, on est donc allé à une première Wheelz and Feet : en extérieur, sous un pont, sur une nappe de béton entre deux terrains de foot de rue grillagé. On se croyait dans un clip américain, comme Motivation de Normani !
Là, l’équipe de Wheelz and Feet ramène chaque dimanche après-m un groupe électrogène pour alimenter de puissantes enceintes et une table de mixage afin de diffuser de la bonne musique dansante : des remix de pop, de R’n’B rétro, de la House entêtante, et même un MC (maître de cérémonie) qui ambiance tout le monde au micro en direct.
En marge de la patinoire de béton, une famille vend également du bissap (jus d’hibiscus) et jus de gingembre, ainsi que des pastels (petits beignets farcis sénégalais) — des confections maison vendues sous le nom de Da Bouche Rouge qui valent carrément le détour.
Danser pour progresser en rollers sans y penser, dans une ambiance bienveillante
C’est donc sur cette large surface lisse que s’improvise le rink : une patinoire sur laquelle tout le monde tourne en dansant dans le même sens, avec en son centre une bulle invisible où celles et ceux venus à pied peuvent également danser en compagnie de personnes en roulettes préférant le presque-sur-place.
La musique bat toujours son plein, le public d’une cinquantaine de personnes s’avère multigénérationnel, hyper mixte, avec des niveaux de patins différents. Moi qui avais peur de m’afficher avec mon niveau de grand débutant, ceinture noire de la timidité avec un dan en anxiété sociale, je me sens rapidement décomplexé par la bienveillance de l’ambiance.
Si bien que les quelques fois où je me casse la gueule (de façon plus ou moins spectaculaire, mais ça ne fait pas mal quand on est bien protégé et qu’on a appris à bien tomber, promis !) devant tout le monde, personne ne se moque de moi, trop occupé à se précipiter pour m’aider à me relever, et me donner de précieux conseils pour éviter de retomber de la même façon, et mieux chuter à l’avenir.
Il aura donc suffi d’une fois pour que je devienne accro et y retourne chaque dimanche après-midi, quitte à y aller solo, puisque l’ambiance s’avère si chaleureuse qu’on a vite fait de copiner avec tout le monde, en à peine quelques tours de rink.
Se faire de nouveaux amis, à pieds ou à roulettes, à la Wheelz and Feet
Puisque tous les ingrédients sont réunis pour en faire des événements festifs à succès, la Wheelz and Feet grandit. Le 5 septembre 2021, elle s’est tenue dans un lieu plus grand qu’à l’accoutumée, le Point fort d’Aubervilliers (sorte d’immense préau qui permet d’être en plein air sans prendre la pluie si jamais), avec cette fois la possibilité de louer des patins à 3€ de l’heure en partenariat avec la marque Flaneurz.
C’est au moment d’y rentrer que j’ai croisé une patineuse nommée Naïza, 24 ans, étudiante en école de commerce et en service civique dans une asso pour l’égalité des chances, Article 1. Elle m’a raconté tout le bien qu’elle pensait des Wheelz and Feet :
« J’ai commencé le patin à roulettes en mars 2021. J’ai clairement été influencée par des créatrices de contenus sur Instagram, comme Elvire Duvelle-Charles du média féministe Clit Révolution, ou encore Oumi Janta. J’ai découvert Wheelz & Feet via Instagram, d’abord, puis un collègue en a reparlé, alors j’ai fini par me laisser tenter. Et j’adore : l’ambiance hyper amicale, voire familiale, on peut rencontrer n’importe qui pour un moment, échanger des sourires et quelques pas de danse, repartir. »
Sur le rink où les personnes les plus expérimentées donnent généreusement des conseils aux plus novices, on a vite fait de progresser sans même y penser. D’autant que par moments, s’organisent des cercles spontanés où des personnes à pieds initient des chorés suivies par des personnes qui oublient qu’elles sont sur roulettes, et se surprennent donc elles-même à réussir ce qu’elles pensaient impossibles. De quoi réjouir Quentin Herouali, le fondateur de Wheelz and Feet :
« Danser à pieds ou en rollers, c’est multiplier les possibilités d’expression, qui peuvent se nourrir et s’informer entre elles. Être sur roulettes change complètement les appuis ce qui donne une toute autre dimension à des mouvements qu’on saurait faire à pieds. Et le fait de danser sur roues permet de moins se focaliser sur le roller, parce qu’il se passe plein d’autres choses importantes dans le corps, qu’il peut être intéressant d’écouter, de cultiver, d’exprimer.
On s’apporte et s’apprend énormément entre toutes ces communautés : celle qui n’ont pas l’habitude de danser mais font du roller, celle qui ont l’habitude de danser mais pas en roller, et celle qui découvre les deux à la fois. Ça forme un beau mix d’expression libre, à pieds ou en roulettes. »
C’est aussi cette possibilité de progresser gratuitement, en s’amusant, sans y penser, qui a séduit Naïza :
« Je débute encore en patins, et j’ai fait très peu de rollerdance, mais je me suis sentie assez en sécurité et à mon aise dans cette ambiance bienveillante et bon enfant pour me lancer dans des pas que je ne connaissais pas. Je suis restée des heures à danser en patins, sans voir le temps passer !
C’est génial de voir un groupe se former spontanément pour improviser une chorégraphie, et voir d’autres gens les rejoindre ! Si vous hésitez, je dirais juste foncez. C’est un endroit hyper bienveillant, même si vous n’êtes pas à l’aise ou que vous chutez, personne ne vous pointera du doigt, on vous aidera plutôt à vous relever. Je ne vois que des bonnes raisons pour y aller. »
Il n’y a plus qu’à espérer que la Wheelz and Feet fasse des émules dans toute la France (si vous connaissez des événements semblables près de chez vous, racontez-le dans les commentaires). Quentin Herouali y travaille déjà :
« Notre première difficulté, c’est les lieux, puisqu’il faut trouver des espaces suffisamment grands avec un sol vraiment lisse pour le roller, et qui permettent qu’on mette de la musique forte. Cette dernière aide à ce qu’on n’ait pas peur du froid vu qu’on a continué à danser dehors tout l’hiver dernier. Mais on cherche quand même un espace fermé pour les mois à venir. L’autre écueil possible, c’est qu’on veut garder notre culture underground sans forcément être récupéré par le mainstream au prix de notre authenticité.
J’ai des propositions pour monter des Wheelz and Feet à Lyon et Marseille prochainement, pour commencer, ce n’est plus qu’une question de temps. J’ai envie de diffuser toute cette énergie positive le plus possible ! »
En dansant sur de la bonne musique et en excellente compagnie, peut-être que tourner en rond a du bon finalement.
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Crédit photo : pexels-cottonbro-5788789
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