Après son séjour en Europe, Woody Allen signe son grand retour dans sa ville natale avec Whatever Works. New-York comme toile de fond, cette cynique comédie s’avère être intelligemment drôle. Sans doute le meilleur Woody Allen depuis Match Point.
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Attention : Cerveau méchant
Génie de la physique, Boris Yellnikoff est aussi un misanthrope aigri et méprisant. Aujourd’hui professeur d’échecs, qu’il a d’ailleurs accumulés (Prix Nobel : raté ; mariage : raté ; suicide : raté), ce vieil excentrique passe son temps à critiquer la race humaine. Il s’étonne d’ailleurs lui-même lorsqu’il accepte d’héberger pour la nuit la jeune Melody, fugueuse, pleine de vie, aussi simplette que belle. Cette rencontre va complètement chambouler son quotidien et, malgré leur différence d’âge et de QI, le duo improbable va finalement se transformer en un couple harmonieux. Jusqu’à ce que Marietta, la mère conformiste de Melody, débarque dans leur petite vie tranquille…
Boris et ses microbes
Larry David, co-créateur et producteur de la très célèbre série Seinfeld, se retrouve à jouer le rôle de Boris Yellnikoff. Il faut dire que ce personnage n’est pas très éloigné de celui qu’il joue dans sa sitcom Curb your Enthusiasm (Larry et son nombril, diffusée sur JIMMY), série mi-réelle mi-fictive, tournée comme un documentaire et sans scripts (entièrement improvisée !). Sur grand comme sur petit écran, Larry David s’impose donc comme une évidence dans le rôle du quinquagénaire névrosé à qui il arrive toujours des situations hilarantes et décalés. Un héros exécrable qui nous fait jubiler. Mais pourquoi, ô pourquoi, Woody n’a-t-il pas joué lui-même ce rôle ?
Côté casting féminin : pas de Scarlett Johansson au rendez-vous cette fois-ci ! Le réalisateur a préféré une actrice moins « mature » pour interpréter le rôle de Melody. C’est donc la jeune Evan Rachel Wood, l’héroïne de Thirteen récemment vue dans The Wrestler avec Mickey Rourke, qui reprend le flambeau. Pétillante et aussi fraiche que le film, elle apporte sa fougue à la bêbête Melody. Ca semble naturel, tout simplement.
On notera également la participation de Patricia Clarkson (La Ligne verte, Six Feet Under, Vicky Cristina Barcelona), dans le rôle de Marietta, le stéréotype de la mère républicaine que Woody Allen s’amuse à ridiculiser. On lui excuse même le fait qu’elle éclipse légèrement Evan Rachel Wood dans la deuxième moitié du film.
Woody et son nombril
Le scénario de Whatever Works n’a bien failli jamais ressortir des cartons poussiéreux de ce cher Woody. Ecrit il y a environ 30 ans, il avait été oublié au profit d’autres films. Et tant mieux ! Grâce à lui, le réalisateur fait son grand retour à New-York et met sur pause son périple européen. Et quel retour !
Whatever Works est une brillante comédie anticonformiste, bourrée d’humour et de remarques pertinentes. Un scénario un peu cliché (conflit intergénérationnel, crise de la quarantaine…) qui se moque des clichés. Qui se moque de tout en fait : de la vie, de la mort, de la religion, de la politique… Tout le monde en prend pour son grade et Woody Allen nous démontre une nouvelle fois son talent de dialoguiste avec les répliques cinglantes dont le film est truffé.
Commentée par ce cher Boris, l’histoire va crescendo, d’énormités en énormités, et fait radicalement évoluer les personnages, sauf le héros qui semble ne fait que contempler tout ce beau monde. Sûrement parce qu’il est le seul à voir the big picture.
D’ailleurs, ses faux apartés et ses longues tirades, face caméra, destinées au public, sont quant à eux d’abord surprenants, comme si le personnage allait sortir de l’écran et s’installer à côté de nous (à l’image de The Purple Rose of Cairo, pour les fans) mais donnent finalement du rythme au film sans jamais le plomber.
Les quelques longueurs proviennent principalement de certaines scènes un peu longuettes où les personnages sont trop bavards et inintéressants. Heureusement, elles restent rares. La mise en scène, plutôt théâtrale et molle, est également un peu gênante. Comme si la finesse du scénario excusait la paresse de la réalisation…
Quatre ans après le génial Match Point et moins d’un an après le léger Vicky Cristina Barcelona, Woody Allen nous rebalance un film sur le facteur chance, « responsable à 90% de ce qui se passe dans notre vie », et sur la question existentielle « comment dois-je vivre ? ». Ici, les personnages se rencontrent par hasard et, comme le hasard fait bien les choses, ils tissent rapidement des liens malgré leurs caractères opposés. Ils profitent tout simplement de la vie et du bonheur. Woody Allen nous joue donc une nouvelle fois l’air du « vivons pleinement ce qui nous rend heureux sans nous soucier des autres ». L’important, c’est que ça marche. Oui, le film peut se résumer au simple titre. Et on s’en fout, puisque cette comédie marche et fait rire, surtout grâce à son personnage principal, ce cynique angoissé, paranoïaque et allergique à la race humaine. Il y a du Woody Allen là-dedans, parait-il…
Happy Birthday to you x2
Certes, Woody Allen n’invente rien avec ce film et reprend les mécanismes qui ont fait de lui un grand réalisateur, mais comment lui en tenir rigueur lorsque le résultat est aussi bon ? Whatever Works est une comédie romantique optimiste, pleine de rencontres hasardeuses et de rebondissements racontés par son héros, faussement méchant mais vraiment drôle. La finesse de l’humour noir n’est jamais insultante et provoque un vrai rire cérébral. C’est délicieusement affreux, alors pourquoi s’en priver ?
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