Katherine Cambareri est une jeune photographe qui sortira diplômée de l’Université d’Arcadia (à Philadelphie) le mois prochain.
Si son site est peuplé de douces photos colorées donnant un aperçu de son quotidien, d’autoportraits et de portraits tranquilles, sa série d’images intitulée Well, what were you wearing ? (Ok, et t’étais habillé•e comment ?) ne peut laisser indifférent•e.
Le concept ? Katherine a rencontré des victimes d’agressions sexuelles et a photographié les vêtements que celles-ci portaient au moment où elles ont été attaquées.
Tous les habits sont photographiés sur fond noir, avec la même lumière, et le caractère systématique de la démarche a quelque chose de démonstratif : les vêtements qui sont inventoriés là sont tous différents, leur seule caractéristique commune étant l’histoire tragique qui leur est liée. Ce ne sont donc pas eux qui ont motivé l’agression.
La question principale qu’on pose aux victimes est généralement celle de ce qu’elles portaient au moment de l’agression. Ça me dérange vraiment, parce que l’agression sexuelle est un acte de contrôle et de pouvoir, et n’a rien à voir avec les vêtements d’une personne.
Pourtant, les victimes sont souvent blâmées, avec cette idée fausse qu’elles ont « provoqué » leurs agresseurs en portant des habits peu couvrants. J’ai décidé de documenter ce que les victimes portaient au moment où elle ont été agressées, pour montrer qu’il n’y a pas de type de vêtements qui provoqueraient les agressions. Il n’y a pas de taille. Pas de morphologie particulière. […]
L’agression sexuelle ne survient jamais à cause de ce qu’une personne porte; la seule raison pour laquelle cela arrive, c’est parce qu’une personne en attaque une autre.
Cette utilisation de la photographie par Katherine Cambareri est parfaite : à mi-chemin entre pudeur et démonstration, esthétisation et sobriété.
L’objet présenté sur fond noir se découpe et se montre sans artifice, porteur d’une symbolique extrêmement forte.
Rien ne vient faire diversion : on se retrouve face à ces symboles d’une expérience douloureuse, dont ces bouts de tissu deviennent les emblèmes… Impossible de se dérober en détaillant le reste de la photographie. L’esthétique en elle-même est simple : pas de grands moyens spectaculaires, et pourtant la lumière est soignée, réfléchie, maîtrisée. Elle montre uniquement ce qu’il y a à regarder.
Face à ces vêtements à plat, bordés d’ombre, ce qui me frappe en premier, c’est le vide et l’absence. C’est la présence en creux de l’individu qui les a portés. Si le discours accompagne l’image, celle-ci porte déjà seule en elle la tristesse sous-jacente.
Sur son site, Katharine Cambaberi déclare :
En tant que photographe, je m’aperçois que j’ai les moyens d’amener les gens à parler de sujets difficiles, en créant des images qui ouvrent la discussion. Pour ce projet, j’ai décidé de combiner la photographie et mon intérêt pour les questions de santé publique.
En tant que jeune femme vivant sur un campus universitaire, j’entends tout le temps parler d’agressions sexuelles, que ce soit dans la presse, sur les réseaux sociaux, ou à travers des témoignages de première main.
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En effet, les viols survenus sur les campus sont un véritable problème de société aux États-Unis, et il est grand temps de s’en emparer. Si une étudiante en photographie est déjà capable de produire une série de photos aussi cohérente et aussi puissante à partir de ces questions, j’ai vraiment hâte de voir comment son œuvre sa évoluer dans les années à venir !
En attendant, j’ai juste envie de lui dire un grand bravo… et un grand merci.
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Les Commentaires
La première chose à laquelle ça m'a fait penser, c'était les paires de chaussures à Auschwitz... ça rend un peu malade. Puis la deuxième chose, c'était le clip de "Till it happens to you" de Lady Gaga (attention, ne regardez pas si vous êtes sensible à ce qui touche aux viols/agressions, c'est pas très plaisant à voir :erf, qui parle justement des campus américains. Autant vous dire que mon humeur est au beau fixe, là
En tout cas, j'espère vraiment que son projet ira loin <3