« Pleurer décharge notre lac intérieur », disait Pierre Fillion. Bon, il est canadien. Mais l’expression n’en est pas moins vraie. Un certain Pétrarque affirmait aussi que « Pleurer est plus doux qu’on ne le croit ». Ce qui est difficilement réfutable, quand on sait à quel point les larmes peuvent parfois apaiser.
Dora Moutot, présidente du mauvais goût revendiqué, gazette éponyme à la main, vient de lancer un Tumblr pas comme les autres : Webcamtears, une compilation de vidéos de gens qui pleurent devant leurs webcams
.
Le tout forme une fresque de visages tristes, et en cliquant sur chaque vidéo, les larmes nous sont données à voir. Malaise (on se retrouve à épier l’autre dans un moment d’intimité) ou ravissement (on admire ces gens qui osent s’exposer dans un instant somme toute très anodin) ? L’internaute oscille entre les deux sentiments, et ça tombe bien, parce que c’est exactement ce que Dora veut questionner. Entretien.
Qu’est-ce que que Webcam Tears, exactement ?
En gros, c’est une collection de larmes. Une sorte de compilation de tristesse contemporaine, de tristesse au temps du web. Vu le temps qu’on passe à notre époque devant l’ordi, dans un monde où ton Mac est un peu « le joyau de ta vie » , je pense que tout le monde s’est déjà retrouvé seul, face à son ordi, à verser une larme devant l’écran.
Qu’est-ce qui t’a motivé à lancer ce projet ?
Aujourd’hui, c’est beaucoup plus facile de montrer ses seins sur Chatroulette ou de danser comme un fou furieux devant sa webcam, que d’exposer sa tristesse à des étrangers. Finalement, exposer sa tristesse de façon crue et devant une webcam, c’est presque plus choquant, plus « porno » que de regarder une éjaculation sur un écran. La larme, c’est un gros tabou.
Et toi, quel rapport aux larmes as-tu ?
Je suis une vraie madeleine. Une madeleine égocentrique qui plus est : j’ai commencé à enregistrer ma tristesse dès que j’ai eu une webcam, c’est-à-dire à l’âge de 15 ans. C’est devenu une sorte de réflexe, une sorte de fascination un peu étrange, de m’enregistrer en train de pleurer. Et puis l’année dernière, à New York, j’ai vu une expo de Laurel Nakadate, qui a enregistré ses larmes en photos pendant 365 jours.
Laurel Nakadate – « 365 Days: A Catalogue of Tears »
Ça m’a inspirée, et ça m’a donné envie d’essayer de lancer un projet sur la tristesse collective au temps du web, support sur lequel le voyeurisme/exhibitionnisme est plus présent que jamais. Et puis, aussi con que ça puisse paraitre, je trouve que la faiblesse, c’est poétique. Même sur le net.
— Webcam Tears, par Dora Moutot.
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Les Commentaires
Moi ce que j'ai du mal à comprendre c'est : en quoi regrouper des videos/photos c'est un projet artistique ?
En lisant l'article je me suis dis "elle s'est pas foulé elle a juste cherché un peu sur youtube " mais en fait bah... même pas puisqu'on les lui envoie (si j'ai bien compris).
J'aime beaucoup les choses qui sortent un peu de l'ordinaire mais là je dois avouer ne pas avoir compris le "truc"...
Sinon je suis d'accord avec Zgu [ Même si son avatar me fait encore peur... ] , si on lançait un projet type camcaca ?
Edit : Par contre je suis totalement fan de la Gazette du mauvais gout !