Si les vêtements n’ont pas de genre, ils ont certainement une histoire. Depuis que jupes et talons sont genrés comme féminins dans nos sociétés occidentales, une théorie extrapolée à partir de travaux de l’économiste George W. Taylor en 1926 veut lire l’économie sous les jupes des filles.
Tout commence par un malentendu sur la longueur des jupes
Dans sa thèse Significant post-war changes in the full-fashioned hosiery industry (Changements importants d’après-guerre dans l’industrie de la bonneterie à la mode, 1929), le professeur américain identifie la longueur de la jupe, alors courte, comme l’un des facteurs qui ont conduit à une croissance exponentielle de l’industrie de la bonneterie (chaussettes, bas, lingerie) au cours des années 1920, sans pour autant en faire l’unique cause, encore moins généralisable. Pourtant, cela suffit à nourrir le mythe selon lequel, les jupes longues rimeraient avec récession tandis que les courtes avec faste et folie.
Aujourd’hui, l’index de l’ourlet semble d’autant moins se vérifier, tant les tendances se multiplient sans forcément être appliquées à la lettre, dans une acception beaucoup moins verticale du bon et du mauvais goût : qu’importe ce que racontent les podiums et les magazines, les femmes font ce qu’elles veulent et c’est tant mieux. Y compris au niveau des ourlets puisque peuvent coïncider dans la rue en toute saison mini-jupes et longueurs cheville, shorts cyclistes rikiki et pantalons palazzo dégoulinant.
Il n’y a plus de saison pour les jupes, mais les talons font-ils le soleil de l’économie ?
Même s’il n’y a plus de saison ma pauv’ dame, peut-être que cet indice de l’état de l’économie se déplace ailleurs : du côté des talons. C’est ce que vient de relever Trevor Davis, expert en produits de consommation chez IBM, en se basant sur les mentions de hauteurs de talons sur les réseaux sociaux pour en faire une base de données indicative.
« Nous avons ensuite corrélé cela avec une variété d’indicateurs de performance économique pour obtenir l’indice », vient-il d’expliquer au Guardian. C’est en se basant là-dessus qu’il a remarqué une subtilité supplémentaire : en période de crise, les talons vont d’abord grandir, et c’est seulement si la récession dure plus de quelques mois qu’ils vont alors commencer à rétrécir.
C’est donc peut-être l’une des raisons pour lesquelles les chaussures à plateforme massive, et autres babies et bottines dignes de Bratz semblent si à la mode en ce moment, aux pieds des podiums et des influenceuses : comme une forme de résistance glamour à l’austérité imposée par la pandémie, avant de peut-être s’aligner avec la rue où règne le plat, parce que faut pas déconner non plus, ça va faire deux ans que ça dure.
Mais d’après les intentions d’achat des pays les plus vaccinés, l’Occident aurait actuellement tendance à se tourner vers des vêtements de soirée et des talons, par « revenge shopping » (pour compenser les mois de confinements qui nous ont privé de sorties). Signe révélateur selon Trevor Davis d’une reprise économique positive en cours :
« Je m’attendrais à ce que certaines des dépenses accumulées soient détournées vers une hauteur de talon accrue pour correspondre à une humeur plus légère et à un sentiment de liberté et d’évasion. »
La rue donnera-t-elle raison ou tort à cet indicateur ?
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