On ne vous apprend rien si on vous dit que depuis sa sortie dans les salles françaises le 19 juillet dernier, Barbie a fait un carton plein, avec près de 5 millions d’entrées recensées. À l’échelle internationale, le long-métrage fait encore mieux, puisqu’il a permis à sa réalisatrice Greta Gerwig de signer le meilleur démarrage de l’histoire pour un film réalisé par une femme.
Un film à succès réalisé par une femme, pour les femmes, mettant en scène une poupée iconique à l’univers rose bonbon ? Il n’en fallait pas plus pour que Barbie déclenche une poussée d’urticaires chez les plus réactionnaires, qui ont vu d’un mauvais œil son scénario trop « woke », voire carrément « anti-hommes ».
« Un film de propagande néoféministe et misandre » titre ainsi Le Figaro, tandis que Valeurs Actuelles s’époumone contre son « féminisme utopiste » et que L’Express exhorte Ken à « se réveiller » face à cette Barbie qui capte tous les regards tandis qu’il n’est relégué qu’au rang d’accessoire (pauvre bichon).
Chez Madmoizelle, ces critiques nous font doucement rire. Barbie, misandre ? S’il livre une réflexion salutaire sur notre société patriarcale, on est quand même loin d’un film qui tire à boulet rouge sur les hommes… Contrairement à ces 6 films qui, eux, ont le mérite d’être vraiment « anti-hommes ». Tremblez, les mascus !
Thelma & Louise
Classique instantané dès sa sortie en salle en 1991, Thelma & Louise n’a pas pris une ride, tant son propos reste actuel. Réalisé par le Britannique Ridley Scott, ce road movie met en scène Geena Davis et Susan Sarandon dont le week-end entre filles se mue en cavale dans l’Ouest américain après une mauvaise rencontre sur le parking d’un rade dans le désert.
Transgressif et libérateur, Thelma & Louise reprend les codes éculés du buddy movie – film de mecs par excellence – pour questionner la nécessaire dimension violente du féminisme. Ce qui n’a pas manqué de choquer à l’époque certains critiques, peu habitués à voir des femmes commettre meurtres et braquages pour survivre. À la violence machiste, systémique et oppressive, le film oppose une violence subversive, légitime et émancipatrice, incarnée par ce duo iconique de femmes. Encore aujourd’hui, un grand film misandre.
Thelma & Louise de Ridley Scott (1991), avec Susan Sarandon, Geena Davis, Harvey Keitel, Brad Pitt.
Jennifer’s Body
Lors de sa sortie en 2009, Jennifer’s Body a fait un flop au box-office américain. Il faut dire que l’affiche, montrant une Megan Fox bombesque assise à un pupitre d’école, a sans doute trompé la critique et les spectateurs sur la nature du film, qui n’a rien d’une énième pochade adolescente. Écrit par la scénariste Diablo Cody (Juno, Young Adult), Jennifer’s Body n’a pas été réalisé pour émoustiller les hommes, mais plutôt pour les faire flipper puisqu’il met en scène Jennifer (Megan Fox), beauté fatale de sa bourgade qui, après avoir été la victime d’un sacrifice satanique qui a mal tourné, se retrouve possédée par Satan. Dès lors, la belle devient une traqueuse d’hommes, dévorant (littéralement) les garçons qui s’intéressent un peu trop à elle… au grand désarroi de Needy, sa meilleure amie (Amanda Seyfried).
Aussi mordant que sanglant, Jennifer’s Body distord le fameux male gaze (regard masculin) pour porter un propos très juste sur le désir féminin. Passant d’objet de fantasme sexuel à prédatrice, Jennifer utilise son corps pour se venger des hommes, source de violence envers les femmes.
Ce qui a valu par la suite à Jennifer’s Body de devenir un film féministe culte, huit ans avant le déferlement de la vague #MeToo aux États-Unis.
Jennifer’s Body de Karyn Kasuma (2009), avec Megan Fox, Amanda Seyfried, Johnny Simmons, Adam Brody.
Midsommar
Dani (Florence Pugh), étudiante américaine en deuil après la disparition de sa famille, décide de partir avec son petit-ami Christian et les amis de ce dernier en Suède pour participer à un festival néo-païen qui n’a lieu qu’une fois tous les 90 ans. Alors qu’elle peine à se remettre de son traumatisme, Dani va découvrir que cette communauté n’est pas aussi accueillante qu’elle en a l’air…
Sorti en 2019, ce film d’horreur très graphique signé Ari Aster (Hérédité, Beau is Afraid) est aussi une fable féministe déguisée. Délaissée par Christian, qui est incapable de lui apporter l’amour et le réconfort dont elle a besoin pour se remettre du traumatisme qu’elle a vécu, Dani va se faire une place auprès des participant·es locaux·ales au festival. Élue Reine de Mai à l’issue d’un concours de danse fiévreux, elle va finalement réussir à se défaire de son passé douloureux et de sa relation décevante tandis que Christian, lui, aura le destin qu’il méritait depuis le début…
Midsommar d’Ari Aster (2019), avec Florence Pugh, Jack Reynor, William Jackson Harper, Will Poulter.
Revenge
Gore et jubilatoire, ce premier long-métrage de la réalisatrice française Coralie Fargeat joue à fond sur les clichés pour mieux les renverser. On suit ici Jen (Matilda Lutz), lolita hyper sexualisée qui passe quelques jours avec son amant et ses deux associés dans une luxueuse villa au cœur du désert. Violée par l’un des hommes et laissée pour morte, Jen se transforme en une guerrière taiseuse et quasi invincible, prête à tout pour se venger de ses bourreaux.
Lorgnant sans complexe du côté du film de série B, Revenge se réapproprie le sous-genre misogyne du rape and revenge pour en faire un conte féministe, où l’héroïne n’a besoin que d’elle-même pour être sauvée de la violence des hommes. Si la première partie du film érotise à dessein le personnage de Jen, la scène de viol, elle, est dénuée de toute dimension sensuelle pour en faire un moment de trauma, qui fait basculer le destin de l’héroïne. Empouvoirant et définitivement misandre, Revenge est aussi un film ultra-violent, et donc destiné à un public averti.
Revenge de Coralie Fargeat (2017), avec Matilda Lutz, Kevin Janssens.
Gone Girl
Lorsqu’il est sorti au cinéma en 2014, Gone Girl a été accusé par l’association Osez le féminisme ! d’être un film « masculiniste ». Presque neuf ans plus tard, le débat n’est toujours pas clos, mais nous, on a plutôt pris le parti de le voir comme un film féministe incompris. Adapté par David Fincher du best-seller signé Gillian Flynn, Gone Girl commence sur une disparition : celle d’Amy Dunne (Rosamund Pike), épouse aimante de Nick (Ben Affleck), qui est aussitôt soupçonné de l’avoir assassinée. Plusieurs indices inquiétants sont en effet retrouvés par la police, à commencer par le journal intime d’Amy, qui déroule, année après année, la déliquescence de leur mariage idyllique…
Nous aussi, spectateurices, nous voyons très vite en Nick le coupable idéal… jusqu’à un point de bascule, où la machination d’Amy nous est révélée. Car c’est elle qui a minutieusement orchestré sa disparition dans le but de faire accuser son mari, dont elle a découvert l’infidélité.
C’est ce que reproche Osez le féminisme au film : faire d’Amy l’incarnation du « cliché patriarcal de la perversion féminine idéale, qui utilise la violence psychologique, soi-disant arme favorite des femmes, pour humilier et blesser son mari ».
Cet argument – tout à fait valable par ailleurs – est néanmoins contrebalancé par un autre de taille : Nick n’a rien du mari idéal. Infidèle, menteur et lâche, il n’est jamais présenté comme le héros du film. Quant à l’autre personnage masculin du film, l’ex d’Amy Desi (Neil Patrick Harris), il est l’archétype du nice guy, qui harcèle et domine Amy pour qu’elle se conforme à ce qu’il souhaite d’elle. Dans Gone Girl, Amy est certes manipulatrice et même violente, mais elle n’est que le pendant féminin des personnages masculins abjects que le film dépeint. Et c’est elle, à la fin, qui obtient gain de cause.
Gone Girl de David Fincher (2014), avec Rosamund Pike et Ben Affleck.
Les Femmes du bus 678
Portrait de l’Égypte d’aujourd’hui, Les Femmes du bus 678 entrelace le destin de trois femmes, Fayza (Boushra), Seba (Nelly Karim) et Nelly (Nahed el-Sebai), issues de milieux sociaux différents, mais toutes en prise avec la violence sexuelle qu’exercent les hommes à leur égard. Victimes de harcèlement, voire d’agressions sexuelles, ces héroïnes modernes vont s’unir pour combattre leurs agresseurs, quitte à parfois user de violence…
Sorti en 2012 en France, ce long-métrage signé Mohamed Diab s’inspire d’une histoire vraie : celle du premier procès pour harcèlement sexuel, qui s’est déroulé au Caire en 2008, et remporté par la plaignante. Face aux autorités défaillantes, les trois héroïnes du film décident, elles, de se faire justice elles-mêmes. Un beau film sur la sororité qui questionne une nouvelle fois la légitimité de la violence quand elle sert à défendre son intégrité physique.
Les Femmes du bus 678 de Mohamed Diab (2010), avec Boushra, Nelly Karim et Nahed el-Sebai.
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