Ce week-end, je suis rentrée voir ma famille installée en pleine campagne seine et marnaise. Alors que le journal télévisé de France 2 déblatérait son lot habituel de mauvaises nouvelles, ma mère est arrivée avec le courrier :
« Tu sais combien de listes candidates on a à la mairie, nous ? UNE ! Le choix va être serré ! »
Comme beaucoup de villages, la bourgade de 1 987 habitants dans laquelle j’ai grandi a du mal à trouver une quelconque diversité politique.
Là-bas, la liste Rassemblement National de Marine Le Pen a fédéré 45% des votes au 2ème tour de la dernière Présidentielle.
Alors quand mon frère m’a dit qu’il n’était pas motivé à aller voter aux élections municipales dans quelques jours, je n’ai pas feint la surprise.
Comme beaucoup d’entre nous, il n’y croit plus vraiment et au fond, il s’en fout un peu, de tout ça.
65% des 18-25 s’en battent des élections municipales
Une étude IFOP commandée par l’ANACEJ et le Forum Français de la Jeunesse (FFJ) démontre le rapport complexe que notre génération a avec cette élection qui nous est vendue comme celle de la « proximité ».
Menée auprès d’un échantillon de 1 195 personnes représentatif de la population française âgée de 18 à 25 ans, l’étude Les jeunes et les élections municipales 2020 témoigne de notre manque d’engouement pour la politique traditionnelle.
65% des personnes répondantes ont déclaré que la campagne autour de ces élections ne les intéressait pas ou peu.
Et les raisons qui les poussent à se détourner de cet outil démocratique sont nombreuses :
- 29% des 18-25 ans s’avouent résignés face à la société actuelle et 30% se disent « indifférents »
- 72% pensent que le personnel politique a une mauvaise image d’eux
- 22% estiment que voter ne changera rien à leur situation
- plus d’un quart des répondantes et répondants sera en week-end, en congé ou en déplacement les jours de vote (bienvenue dans la vie étudiante !)
QUESTION : Globalement, quel est votre état d’esprit face à la société française actuelle ?
Selon une autre étude menée par Diplomeo (qui est à prendre avec plus de pincettes car sa méthodologie n’est pas représentative), 31% des 16-25 ans déclarent vouloir s’abstenir parce que le vote blanc n’est pas comptabilisé.
Deux données dans ces enquêtes ont particulièrement attiré mon attention : 36% des personnes sondées ne se sentent pas représentées et 29% se disent résignées face à l’état actuel de la société.
Pourtant, nous sommes nombreux et nombreuses à nous engager au quotidien.
Soucieuses de notre impact sur la planète, nous essayons de rationaliser nos déplacements, de mieux trier, de mieux consommer.
Sensibles à la justice, nous luttons pour nos droits et ceux des autres en signant des pétitions, en manifestant, en nous engageant dans des assos, en discutant avec nos proches.
Pourquoi alors sommes-nous si peu nombreuses à croire à notre impact politique
et à nous projeter dans des rôles de représentation ?
« La politique, ça m’intéresse pas »
Nous avons du mal à croire les hommes et les femmes politiques. Mais nous avons aussi du mal à trouver des informations neutres sur leurs actions et leurs propositions.
Outre les élections présidentielles, impossible de dénicher une plateforme qui réunisse tous les programmes des candidats et candidates à élire !
En 2020, on envoie des robots sur mars mais on n’a pas de moyen de comparer les programmes en matière d’écologie des personnes candidates à notre mairie, à moins de se coltiner toutes les réunions publiques…
Qui ne sont pas retransmises sur Internet.
Comment se motiver à aller voter, alors que la recherche d’information est déjà un parcours du combattant ?
Notre manque d’intérêt pour la politique traditionnelle ne se résume pas en une forme de flemmardise intellectuelle, ni derrière l’affirmation généraliste selon laquelle notre génération serait « plus individualiste ».
Il faut creuser plus loin.
Nous sommes nombreuses à vouloir faire avancer les choses et à proposer nos idées pour améliorer nos vies.
Ça requiert une sacrée force quotidienne : il faut trouver le temps entre nos études et notre premier taf, faire taire parfois (souvent ?) la peur de l’insécurité financière et le syndrome de l’imposteur, dispenser de l’énergie dans la pédagogie, tout ça en essayant de nous épanouir dans nos vies pro et perso.
Penser aux autres avant de penser à nous, en tant que femmes, nous y sommes habituées. Nous sommes élevées dans cette culture.
« La politique, c’est pas sexy »
Mais ce mode de représentation électif, même à échelle locale, ne nous inspire pas, et pour cause.
83% des maires français sont des hommes et 59,7% ont plus de 60 ans. Pas vraiment des role models pour les jeune femmes !
Sans compter qu’à les entendre, le rôle de maire ne fait pas rêver.
Dans beaucoup de petites communes, leur quotidien consiste à gérer des guerres d’ego, à régler des querelles de voisinage, à composer avec des budgets municipaux faméliques…
Tout ça avec une indemnité financière ridicule, souvent à côté d’un boulot de jour.
106 communes se retrouvent donc aujourd’hui sans candidat ni candidate aux élections municipales, ce qui entraîne quelques fermetures de bureaux de votes et la gestion de ces communes par les préfectures.
L’image de la politique traditionnelle ne fait pas rêver… mais nous avons plus que jamais le pouvoir de l’investir.
Quelques initiatives tentent de renverser la balance en donnant des outils aux citoyens et citoyennes pour se présenter, comme le collectif Tous élus qui hype et forme étape par étape les futurs jeunes élus.
Cette année, Tous élus a réussi à accompagner pas moins de 213 candidats et candidates (dont 40% de candidates !) qui mènent leur toute première campagne. Un vent de fraîcheur démocratique ?
Notre génération de citoyennes n’a jamais été autant éduquée et sensible aux questions environnementales et sociétales. Pourquoi alors abandonner les espaces d’élections alors que nous pourrions essayer de les hacker collectivement, comme nous invite à le faire Tous élus ?
Et si une madmoiZelle se présentait dans ta ville, lui accorderais-tu plus ta confiance ? Si cette madmoiZelle, dans 5 ans, c’était toi ?
Et toi, comment appréhendes-tu ces élections municipales ? Penses-tu que nous puissions changer les choses à cette échelle ?
À lire aussi : Politique, société, démocratie… et si, plutôt que de se résigner, on se retroussait les manches ?
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Les Commentaires
T'as aussi des gens peu impliqués qui ne votent pas. C'est pas que du ras-le-bol. Je ne sais pas vraiment qui sont les candidats et c'est peut-être honteux ce que je vais dire mais je ne savais même pas que c'était ce week-end le vote.
Peut-être que s'il y avait eu des pancartes énormes dans le métro avec écrit : DIMANCHE 15 MARS ON VOTE POUR LES MUNICIPALES! j'aurais réalisé qu'il se passait quelque chose.