En décembre dernier, plusieurs services de paiement (Mastercard, Visa et Discover) avaient déjà montré le chemin en se retirant de Pornhub, sous la pression de groupes de défense contre le trafic d’êtres humains.
La plateforme X a eu beau tenter de montrer patte blanche en renforçant sa politique de sécurité, la clique de processeurs de paiement n’a toujours pas fait son retour dessus . Un coup dur pour beaucoup de travailleurs et travailleuses du sexe qui ont vu une partie de leurs sources de revenus disparaître du jour au lendemain.
Cette fois-ci, Mastercard vise tous les sites pour adultes : depuis la fin de la semaine dernière, toutes les plateformes X et toutes les personnes qui y postent des médias seront soumises à des vérifications concernant l’âge, l’identité et le consentement de toutes les parties.
Une excellente nouvelle pour la lutte contre les contenus pédocriminels et ceux mettant en scène des actes sexuels non consentis. Mais pour les créateurs et créatrices de contenus, la pilule semble être difficile à avaler…
Les règles de modération édictée par Mastercard
Mastercard serre la laisse des plateformes pour adultes en annonçant des règles plus strictes en termes de modération et de documentation. Le service de paiement n’a pas encore officiellement publié les détails de ses nouvelles réglementations, mais Free Speech Coalition, une association qui milite pour le droit à la pornographie et à l’industrie du sexe aux États-Unis, en révèle les grandes lignes. Désormais, les sites qui voudront avoir recours aux services du géant du paiement devront se plier à ces directives :
- « La plateforme doit valider l’âge et l’identité du fournisseur de contenu, et doit faire confirmer par ce dernier qu’il dispose du consentement de toutes les personnes incluses dans le contenu. »
- La plateforme doit prouver que les personnes impliquées consentent à figurer dans le contenu, à ce qu’il soit diffusé en ligne et, « s’il est téléchargeable, qu’il y a consentement pour le téléchargement. »
- Si le contenu est diffusé en direct, la plateforme doit « pouvoir visualiser le flux et l’arrêter ou bloquer tout contenu en temps réel. »
En plus de ces conditions, les plateformes devront examiner tous les contenus avant qu’ils ne soient publiés et fournir des rapports mensuels de modération à la banque. Les sites visés semblent déjà avoir pris le pli puisque le journaliste Anicet Mbida constatait vendredi que sur Pornhub, « des milliers de vidéos ont disparu et beaucoup affichent un message “en attente de vérification” ».
Ces mesures sont strictes, mais viennent en réponse à de nombreuses plaintes et actions d’associations qui luttent contre la diffusion de viols et de contenus pédocriminels sur les sites porno mainstream.
« Les services de paiement ne devraient pas modérer les plateformes »
Quelques jours avant que ces directives ne prennent effet, selon Vice, Mastercard avait rencontré un groupe d’activistes et de travailleurs et travailleuses du sexe pour « discuter de la nouvelle réglementation ». Mais selon ce même groupe, les craintes et objections amenées sont passées dans l’oreille de l’entreprise pour en ressortir par l’autre. Une travailleuse du sexe confiait ainsi :
« Les travailleurs du sexe eux-mêmes sont rarement impliqués dans la responsabilité légale ou civile pour le trafic, le CSAM [matériel pédopornographique] ou d’autres contenus problématiques. Je ne vois cette surveillance et ces politiques que comme une exploitation supplémentaire et non comme une aide ; elles ne me mettent pas plus en sécurité, au contraire. »
Les créateurs et créatrices de contenus se sentent délaissés, exclus des débats qui les concernent ; ils et elles condamnent des mesures, qui, faute de les protéger, ne feraient que les précariser davantage et les mettre en danger. Pixie, membre du groupe qui a pu discuter avec Mastercard, confie :
« De cette réunion, il est ressorti très clairement que les processeurs de paiement ne devraient pas être en mesure d’offrir des conseils aux banques sur la façon de faire des affaires avec l’industrie adulte, ou d’élaborer des politiques qui affectent la vie des personnes LGBTQ+, des personnes racisées et des survivants de violences seuxelles travaillant dans l’industrie adulte.
Il faut que ce soit les acteurs de l’industrie eux-mêmes, et ceux que les politiques affectent réellement, qui donnent des conseils appropriés sur la façon de rendre notre industrie plus sûre. »
Les plateformes X, les associations de défense contre les trafic d’êtres humains et contre la pédocriminalité, les travailleurs du sexe et les services de paiement réussiront-ils à trouver un terrain d’entente ? Rien n’est moins sûr. Alors pensez à rémunérer directement celles et ceux qui vous excitent tant sur vos écrans…
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Crédits photos : Liza Summer et Karolina Grabowska (Pexels)
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Les Commentaires
Faut aussi que les parents se retroussent les manches et abordent le sujet. C'est un peu leur boulot.