De manière générale, conduire est la dernière chose que j’ai envie de faire. En arrivant dans un nouveau pays, c’est pire. Apprendre à conduire un « véhicule de tourisme » a été une longue lutte contre mon cerveau, infoutu de se représenter un déplacement dans l’espace. Malgré tout, après avoir emménagé au Japon, il a bien fallu acheter une voiture et s’en servir, ne serait-ce que pour faire les courses. L’occasion de constater que le Japon a une vision de l’automobile très « pas aidé du permis »-friendly !
Voitures pastel et boîtes auto
Lorsqu’on se met en quête d’une bagnole, impossible de ne pas remarquer que les autos se divisent en deux camps : les petites inoffensives (avec des plaques d’immatriculation jaunes), les autres, dites « normales » (avec des plaques blanches). Les premières sont faiblement motorisées, coûtent moins cher à l’entretien et sont bien souvent spécifiques au marché japonais. On y trouve la star de la voiture secondaire, j’ai nommé la Lapin, un beau design cubique d’inspiration Dragon Ball Z, juchée sur de petites roues pas larges et disponible, comme ses consoeurs citadines, dans une large gamme de couleurs pastel, du bleu layette au mauve lavande. Une palette douce que l’on observe sur les petits véhicules, mais je n’ai encore jamais vue sur les gros SUV (les 4×4 sont démodés). Dommage.
Autre caractéristique de la bagnole nippone : la boîte automatique. La grande majorité des voitures, neuves ou de seconde main, est équipée en boîte auto. Le bonheur pour les flippé-e-s du levier de vitesse ! Il n’y a plus que deux pédales, et si tu relâches celle du frein, ça avance. Simplissime. Quand je pense au temps qu’il m’a fallu pour domestiquer une boîte manuelle…
Le permis, au cas où
Au Japon, l’obtention du permis de conduire est une étape incontournable, entre la fin du lycée et l’entrée à l’université. À Tokyo, avoir une voiture est une gageure (il faut justifier d’une place de parking pour acheter son véhicule) et les transports en communs suffisent largement ; cependant, les Tokyoïtes ont presque tous le permis… Ce sont les « paper-drivers », des conducteurs occasionnels, le temps d’une location automobile.
Les Japonais apprennent à conduire en deux étapes. La première se passe exclusivement sur circuit : on apprend à manier l’engin, se placer sur la chaussée… On passe ensuite un examen théorique et pratique, qui donne accès aux cours de conduite sur route. En tout, il faut compter une trentaine d’heure de circulation pour se présenter au permis.
Les étrangers en ayant fait l’expérience racontent souvent la maniaquerie des inspecteurs – qui mesurent, double décimètre à l’appui, si le créneau est suffisamment proche du trottoir, ou si la ligne d’arrêt a bien été respectée ! La critique principale vient de l’idée que pour obtenir le permis japonais, il faut reproduire parfaitement des gestes plutôt que faire preuve de débrouillardise et d’autonomie
. Par contre, l’ambiance sur la route est à la civilité et les conducteurs sont globalement patients. De quoi se détendre.
Sur l’autoroute à 80km/h
La vitesse te fait peur ? Tu milites pour que tes concitoyens comprennent enfin que le nombre écrit dans le cercle rouge est un maximum, pas une obligation ? Le Japon est fait pour toi. Automobiliste pas pressé-e, viens donc rouler à 40km/h en ville, 60 sur les deux fois deux voies et 80 sur l’autoroute. Profite du pays où il faut 1h20 pour parcourir 50 km, et je ne parle pas de la circulation dans les grandes agglomérations. Les limitations de vitesse sont particulièrement basses – et particulièrement non respectées. Pas de radar automatique au Japon, ni pour la vitesse, ni aux feux rouges. La répression se concentre sur l’alcool au volant : zéro tolérance. Les Japonais sont plus « souples » sur le reste, notamment l’utilisation du téléphone au volant (théoriquement interdit). Il n’est pas inhabituel de voir une voiture de police se faire doubler par une voiture en excès de vitesse…
À l’instar de la génération d’avant, tu n’as pas saisi comment te placer dans un rond-point quand tu prends la dernière sortie ? Pas de panique, le Japon a pensé à tout. Pas de rond-points, pas de problèmes ! Conduire au Japon, une fois que l’on s’est fait à l’idée de rouler à gauche, c’est facile. Routes larges, placement indiqué à tous les carrefours, miroirs dès que la visibilité est réduite, agents de circulation dès qu’il y a des travaux ou même parfois pour sortir d’un parking… Peu de passages piétons susceptibles de ralentir la circulation : les routes principales et les grandes intersections sont équipées en passerelles piétonnes. Comme un coq en pâte !
J’ai la télé et des rideaux dans ma voiture
Enfin je pourrais, car le grand fantasme automobile des Japonais-es, c’est de transformer leur véhicule en salon. Pour se persuader qu’on est dans un moment de confort absolu (et non en train de bouchonner comme pas permis sur ces fichues voies uniques), tous les accessoires sont bons. Sur-volant en moumoute, collection de peluches sur toute la plage avant, gants spéciaux pour la conduite, porte-gobelet à brancher en USB pour garder son thé chaud, rideaux blancs ambiance « cuisine chez Mémé » pour préserver son intimité et, bien sûr, la télé. En France, on inclut parfois un écran à l’arrière des sièges conducteurs et passagers, ça occupe les marmots. Pendant qu’ils matent Dora, ils oublient de demander c’est quand qu’on arrive. Un bon compromis. Au Japon, la télé, c’est aussi pour distraire le conducteur – sécurité routière au secours ! Sur le parking des combinis, on observe parfois des personnes mangeant dans leur voiture, climatisation en marche, devant un programme télé. Une sorte d’extension de leur logement, qui justifie la personnalisation parfois excessive…
Avec leur bagnole lookée « jouet inoffensif », les Japonais-es oublient parfois qu’ils/elles peuvent être ?un danger. Donc ils écrivent des SMS au volant. S’arrêtent sur la chaussée pour faire je ne sais quoi, sans signalement. Dépassent sans aucun clignotant, mais toujours en faisant un écart maximal, qu’ils ?doublent un vélo (qui roule à contre-sens sur la chaussée) ou un camion de livraison. Quand le feu est orange, ils accélèrent, quand il vient de passer au rouge, ils avancent prudemment. Les lignes de stop ?sont tellement peu respectées qu’il faut faire hyper attention à ne pas se faire emboutir… Bref, le ?respect des règles – pourtant si important au Japon – s’efface un peu dès que l’on passe derrière son ??volant !
Et toi, quel-le automobiliste es-tu ? Ta Twingo/Clio/Panda est-elle un deuxième chez-toi, sorte de sas entre ton appart et ton boulot ou ta fac, ou bien juste un moyen de déplacement ?
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