Article initialement publié le 1er février 2021 —
Cette année, l’horreur se fait plus aiguisée que jamais, et abandonne quelques instants ses maisons hantées et autres exorcismes pour notamment s’essayer au social.
Pour notre plus grand plaisir, et le plus grand malheur des personnages…
La Nuée, de Just Philippot
Trop rares sont les fictions d’horreur françaises à se distinguer parmi les dizaines de propositions filmiques internationales qui sont faites chaque année.
Le dernier qui a vraiment marqué les esprits, c’est bien sûr le précieux Grave de Julia Ducourneau, dévoilé à Gérardmer, qui marquait un vrai tournant dans l’horreur.
Depuis, on a beau chercher, on ne trouvait pas de long-métrage aussi puissant…
Mais c’était avant l’arrivée dans le paysage audiovisuel de celui qui est pour nous le meilleur film d’horreur de l’année.
La Nuée, c’est un premier film qui a déjà des airs de grand (on a d’ailleurs cru y voir un peu des Oiseaux d’Hitchcock). Une fiction troublante de maitrise, tant dans l’élaboration de l’intrigue que dans la réalisation.
Dedans, l’extraordinaire Suliane Brahim est Virginie, une agricultrice qui peine à joindre les deux bouts. Mère de deux enfants dont elle est seule à s’occuper après le décès de son mari, elle doit, pour survivre, vendre une grosse quantité des produits qu’elle fabrique, sans jamais y parvenir.
Il faut dire que Virginie est dans un business spécial : celui de l’élevage de sauterelles. Dans son jardin, il y a en effet une grande serre qui ressemble à une bulle, dans laquelle elle nourrit et abreuve ses insectes avant de les récolter et d’en faire de la farine.
Le problème ? Les sauterelles se reproduisent de moins en moins…
Un jour pourtant, Virginie, à deux doigts d’abandonner son projet d’agriculture après avoir déjà échoué dans l’élevage de chèvres, se rend compte que les insectes peuvent se nourrir de sang. Mieux encore, l’hémoglobine les fait grossir et les aide à se reproduire.
Très vite, elle se retrouve avec davantage de sauterelles, et de quoi faire peut-être prospérer ses finances. Mais la situation tourne bien sûr à la catastrophe.
La Nuée est un film absolument superbe, mêlant horreur nette et audacieuse — la danse des sauterelles, quelle beauté — à des problématiques sociales actuelles. L’expression « La fin justifie les moyens » semble avoir été inventée pour ce film, qui a le mérite de traiter d’un sujet bien rare dans le genre : l’agriculture et sa précarité.
On aimerait aussi souligner la performance hallucinante de Marie Narbonne, qui incarne la fille adolescente de Virginie, dont la performance lui vaudra sans doute d’autres rôles d’aussi belle facture.
La Nuée, c’est notre coup de cœur absolu, tous genres confondus. C’est aussi l’un des crushs du festival de Gérardmer puisqu’il a obtenu le très prestigieux Prix de la critique ainsi que le Prix du public !
Vous pouvez regarder La Nuée sur Apple TV
Teddy, des frères Boukherma
Teddy est un jeune adulte qui ressemble encore, physiquement et au niveau du comportement, à un jeune ado. Le crâne rasé, l’insulte plus que facile, il vit avec son oncle adoptif et travaille dans un salon de massage qu’il exècre au plus haut point : lui, ce qu’il voulait, c’était de bosser dans un fast-food.
Sa petite amie Rebecca, issue d’une famille bourgeoise, passe bientôt son bac et se promet à un avenir radieux. Rebecca est très courtisée, notamment par des garçons de prime abord plus attractifs que Teddy.
Alors qu’un loup rôde dans cette région des Pyrénées, décimant les bêtes des paysans sur son passage, Teddy s’apprête à passer un été banal. Mais un soir de pleine lune, il est griffé par une bête inconnue, qu’il essaie de chasser des fourrés. Blessé au flanc, le jeune homme se soigne mais commence à voir son corps changer petit à petit. Les semaines qui suivent, des poils lui poussent sur la langue, puis il est pris de curieuses pulsions animales…
Teddy, c’est l’OVNI (français, de nouveau) de cette dernière édition de Gérardmer, qui déroute puisqu’hésitant entre plusieurs genres.
À la croisée de l’horreur, de la comédie sociale et du bizarre, ce second film de Ludovic et Zoran Boukherma est enchanteur !
Vous pouvez regarder Teddy sur Apple TV+
Possessor, de Brandon Cronenberg
Possessor était cette année un long-métrage très attendu, puisque façonné par les mains expertes de Brandon Cronenberg.
Son nom vous dit quelque chose ? Rien de plus normal, Brandon est le fils de David Cronenberg, le maître du genre qui a révolutionné le cinéma d’horreur grâce notamment à Vidéodrome, Scanners ou encore La Mouche.
Pointus sans être prétentieux, les films de David ont sans aucun doute inspiré le cinéma de Brandon. Pour le meilleur !
Possessor vous propose de rencontrer Tasya Vos, agente au sein d’une organisation secrète utilisant une technologie neurologique qui permet d’habiter le corps de n’importe quelle personne et la pousser à commettre des assassinats aux profits de clients très riches.
Contre toute attente et pour son grand malheur, Tasya se retrouve coincée dans le corps d’un suspect involontaire dont l’appétit pour le meurtre et la violence dépasse le sien de très loin.
Cruel et rigoureux, Possessor pénètre le monde de la science-fiction avec brio.
Vous pouvez regarder Possessor sur Filmo TV
Sleep, de Michael Venus
Voilà le dernier de nos coups de cœur, et non des moindres.
Quand on pense « créateur de films d’horreur » on pense rarement à l’Allemagne, et pourtant nos voisins européens se sont souvent montré novateurs dans ce domaine ! On se souvient par exemple du déroutant Goodnight Mommy, de Veronika Franz, Severin Fiala, qui avait lui aussi concouru à Gérardmer, mais en 2015.
Ainsi, l’Allemagne a intégré la compétition cette année avec Sleep, un film de Michael Venus, qui n’en est pas à son coup d’essai en matière de productions audacieuses puisqu’il avait déjà réalisé Nicht Nah Genug en 2007 et Fluss en 2012.
Sleep, c’est un film qui vous fera considérer vos nuits d’un œil nouveau.
Nous qui sommes coutumières des cauchemars quotidiens, on peut vous dire que cette fiction nous empêchera sans doute de fermer l’œil quelques jours, des fois qu’on arriverait plus à discerner le rêve de la réalité…
Sleep s’ouvre sur les terreurs nocturnes de Marlene, une hôtesse de l’air au bord de la rupture nerveuse. Fatiguée par ses angoisses et ses cauchemars incessants, elle décide de remonter à l’origine de ceux-ci.
Souvent, la nuit, elle rêve d’un hôtel à la lisière des bois, où 3 hommes se seraient suicidés. Et surprise, elle se rend compte que cet hôtel existe vraiment ! En cachette de sa fille unique, elle décide de s’y rendre et y fait une découverte qui la plonge dans un état de stupeur.
Alertée par l’hôpital où sa mère a été internée, sa fille Mona se rend donc elle aussi dans la petite ville où repose cet hôtel en pleine expansion. Dès son arrivée, les rêves de la jeune femme se confondent avec la réalité…
Original et angoissant, Sleep est sans conteste l’un de nos grands chouchous.
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Les Commentaires
Mais La nuée je dis OUI, et c'est peu dire vu que j'accroche rarement avec les films français... Sleep a l'air bien sympa aussi ! Pas sûre que mes terreurs nocturnes apprécient mais tant pis