Esther est partie recueillir les témoignages des jeunes femmes de plusieurs pays, à travers le monde, avec une attention particulière portée aux droits sexuels et reproductifs : liberté sexuelle, contraception, avortement.
Elle a déjà rendu compte de ses rencontres avec des Sénégalaises, puis avec des libanaises, et sa troisième étape l’a menée en Irlande du Nord (Royaume Uni) et en Irlande ! Elle y réalise interviews, portraits, reportages, publiés sur madmoiZelle au fur et à mesure.
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- Précédemment : Se battre pour le droit à l’IVG en Irlande, c’est aussi courir 5km pour lever des fonds
Une sonnerie retentit, des chaises raclent le sol, des portes claquent. C’est la fin d’un cours à la Saint Mary’s secondary school.
Au bout de quelques secondes, des élèves passent la porte une à une : dans cette classe de français, elles sont six – mais habituellement elles sont une vingtaine. L’école compte environ 500 élèves, réparties sur 8 niveaux.
Aujourd’hui, le cours va être un peu différent de celui qu’elles ont habituellement : une discussion avec moi remplace la traditionnelle compréhension orale.
J’ai envie d’en savoir plus sur ce que c’est que de grandir à Ballina, une petite ville de 10 000 habitants au nord-ouest de l’Irlande et pour ça me voilà face à ces six jeunes filles âgées de 15 ans à 18 ans.
En Irlande, on va (en majorité) à l’école catholique
À cet âge, on a passé la majorité de sa vie à l’école, et forcément, ça occupe donc le cœur des discussions.
Ici, on est dans une école publique, mais catholique, où il n’y a que des filles.
« La majorité des écoles en Irlande sont religieuses, il n’y en a que très peu qui ne le sont pas, » m’explique l’une d’elles.
Lorsque je leur demande ce qu’elles en pensent, elles répondent que c’est moins pire que lorsqu’elles étaient en primaire.
« En primaire, tu te lèves, tu fais ta prière, il fallait étudier pour la communion, la confirmation, se confesser… Maintenant, il y a moins d’influence de la religion qu’avant. »
Pour autant, elles continuent d’avoir des cours de religion sur lesquels elles sont évaluées.
« On étudie en profondeur la religion chrétienne, et on a une vue d’ensemble, par exemple pour le judaïsme. Et on a aussi des débats, on parle de problèmes sociaux. »
Sur les six jeunes filles que j’ai en face de moi, deux se déclarent « non religieuses », mais assistent comme les autres à ces cours.
La loi autorise en théorie les élèves qui ne souhaitent pas prendre part à ces cours car elles ne sont pas croyantes à ne pas le faire, mais elles ne semblent pas avoir envie de s’y soustraire : elles les apprécient généralement.
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Ailleurs en Irlande, cette loi n’est cependant pas suffisante pour certains parents qui se battent pour l’accès à une éducation plus séculaire.
Une école de filles, « ça a ses bons et mauvais côtés »
Ces parents veulent aussi généralement davantage d’écoles mixtes, qui ne sont pas disponibles partout en Irlande même s’il est plus facile d’en trouver une que de trouver une école non-religieuse selon les filles.
À Ballina, en plus de la Saint Mary’s secondary school, il y a aussi une école de garçons, une école pour les élèves aux besoins spécifiques, et une école mixte.
Tout le monde est d’accord, une école de filles, « ça a ses bons et mauvais côtés ». Elles fréquentent les garçons par ailleurs, entre autres grâce aux réseaux sociaux. Alvie assume cependant qu’elle aurait aimé être dans une école mixte.
« Oui, mais c’est plus simple pour le trajet, ici », réagit Betha. À mes yeux, les arguments que leurs camarades avancent mettent en avant la socialisation genrée, la différence de traitements appliqué aux filles et aux garçons, dès l’école.
« – Je pense qu’on a moins de pression sociale ici, dans les écoles mixtes les filles font plus attention à elles, elles doivent s’apprêter. – J’en connais qui mettent du fond de teint ! »
Alors qu’ici, le vernis, les boucles d’oreilles imposantes, les bonnets sont interdits par exemple. Même les écharpes, alors que l’épaisseur de celle qui va avec leur uniforme laisse à désirer.
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Porter l’uniforme et ses contradictions sans rechigner
Elles voient en leur tenue le même avantage que le fait d’être dans une école non-mixte comme l’explique Carly qui est pourtant passionnée de mode :
« C’est simple, le matin tu ne te poses pas de question sur ce que tu mets. »
« Et puis c’est bien que tout le monde soit habillé pareil, ça gomme les différences », renchérit Doon.
Ça gomme les différences, mais l’uniforme coûte une centaine d’euros et ceux qui sont disponibles dans les friperies sont ceux des années passées, qui sont donc… différents.
« Quand c’est difficile pour une élève, on nous dit de nous le faire offrir à Noël », explique Carly.
« On aimerait pouvoir exprimer notre intelligence autrement qu’en mémorisant »
Elles sont toutes en « cinquième année », l’équivalent de notre première, et l’année prochaine c’est le bac. Autant tous les éléments énumérés jusqu’ici avaient leurs bons et mauvais côtés, autant elles ne sont pas tendre avec cet examen et les modalités d’entrée dans l’enseignement supérieur.
« Ça c’est injuste » estime Eime.
« – Il faudrait du contrôle continu renchérit Fiona, ici tout est jugé en un jour. Si tu es malade, c’est vraiment horrible, c’est arrivé à une amie de ma sœur elle n’a pas eu son examen…
– Et puis je trouve qu’on utilise qu’une forme d’intelligence, la mémorisation, alors qu’il y a plein d’élèves qui sont intelligents mais juste pas de la même manière » ajoute Carly.
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Elles veulent faire de la psychologie, étudier la pharmacie, le commerce, le droit… Au sortir de cet examen, toutes cumulent un certain nombre de points : il faut atteindre un certain score pour pouvoir prétendre à différents cursus dans l’enseignement supérieur.
« Par exemple pour le droit et la médecine, c’est plus élevé. »
Doon veut faire du droit, mais pas à Dublin car justement « pour le même diplôme, de la même difficulté, il faut avoir un score plus haut à l’examen, simplement parce qu’il y a plus de demandes qu’à Limerick ou à Galway par exemple ».
La jeunesse de Ballina a des envies d’ailleurs
Elles semblent toutes vouloir aller étudier ailleurs : il n’y a pas de faculté dans le coin, pas de formations qu’elles aimeraient faire. Mais je m’enquiers tout de même de savoir si oui ou non, elles ont aimé grandir ici, à Ballina.
« – No – No – No.. »
Visiblement, personne, alors même qu’au début de la conversation le seul reproche qu’elles avaient formulé concernait la météo. Pourquoi donc ?
« C’est juste que c’est ennuyeux » estime Eime.
Fiona utilise le mot « old-fashioned ». Ça peut signifier « démodé », « vieux », mais je sens que le sens qu’elle cache derrière cette expression est un peu plus précis que ça.
Ballina, c’est en fait « conservateur » selon elle. Cet échange a occasionné une nouvelle discussion sur les idées et opinions des habitants de Ballina, et les perceptions qu’elles en ont. Je vous en parle dans le prochain article !
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Les Commentaires
Mes élèves me partagent les mêmes réponses sur ces différentes problématique, c'est super intéressant Mais lorsque je leur demande s'ils voudraient, comme moi, partir 1 an à l'étranger, ils me disent que leur Mayo, leur campagne, leur famille leur manqueraient trop, et qu'ils ne voudraient jamais partir très loin !