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"Photo by Jill Heyer on Unsplash"
Écologie

Vis mon job de vendeuse professionnelle de coccinelles

Eh oui, ce métier existe ! Voici le quotidien professionnel étonnant de Clémence (pas la réd cheffe de Rockie, une autre…).

J’exerce un métier que presque personne ne connaît et qui pourtant mériterait de l’être ! J’ai découvert son existence à la fin de mes études d’agronomie, un peu par hasard, en choisissant un dernier stage dans une entreprise privée, pour le rajouter à mon futur CV.

C’est comme ça que j’ai découvert le monde merveilleux des insectes qui sont au service de l’agriculture. L’exemple que tout le monde connait c’est bien évidemment la coccinelle qui va manger les pucerons qui sont présents sur les rosiers de Mamie. Nos jolies bêbêtes s’occupent de régler le problème, et l’on n’a pas à sortir l’arme de guerre de la jardinerie : l’insecticide.

Choisir le bon insecte pour la bonne culture

Mon job c’est de faire pareil mais à très grande échelle, pour les exploitations agricoles. Je travaille pour une entreprise qui sait élever plus d’une quarantaine d’espèces d’insectes auxiliaires (« gentils ») comme les coccinelles.

Je dois donc choisir parmi ce panel de travailleurs, lequel sera le plus adapté pour manger les insectes ravageurs (« méchants ») qui sont dans la culture. Le but étant d’éviter au maximum de dégainer l’option “produit de synthèse”, plus communément appelé produit chimique.

Je dois donc regarder les cultures, discuter avec le producteur, analyser la situation et vendre l’option la plus adéquate. Et ce n’est pas si simple qu’il n’y paraît. Il faut s’adapter aux exigences de ces travailleurs acharnés. Tel insecte préfère travailler à basse température, celui-là ne mange que ce ravageur-là, ah non mais lui il a besoin de 14°C la nuit pour s’accoupler et s’installer correctement, et lui il n’aime pas rester dans les fraisiers il préfère les cultures d’aubergine, et j’en passe…

Bourdons, champignons, bactéries, etc

En plus, de conseiller des insectes qui mangent d’autres insectes, je vends aux agriculteurs et agricultrices un pollinisateur particulier qui est le bourdon, puisqu’en serre, l’abeille n’est pas adaptée. Savez-vous que l’on peut (et que l’on doit ) vérifier sur une fleur de tomate si nos bourdons ont bien pollinisé et transporté le pollen pour nous donner un super fruit : gros, beau et savoureux ?

Ajoutez à cela l’utilisation de gentils champignons, bactéries, et autres substances naturelles, et vous aurez compris que la coccinelle n’est qu’une vitrine pour le consommateur, un exemple infime de mon travail qui est d’utiliser des mécanismes présents dans la nature pour les copier et les adapter sur les exploitations agricoles.

Lorsque vous commencez à faire ce job à 24 ans seulement, et que vous avez devant vous un gars (souvent des gars) qui a 45-50 ans mais qu’il vous écoute attentivement, parce que vous êtes la seule personne dans le coin qui maîtrise tous ces noms latins d’insectes qu’il va devoir utiliser dans les prochains mois, c’est valorisant. Si en plus, vous souffrez d’un syndrome de l’imposteur aigu comme moi, ça donne (grave) confiance en soi. Et si en plus le mec, à la fin de la saison, vous dit “bon travail ! Ça a été super, à l’année prochaine”, YOUHOUUU c’est jouissif !

Ma petite contribution quotidienne pour la planète

Ma deuxième année de boulot m’a vraiment confortée quant à mes compétences, et je me levais souvent le matin en mode WARRIOR : “quel produit chimique on va remplacer par mes bêbêtes aujourd’hui ? Combien de traitements j’aurai réussi à réduire chez ce producteur-ci ? Allez, on va voir si mes bourdons bossent bien aujourd’hui….”

En quelques mois, j’ai fini par nous voir moi et mes collègues, comme une mini-armée de super-héros au service de l’agriculture. Celles et ceux qui remplacent les produits chimiques par des insectes, des champignons, des bactéries…. Bref, je le voyais comme ma petite contribution quotidienne pour la planète.

Avant d’arriver dans la boîte, j‘avais de grandes idées reçues sur les insectes, les traitements, l’agriculture biologique. Aujourd’hui, je sais que ce que je fais s’appelle de la “lutte biologique” et que ce n’est pas réservé à l’agriculture biologique. La preuve : 80 % des producteurs avec qui je travaille sont dit “conventionnels”.

Ces initiatives méritent d’être plus mises en avant, car elles représentent un vrai effort pour les agriculteurs et un coût jusqu’à trois fois plus élevé que les traitements chimiques classiques. Sans oublier non plus le lobbying intense des entreprises qui fournissent ces produits, au point que cela me démoralise parfois. Mais je tiens bon, et je continue de travailler pour développer ces solutions prometteuses pour l’agriculture de demain.

Tu t’intéresses à l’agriculture et l’écologie ? Tu bosses dans le secteur ou tu envisages de le faire ? Viens en parler dans les commentaires !

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