Article initialement publié le 4 février 2021
Note de la rédaction : Cette lectrice nous avait envoyé son témoignage quelques semaines avant le premier confinement. Faute de temps, nous ne le publions que maintenant, avec une grosse pensée pour elle et pour toutes les professionnelles du spectacle vivant.
Depuis que je suis toute petite, j’adore assister à des pièces de théâtre et des concerts. Si j’avais été moins timide, vous m’auriez trouvée sur le devant de la scène… Mais c’est finalement dans les coulisses que j’ai trouvé ma voie ! Je suis maquilleuse professionnelle dans le monde du spectacle, et je vous propose de vous emmener faire un tour de l’autre côté du rideau.
Maquilleuse : un métier de création
Maquilleuse est l’appellation « officielle » de mon métier. Dans la réalité, je ne m’occupe du maquillage que la moitié de mon temps : pour pouvoir transformer les acteurs et les actrices, je fais aussi de la coiffure (qui représente environ 40 % de mon temps de travail), et de la perruque. Bien sûr, ces taux varient en fonction des spectacles et de leurs besoins.
Je travaille pour un grand parc d’attractions, plusieurs opéras et aussi pour le théâtre et comédies musicales, en France et en Allemagne. Il y a donc peu de place pour la routine et l’ennui : chaque spectacle est unique !
Ce que j’aime particulièrement dans le spectacle vivant, c’est la possibilité infinie de créations. Certains maquillages scéniques sont très discrets, quand d’autres sont extrêmement extravagants : on travaille avec des caches-sourcils, des prothèses pour transformer les visages… Personnellement, plus il y a de strass et de paillettes, plus je m’amuse !
Mon trait de maquilleuse a une patte de dessin très « cartoon », et j’adore faire prendre vie à des personnages hauts en couleurs. D’ailleurs, je m’éclate avec le maquillage pour enfants. Plus la transformation d’un artiste est complète et déjantée, plus je prends plaisir à m’exécuter.
Mon quotidien de maquilleuse dans les coulisses des spectacles
De façon concrète, à quoi ressemblent mes journées ? Chaque contrat équivaut à un « show », dont la durée peut varier. Un spectacle peut être ponctuel et ne durer que quelques heures, ou s’étirer dans le temps pour quelques semaines, voire des mois.
Les premiers jours de contrat sont consacrés aux répétitions, puis vient la grande première représentation, et toutes celles qui s’en suivent. Les équipes sont sous l’égide d’un ou d’une cheffe, qui répartit la charge de travail. Chaque membre est en charge d’un certain nombre de personnages et des visuels qui leurs sont attribués, ainsi que leurs potentiels changements pendant la représentation.
Après la répartition des tâches vient l’installation du plan de travail. Chaque maquilleur ou maquilleuse est très libre : nous choisissons nos méthodes, nos produits, et notre organisation. Le seul impératif important est d’être face au miroir, pour faciliter la symétrie et avoir une bonne lumière sur les couleurs, afin de vérifier leur rendu.
« Les techniciens de l’ombre sont souvent les premiers arrivés et les derniers repartis »
Pour ma part, ce moment de préparation est un véritable rituel. Je dispose chacun de mes objets à une place précise pour être sûre de tout avoir à portée de main facilement et ne pas perdre de temps.
En effet, le temps est précieux ! Les artistes de scène arrivent environ deux heures avant le début du spectacle, et nous avons un temps limité pour chacun d’entre eux. Parfois, cela va vite… très vite !
Il m’est arrivé de devoir faire un maquillage pour femme assez poussé avec une pose de perruque en une quinzaine de minutes. Je vous épargne la liste des étapes intermédiaires, mais cela requiert une organisation infaillible, une méthode impeccable et un minuteur à la place du cerveau. Mais impossible n’est pas français ! Au fur et à mesure des représentations, nous acquérons plus d’aisance et les gestes deviennent automatiques.
Une fois le spectacle terminé, il faut démaquiller les comédiens et comédiennes, retirer leurs fards et faux-cils, nettoyer ses outils, son poste de travail et recoiffer les perruques et postiches pour la fois d’après. Les techniciens de l’ombre sont souvent les premiers arrivés et les derniers repartis.
Un métier qui manque parfois de stabilité
J’aime mon travail inconditionnellement, mais il n’est pas exempt de difficultés ! Il existe des particularités qui pèsent sur ma vie. En premier lieu, je travaille à de nombreux endroits différents et en tant que maquilleuse, je suis très rarement (voire jamais) défrayée ou remboursée pour l’hébergement et mes déplacements.
Ainsi, ma première démarche en cas de nouveau contrat est de trouver les moyens les plus avantageux de me rendre sur place et de me loger sans y passer mon salaire. Et croyez-moi, c’est parfois une lutte de plusieurs jours ! Bien sûr, il existe des sites d’entraide et souvent, les collègues et amis sur place acceptent de nous aider. J’en suis toujours extrêmement reconnaissante. Mais j’avoue qu’au fil des années, j’en ai assez de « squatter » et aimerais trouver un peu plus de stabilité.
Maquilleuse, un métier qui n’est pas sans difficultés…
C’est aussi ce que je ressens lorsque j’ai des périodes de « vide » professionnel. Il m’arrive de n’avoir aucune piste de contrat, aucune idée de ce que je vais faire durant les prochains mois. Dans ce cas, je relance tous mes contacts, met mon CV et ma lettre de motivation à jour, et postule dans de nouveaux lieux de spectacle jusqu’à ce qu’enfin, un nouveau contrat tombe.
Puis un autre, voire plusieurs et petit à petit, mon agenda se remplit à nouveau. Mais entre temps, j’ai aussi passé des heures à désespérer, à me dire qu’il est temps que je me reconvertisse et à chercher un nouveau métier susceptible de me plaire pour trouver un véritable équilibre…
De plus, ce métier est loin des horaires fixes « classiques », et nous travaillons très souvent le soir et les week-ends. Ainsi, difficile d’être présente pour les grands évènements et réunions de famille. Même si je ne rate jamais une occasion de passer les voir, mes proches ont fini par s’accoutumer à mes apparitions « éclair ».
La dure vérité du métier se cache pour moi derrière ces aspects… Mais tout s’efface à l’instant où j’ai mes pinceaux entre mes doigts. Dès lors que j’applique les couleurs sur la peau, que je fais prendre vie à un personnage, et que je ressens la magie de la scène même depuis les coulisses, j’ai la certitude d’être à ma place.
Lorsque j’ai débuté, je n’aurai pas cru être capable d’accomplir la moitié de ce que j’ai fait jusqu’à présent. Il m’a fallu beaucoup de temps avant de me sentir légitime. Alors, pour l’instant, je profite de la chance que j’ai d’exercer un métier que j’aime, et qui me fait grandir en tant que personne. Et s’il y en a qui ont une bucket-list de voyages et de choses à accomplir, la mienne est remplie de spectacles à voir ou à faire. J’en ai même déjà coché quelques-uns ! Lorsque je les aurai tous fait, peut-être que je penserai à me retirer. Mais ce n’est pas pour tout de suite…
À lire aussi : Une maquilleuse transforme ses lèvres en œuvres d’art
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.