Pour l’anniversaire de mes cinq ans, on m’a demandé si je préférais aller au Louvre ou à Disneyland. La réponse a été immédiate et… inattendue. J’ai choisi le musée.
Aujourd’hui, 30 ans plus tard, je peux dire que j’exerce le métier qui me fait vibrer depuis toute petite : je suis archéologue.
Mon parcours pour devenir archéologue
Après un master d’archéologie des mondes antiques à la Sorbonne, puis un doctorat d’archéologie préhistorique à Paris X, me voilà embarquée dans le métier d’archéologue. Le vrai, le dur, pas celui bling-bling d’Indiana Jones ou celui dilettante d’Adèle Blanc Sec.
Dans les faits, ça implique de donner des cours à l’Université pendant l’année, mais personne au premier rang ne bat des cils pour me dire “I love you”.
Une fan du Dr Henry « Indiana » Jones
Ça implique de passer 4 mois par an à l’autre bout du monde aussi ! Sans internet, sans téléphone, parfois sans électricité même. Je navigue donc de la côte nord-est du Brésil à la côte sud de la Chine… Mais personne ne me suit avec une caméra pour valoriser mes exploits !
Bon, du coup j’ai pris ma caméra au poing, et je filme moi-même la réalité du terrain que je diffuse sur la chaine YouTube “Boneless Archéologie”.
Pas pour jouer les Lara Croft sexy sous la chaleur moite des tropiques… Que nenni ! Plutôt pour montrer aux gens ce que c’est, la vraie vie d’archéologue. Du coup, j’exhibe ma petite bouille de blonde cramée sous le soleil – glamour, bonjour – histoire de remettre les pendules à l’heure…
Non parce qu’un jour, un mec – un peu couillon – m’a dit : “je t’imagine en petit tailleur en lin et talons hauts au milieu de la forêt amazonienne !” Ah bah non, mon gars… Pendant les missions c’est : baggy, rangers et soutif de sport !
Mais, OUI : ça ne m’empêche pas de me percher sur des Louboutins pour aller donner cours à l’Institut de Paléontologie Humaine une fois revenue sur Paris. Parce qu’une femme peut être TOUT à la fois. Enfin, SI elle le souhaite, et surtout QUAND elle le souhaite. Sans le faire pour quelqu’un d’autre que pour elle-même.
Ma vie hors norme d’archéologue
Être archéologue donc, c’est se réveiller le matin dans un hamac avec un gecko sur l’oreiller. C’est pas mortel, mais ça fait drôle.
Alors je vous rassure : des animaux mortels on en croise, et des trucs mortels on en fait. Les deux heures d’escalade sans encordage pour rejoindre la grotte ornée Toca de Cruzeiros, je m’en souviens ! J’ai failli redescendre un peu trop vite…
Tout ça, les gens le savent. Ce qu’ils savent moins, c’est que le quotidien hors période de fouilles archéologiques n’est pas forcément plus paisible. Être archéologue, c’est accepter une vie hors norme… et la faire subir aux autres malgré soi !
Je n’ai pas d’enfant, bien sûr… Pas le temps, toujours entre deux avions. En revanche, j’ai un petit mari un peu exténué de devoir expliquer à tous nos couples de potes que : “nope, on viendra pas à deux, Jenny est à l’autre bout du monde”. Ou que : “si, si elle est rentrée en Europe mais elle viendra pas quand même : les barbecues c’est pas son truc, le dimanche c’est journée écriture de bouquin de vulgarisation scientifique avec les copains Youtubeurs”.
Mais tout ça, c’est pour la bonne cause finalement, parce que j’ai toujours la petite fille de 5 ans qui sautille dans mon cerveau pour aller voir les momies au Louvre. Et elle, elle valide ma vie à 100 %.
Devenir archéologue et réaliser ses jeux d’enfants
Quand j’étais petite, je pouvais jouer pendant des heures à la prof devant le tableau noir… De manière imparfaite d’après mes parents, parce que je n’apprenais pas des faits à mes élèves, je discutais avec eux de problèmes très compliqués qu’on ne résoudrait jamais une fois pour toute.
Dieu existe-t-il ? Si cet être si puissant existe, a-t-il vraiment la volonté d’aider les gens ? Et, si oui, ne devrions-nous pas lui donner la charge de s’occuper des cadeaux de Noël. Parce que, je ne sais pas pour vous, mais avec moi, le Père Noël est toujours à côté de la plaque !
Aujourd’hui, je fais finalement presque la même chose que jadis devant mes oursons. Parce que la Préhistoire, c’est peut-être pas la question de Dieu, mais c’est bien mystérieux tout de même… Décrypter l’inconnu, imaginer l’ancien, c’est bien ça que fait un·e préhistorien·ne.
Quand j’étais plus jeune, je ne lâchais mon tableau noir, que pour faire chauffer l’erlenmeyer au dessus du Bec bunsen. Bref, j’ai toujours voulu être scientifique et aventurière. Aujourd’hui, je réalise mes rêves d’enfants… et je tente d’encourager mes étudiant·es à laisser parler les leurs.
Encourager les jeunes femmes à choisir un métier scientifique
Donner confiance aux jeunes femmes qui choisissent de faire des grandes études, c’est peut-être la partie la plus importante de mon job.
Très franchement ? Il m’arrive d’être fatiguée de courir le monde, de gérer ma chaine YouTube à un rythme effréné tout en enseignant dans les grands amphis froids où il faut porter la voix quand le micro est en panne.
Il m’arrive souvent de me lever le matin fatiguée… Dans ces moments là, la motivation première pour sortir de sous la couette n’est pas de faire avancer la recherche. Faut pas se mentir : on ne sauve pas des vies et ce squelette vieux de 12.000 ans peut encore attendre 2 heures que j’aille l’étudier !
Dans ces moments là, la seule pensée qui me fait sauter du lit, c’est d’aller dire aux jeunes filles qui fréquentent mes amphis ou regardent mes vidéos de ne pas laisser tomber leurs rêves d’enfants.
- Tu peux aller lire l’ouvrage de vulgarisation auquel a contribué Jennifer : Retour vers le Paléo, préfacé par Jean-Paul Demoule. Il est sorti le 3 avril aux Editions Flammarion.
- Tu peux aussi aller suivre la chaîne YouTube de Jennifer : Boneless Archéologie.
Et toi, tu exerces un métier qui te passionne ? Viens nous raconter ton quotidien professionnel dans les commentaires !
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