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Interviews de Mad'

Virginie Sommet, sculptrice, plasticienne et écrivaine installée à New York

Premier rendez-vous est pris avec Virginie Sommet. Installée depuis plus de dix ans dans Big Apple, Virginie est devenue progressivement une « vraie » New-Yorkaise, intériorisant les codes de la société américaine et remettant en question ses certitudes françaises. A l’occasion de la sortie de son livre Only in New York Darling, elle m’accueille chez elle.
Dans son immense atelier qui surplombe Chinatown, la sculptrice, plasticienne et écrivaine française me raconte son arrivée ici, ses galères, ses aboutissements et ses conseils pour toucher l’American Dream.

madmoiZelle.com : Revenons sur ton arrivée ici. Comment t’es-tu retrouvée à New York ?
Virginie Sommet :
Il y a trois raisons à mon arrivée ici. D’abord, j’avais un ami qui, à l’époque, me saoulait avec New York. Il n’y était jamais allé, mais il lisait plein de livres, il m’en parlait tout le temps. Moi, j’étais pas du tout attirée par cette ville. Je faisais de la planche à voile à l’époque, donc c’était plus la Californie. La seconde raison, c’est que j’ai perdu mon père. J’ai eu envie de m’évader, de partir de France. Enfin, j’ai eu l’opportunité de faire un échange universitaire lors de mes études artistiques à Paris 8.
Ces trois raisons-là combinées ont fait que je suis venue à New York pour finir ma maîtrise d’Arts Plastiques. New York m’a séduite. A la fin de mon année d’étude, je m’y suis installée pour de bon.

madmoiZelle.com : Quelle image de la ville avais-tu avant de venir ?
V.S.
: J’avais peur, j’imaginais les gangs, les armes, la violence. C’est un peu cliché mais c’était dans les années 90. Je suis arrivée pour la première fois en vacances en 1992, ça avait commencé à changer mais tout le monde, en France, me disait : « Mais tu es folle ! ‘faut pas partir toute seule, tu vas te faire attaquer, te faire violer ». Bref, c’était l’horreur et si j’avais écouté les personnes qui m’entouraient en France, je ne serai jamais partie.

madmoiZelle.com : Justement par rapport à cette image, quelles sont tes déceptions et tes satisfactions ?
V.S. : J’ai plus de satisfactions que de déceptions sinon je ne serai pas restée.
Mes déceptions sont essentiellement politiques et sociales. Socialement le pays est faible et j’ai beaucoup de mal avec la politique de Bush.
Mes satisfactions… Je trouve que c’est une ville qui a une énergie beaucoup plus positive que la France. J’avais le projet d’écrire un livre en France, ce que j’ai entendu autour de moi c’était : « Non, mais tu t’es prise pour la fille de Balzac ou quoi !? ». Ici, quand j’ai parlé de ce projet, ça a été l’inverse : « C’est génial, bien sûr, vas-y fonce ». Alors forcément y’a une estime de soi qui est totalement différente.
Socialement aussi, y’a quelque chose de stimulant, beaucoup de choses sont guidées par la spontanéité. Une soirée en France, par exemple, déjà il faut y être invitée, et même si on l’est, on risque de rester seule dans son coin. Alors qu’ici je vous donne cinq minutes pour que quelqu’un vienne vers vous avec un : « Hi, where do you come from ? ». Beaucoup de Français disent que les Américains sont superficiels, mais j’appelle pas ça de la superficialité, ils ont un côté bon enfant, très positif… Cet aspect-là de la vie ici me satisfait énormément. Y’a un côté facile à vivre, qui en même temps peut être trompeur parce qu’on est aussi très vite seule ici.

madmoiZelle.com : Dans ton métier de plasticienne, de quelle manière vivre ici a influencé ton travail ?
V.S. : Le thème de ma maîtrise était Objets emblématiques des minorités urbaines à Paris et à New York, donc j’avais besoin d’être ici. Je fais des installations sur les milieux urbains, donc New York est un peu le terrain idéal pour ce genre de travail. Et puis, par rapport au thème des minorités, le concept est intéressant à travailler du point de vue américain.
Ici, par rapport au concept de minorité, je me sens un peu une responsabilité politique dans la mesure où je donne un coup de pied dans la fourmilière. Contrairement à la France (où la notion de minorité renvoie à l’idée de petit nombre), ici le concept est très péjoratif. Je cherche à montrer que c’est pas parce qu’on fait partie d’une minorité qu’on n’est pas éduqué, qu’on est ignorant, qu’on vend de la drogue ou qu’on est prostitué, parce que c’est quelque chose de très présent dans la signification américaine du mot « minorité ». Je dis souvent que je suis une minorité française à New York. L’idée a tendance à beaucoup choquer les Américains, puisque pour eux la France c’est la culture, l’éducation, ça ne peut pas être une minorité.
Alors oui, New York m’influence et me donne encore plus de raisons politiques pour faire mon travail.


L’atelier de Virgine Sommet à New York

madmoiZelle.com : Tu dis que la ville te donne des raisons politiques pour tes oeuvres. Comment vois-tu le phénomène Barack Obama ?
V.S. : Pour être honnête, je suis super ravie d’avoir la possibilité d’être aux Etat-Unis pour les prochaines présidentielles. J’aurais bien aimé qu’Obama soit une femme, mais je trouve que c’est un homme extraordinaire qui a réussi à bouger une jeunesse qui jusqu’alors mangeait du pop corn et n’en avait rien à foutre. Et en plus, en tant qu’homme mixte, pouvoir mobiliser tant de blancs dans un pays marqué par 400 ans d’esclavage et qui reste malgré tout un pays raciste, je trouve ça incroyable. J’ai même donné de l’argent alors que j’ai jamais donné de l’argent à un homme politique, c’est dire !

madmoiZelle.com : En septembre, tu montes une pièce intitulée « On ne naît pas femme, on le devient ». Penses-tu qu’il y a une différence entre la femme New-Yorkaise et la femme Parisienne ?
V.S.
: Les femmes New-Yorkaises sont très privilégiées, super éduquées, avec des carrières abouties. On ne vient pas à New York pour tomber amoureux comme à Paris, on vient à New York pour faire carrière. Les femmes ici sont costauds… En France, j’ai l’impression qu’on est aussi costaud que la quiche lorraine. J’exagére un peu mais parler carrière avec des Américaines c’est totalement normal, alors qu’en France on va parler enfant. Bon je caricature mais globalement c’est le sentiment que j’ai. Ici comme on est en survie et que la vie est chère, oui on peut faire des enfants mais on fait surtout attention à sa carrière parce qu’on a pas le choix.

madmoiZelle.com : Si tu devais donner un conseil à quelqu’un qui souhaiterait s’installer à New York…
V.S. : Déjà, bon courage ! Faut surtout pas partir comme ça, illégalement, sans avoir tout prévu. C’est beaucoup de travail, de recherches, beaucoup de persévérance, de constance, de discipline. C’est pas une ville facile, faut le savoir, y’a des moments on pleure, et souvent toute seule.
Les dîners trois fois par semaine avec un cercle d’amis très fermé qui vous écoutent vous plaindre, ici ça n’existe pas. On te donnera une heure grand maximum. Ici, on ne peut pas se permettre d’aller mal, sinon on devient inintéressant à fréquenter. Ici, chacun a tellement de problèmes que si on commence à prendre les autres pour des poubelles, on s’en sort plus. C’est dur parfois, mais j’aime cette philosophie là, ça permet de devenir plus fort.

madmoiZelle.com : Enfin quelques questions plus personnelles sur ton rapport à la ville. Quel est l’endroit que tu préfères ?
V.S. :
J’aime beaucoup Downtown mais j’adore Harlem et je commence à aimer Brooklyn. De la 14st à Wall Street, c’est mon quartier. Je cherche à acheter du coté de Clinton Hill sur Brooklyn, c’est là le quartier underground maintenant ! Manhattan est en train de passer de mode…

madmoiZelle.com : Quelle est la généralité qu’on dit sur New York et qui t’énerve ?
V.S. :
« Ah je pourrais jamais habiter ici ». Quand quelqu’un me dit ça, et que cette personne se lève à 6h du matin pour faire tous les musées, toutes les queues, tous les bus, c’est quelqu’un qui n’arrive pas à comprendre que nous on ne fait pas ça : on fait pas trois musées dans la journée et on ne mange pas sur Times Square tous les midis !
Cette phrase m’énerve et ça me touche directement. Quand quelqu’un critique New York, je le prends d’une manière personnelle, j’aime tellement cette ville que c’est moi qu’on atteint. C’est quelqu’un qui n’a pas saisi la richesse et la sensibilité de la ville.

madmoiZelle.com : Quel est le livre ou le film qui représente le mieux le New York dans lequel toi tu vis ?
V.S.
: Mon bouquin, Only in New York, darling, et je ne dis pas ça par souci marketing ! Y’a pas plus représentatif que ça. C’est une ville qui m’a donné des claques sur mes certitudes, et ce livre c’est l’ensemble des claques que je me suis prise à mon arrivée.

(pour se le procurer, c’est par ici)

madmoiZelle.com : Pour finir, en quelques mots, qu’est-ce qu’être une madmoiZelle à New York en 2008 ?
V.S. :
C’est tout sauf une fille de Sex and the City. Les valeurs du mariage véhiculées dans le film sont peu présentes dans la mentalité des madmoiZelles à New York. Et puis, regarde dans la rue, une madmoiZelle à New York elle est afro-américaine, asiatique mais pas, surtout pas exclusivement blanche. Elle est aussi indépendante et forte.


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

3
Avatar de Tissy
31 juillet 2008 à 23h07
Tissy
J'ai adoré New York, j'espère vraiment y vivre un jour. C'est vrai que y rester quelques mois m'a permis de dépasser l'image du "New York touristique" et d'apprécier l'autre facette de cette "ville-monde". C'est vrai qu'en côtoyant des new yorkais on a vraiment un autre image de la ville (c'est valable pour chaque ville d'ailleurs !).
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