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« Nous aurions pu être des violeurs » – de l’importance de l’éducation sexuelle

Il a fallu de longues années à Lou Robert pour se libérer de certains préjugés sexistes, et quand elle y repense, elle se dit que nous pourrions tous être des violeurs…

Le féminisme s’est imposé à moi comme une évidence depuis maintenant plusieurs années. Pourtant, dans cette culture au sexisme omniprésent, le cheminement n’a pas été facile, et il est loin d’être achevé. Comme Cy, je mettrais bien une bonne baffe à mon moi du passé. Parce que prendre conscience de la culture du viol, c’est aussi regarder son passé en face et faire ce constat amer : nous aurions pu être des violeurs.

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De l’enfance à l’adolescence, l’éducation au sexisme

À l’école primaire, je suis tombée amoureuse du nouvel élève. Je l’ai dit à ma meilleure amie. Elle le lui a dit. Il est venu me voir à la récré, a pris ma main, et… m’a tordu le doigt.

Il supposait qu’il ne pouvait pas parler à une fille comme il parlait à un garçon. C’est ce que disaient les contes et les dessins animés. Et personne ne lui a expliqué le contraire.

À lire aussi : Le sexisme ordinaire dans la cour de récré — Témoignage

Un peu plus tard, au collège, des garçons s’amusaient à attraper des filles dans le couloir pour leur toucher les seins. J’avais encore un corps d’enfant, je ne faisais pas partie des victimes. Mais j’étais déléguée et je ressentais le besoin de faire quelque chose. Chez moi, j’ai confectionné un collage avec des images de poitrines découpées dans les pages lingerie de La Redoute, et j’ai balancé mon œuvre dans les vestiaires des garçons pendant le cours de sport.

Je pensais que les garçons avaient des envies de sexe qu’ils devaient nourrir d’une façon ou d’une autre. C’est ce que disaient les séries télé et les magazines pour adolescentes. Et personne ne m’a expliqué le contraire.

Quelques mois après, toujours au collège, on a eu droit à un cours d’éducation sexuelle de vingt minutes. Je savais maintenant où trouver des préservatifs, et j’avais l’adresse du planning familial sur une brochure, au cas où j’aurais besoin d’avorter. Je ne connaissais toujours pas le mot « consentement ».

À lire aussi : Les cours d’éducation à la sexualité et à la contraception — Témoignages et éclairage

Une fois entrée au lycée, je me suis intéressée à un garçon de ma classe. Je voulais que l’on soit amis. Un jour, il m’a propose une sortie au parc. Là-bas, il s’est mis à me caresser les bras et le dos. Il m’a embrassée. J’étais mal à l’aise, j’avais la tête qui tournait.

Je ne connaissais toujours pas le mot « consentement ».

J’ai supposé que c’était de ma faute, qu’accepter un rendez-vous à deux impliquait ce genre de choses, et qu’il ne voudrait pas de moi comme amie si je refusais. C’est ce que disaient les séries télé, les magazines féminins, les films, les jeunes de mon âge. Et personne ne m’a expliqué le contraire.

Ça n’est jamais allé plus loin avec ce garçon : il a rompu car j’étais « trop bien pour qu’il me fasse ça ». J’étais dévastée, j’étais pourtant prête à coucher avec lui pour être normale, puisque c’était normal, puisque c’est ce que disaient les magazines, puisque personne ne m’a expliqué le contraire.

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Je ne connaissais toujours pas le mot « consentement ».

À lire aussi : Culture du viol, consentement et « zone grise » : des concepts imaginaires ?

La découverte du sexe… et des préjugés intégrés

Vers la fin du lycée, j’ai commencé ma relation avec l’homme formidable qui partage encore ma vie aujourd’hui. Après quelques mois, j’ai eu envie de faire l’amour pour la première fois. Je me suis déshabillée l’air de rien pendant un câlin. Il était mal à l’aise, mais j’ai continué jusqu’à être nue. Il a fini par entrer dans le jeu.

Je supposais qu’un garçon avait forcément envie de faire l’amour, que lui était trop timide et que je devais prendre les choses en main. C’est ce que disaient les magazines, les séries télé, les films, internet, les jeunes de mon âge. Et personne ne m’a expliqué le contraire.

Personne ne m’a expliqué le contraire.

À chaque rapport, j’avais mal pendant les premiers va-et-vient, et puis ça passait. À chaque fois, mon copain me demandait si ça allait, me proposait d’arrêter, mais je voulais continuer. Je supposais que c’était normal d’avoir mal. C’est ce que disaient les magazines féminins, les films, la télé, et ma mère infirmière. Personne ne m’a expliqué le contraire.

On n’avait pas toujours envie en même temps. Parfois l’un se forçait un peu, pour faire plaisir à l’autre. Ça devenait un jeu, un défi : « Ok, donne-moi envie ». Parce qu’on s’aimait. On supposait que c’était normal, qu’à vingt ans, on devait faire l’amour au moins toutes les semaines. C’est ce que disaient les magazines, la télé, les jeunes de notre âge. Et personne ne m’a expliqué le contraire…

Il a voulu me caresser le matin quand je somnolais encore. Je lui ai dit que ça me dérangeait. Il a compris et ne l’a plus fait. On a commencé à parler sérieusement.

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À lire aussi : Ce monde sexiste m’épuise

Se respecter

C’est donc à la fac qu’on a commencé à ne plus trouver tout ça normal. Et on a commencé à entendre le contraire. Grâce à une professeure de littérature américaine, je me suis éveillée au féminisme. On en a parlé à deux, beaucoup. On a lu Virginie Despentes. On a lu Causette. On a découvert des initiatives comme le tumblr Je connais un violeur. On a appris le mot « consentement ».

À lire aussi : « Je connais un violeur », le Tumblr qui noue la gorge

Aujourd’hui, on a moins de 25 ans. On n’a pas fait l’amour depuis six mois et on s’en moque. On se respecte. On s’attend. On a mis des mots sur nos erreurs et on s’est pardonné, à l’autre et à nous-mêmes, notre ignorance. On continue à parler de féminisme. À deux, à plus que deux. À nos amis, à nos familles. À ma jeune sœur qui a 11 ans. Je tiens à lui expliquer le contraire.

Nous aurions pu être des violeurs

Je tiens à expliquer ce qu’est le consentement. Que non, ce n’est pas normal d’avoir mal la/les première•s fois. Qu’il faut prendre son temps, s’écouter. Ne jamais le faire « pour faire plaisir », « parce qu’on n’est pas des vieux », « pour le garder », « parce que c’est normal ». Mais qu’il faut le faire parce qu’on a envie, et uniquement si on a envie.

Nous aurions pu être des violeurs, parce que c’est un peu ce que disaient les contes, les dessins-animés, les magazines féminins, la télé, internet, les jeunes de notre âge, nos parents. Mais surtout parce que personne ne nous a expliqué le contraire.

À lire aussi : Collège Montaigne : faut-il interdire les portables ou (enfin) éduquer les garçons ?

– Retrouvez l’article originel de Lou sur le tumblr Je connais un violeur !

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Les Commentaires

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Avatar de abou333
16 décembre 2015 à 20h12
abou333
Mince, je suis passée à côté de cet article! Qu'importe.

Ça m'a fait penser à ma première fois, arrivée sur le tard - mais là n'est pas la question, à cet âge je n'avais pas encore eu ma révélation féministe. Consentement etc, je n'en avais jamais entendu parler dans les cours d'éducation à la sexualité.

Le premier soir que je me suis retrouvée à faire des câlins avec mon (futur) copain dans son lit, nous nous étions dit que ça n'irait pas plus loin ce soir-là. Les câlins se font très sensuels, et je n'ai rien contre, mais quand il se place entre mes jambes (nous sommes alors en sous-vêtements) la panique s'installe dans ma tête « Merde, on avait dit pas maintenant... je ne suis pas prête... mais... » Mais on ne m'avait pas parlé de consentement concernant les relations sexuelles, je ne savais pas que je pouvais dire non, à cette étape du moins, mais on m'avais parlé des préservatifs. Oh qu'on en parle des préservatifs et c'est très bien, mais j'ai l'impression qu'on ne parle que de ça : le plus important c'est la capote. Tant qu'il y a une capote, on se fiche du reste. Alors j'ai dit le truc que j'avais appris « Si tu veux aller plus loin, il faudrait une capote. », même si moi, je n'avais pas envie d'aller plus loin. Parce que je n'ai pas dit « Si nous allons plus loin...» Mais il m'a répondu qu'on s'était dit qu'on attendait et il préférait ça comme ça. J'ai été soulagée et on a pu continuer nos câlins intimes, je savais qu'on pouvait juste faire ça, sans se diriger vers une relation sexuelle. Mais quand même, je me suis seulement occupée de ce que lui voulait, s'il avait dit « Ok, je vais chercher la capote. », j'aurais fait quoi? J'aurais sans doute laissé les choses faire et me serait dégoûtée après.

Maintenant nous sommes en couple depuis un moment et avons partagé notre premier moment intime dans le consentement mutuel et le désir il y a un moment aussi. En se remémorant nos débuts, mon copain m'avait déjà dit que j'avais été pressée à cause de ce que j'avais dit (aller plus loin, la capote et tout), et j'avais du mal à lui expliquer que c'était parce que je croyais que c'était ce qu'il fallait faire, que je ne pouvais pas dire non... Il ne s'en était jamais rendu compte, et je me trouvais ridicule dans mon explication, parce que pour lui, c'est clair qu'on peut toujours dire non, mais quand on est une fille, on vit avec ces croyances que l'avis de la fille sur la question du sexe est secondaire, et ça fini par être intégré en nous et interfère dans nos actes et paroles.
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