À lire en premier : J’ai échappé à une tentative de viol… et après ?
Publié initialement le 21 février 2014
13 janvier 2013, tôt le matin. Ce genre de temps hivernal avec un ciel gris d’acier et un vent qui arrache des larmes aux coins des yeux. Tu te souviens du temps ? Froid, si froid, putain.
Ça fait un an. Douze mois. Cinquante-deux semaines. Trois cent soixante-cinq jours. Quatre cent trente-six bières bues. Plus de whisky que je ne veux bien l’admettre. Peut-être deux cent cinquante paquets de cigarettes. Quatre (oui, quatre !!) nouvelles amies. Entre dix et vingt concerts. Et caetera, et caetera. Tu sais ce que ça veut dire, pas vrai ? ÇA. VEUT. DIRE. QUE. JE. SUIS. TOUJOURS. VIVANTE. QUE. JE. VIS. ESPÈCE DE CONNARD.
J’essaie d’imaginer ce que serait la « moi » du 12 janvier 2014 si ce n’était pas arrivé, si tu n’étais pas arrivé. Je pense que j’aurais toujours un rapport meurtri, effrayé, étrange aux relations humaines, parce que ça, ce n’est pas de ton fait. Mais il y a des choses que je ne saurais pas.
Si tu ne m’étais pas arrivé, je ne saurais pas ce que ça fait de vouloir tuer quelqu’un. Je ne connaîtrais pas la peur, la haine pure et aveugle. Je ne saurais pas que je suis capable de courir aussi vite. Je ne saurais pas que je pouvais avoir aussi peur, et me sentir aussi seule. Je ne saurais rien de la méchanceté, je ne saurais pas faire du mal volontairement, rendre les coups, combattre, frapper, être frappée. Je ne connaîtrais pas la fatalité, la menace, l’enfermement. Je ne saurais pas que les monstres se déguisent en humains pour piéger les filles. Je ne saurais pas que je supplierais la mort de venir me prendre. Je ne saurais pas ce que ça fait d’être tuée, puis ramenée à la vie deux secondes plus tard, pour que tu puisses me tuer à nouveau.
Mais tu sais quoi ? Ça commence à être ennuyeux, toute cette tristesse, cette cruauté pure (que tu as causées, et pour lesquelles tu vas payer). Parlons d’amélioration, d’évolution
.
Ce qu’il s’est passé ce matin-là m’a prouvé à quel point je suis forte. Qui aurait pensé que ces minces bras pouvaient faire tant de mal ? Je parie que tu ne l’avais pas vu venir, parce que tu es un sociopathe débile, égoïste et violent, si focalisé sur ton pouvoir et ta capacité à faire le mal que tu en as oublié la capacité humaine à lutter et tout abandonner pour survivre.
Donc oui : je suis une putain d’héroïne. Je me suis sauvée moi-même. Je t’ai dit que je me sauverais, mais tu as choisi de croire que tu pouvais me faire du mal. Tu as VRAIMENT cru que toi, et ta cruauté, vous pouviez décider à ma place de mon sort ? T’es vraiment CON, en fait.
J’ai appris à maîtriser mes monstres. Je cohabite avec eux, non sans heurts, mais ça va. J’ai toujours peur. J’ai plus peur que jamais. Mais ça me permet d’être plus prudente, plus violente, plus combative. Je n’ai même plus peur de mourir.
J’ai découvert la vengeance. J’ai pensé à toutes les façons dont je pourrais te faire payer. Je t’ai imaginé à genoux, me suppliant en vain de t’accorder ma pitié. Ça a duré quelques mois. Mais c’est fini.
Je pense parfois à toi. Plus souvent que je ne veux bien l’admettre. Je pense à cette fois où je t’ai recroisé : tu laissais ton siège à une vieille dame dans le métro, et les gens te regardaient, semblant se dire « Oh, si seulement plus de gens étaient aussi polis ». S’ils savaient. S’ils savaient que tu n’es pas humain, ni même une bête. Tu es l’enfant bâtard d’un monstre et d’une ordure.
Je me demande si tu vis seul. Avec des colocs peut-être ? Tes parents ? Oh, mon Dieu… et ta mère ? Elle est au courant ? Je me doute que non, mais a-t-elle seulement la moindre idée du monstre qu’est son fils ? Es-tu enfant unique ? Une soeur, peut-être ? Je t’imagine bien en frère protecteur, prêt à tuer quiconque lui ferait du mal. Quelle ironie, putain.
Et tes amis, oh, tes soi-disants « amis » qui ne ressentent que de la peur envers toi, qui ferment les yeux parce qu’ils ont l’habitude de tes actes, donc ils attendent simplement que ce soit terminé. Ou alors, ils s’en vont, comme ils l’ont fait quand j’étais là. Ce que je hais le plus, surtout chez les hommes, c’est la lâcheté. Donc ça m’a juste donné un shot de colère et de violence supplémentaire.
Enfin bon. Je suis toujours bonne, toujours intelligente, je sors toujours, je fais des trucs, j’apprends, je réfléchis, je gère une tonne de projets, je mange, je ris, j’embrasse, je baise, je touche… JE VIS.
Je ne laisserai pas cette date devenir un jour de deuil. Le 13 janvier sera toujours le jour où j’ai appris à me battre, à dire non, à me démener, à m’échapper, à être forte, à survivre. Le 13 janvier ne sera pas le jour où tu m’as attaquée, détruite, souillée.
Le 13 janvier, c’est l’anniversaire du jour où je suis revenue à la vie, après t’avoir combattu. Le 13 janvier, c’est l’anniversaire du jour où j’ai choisi de vivre.
Alors va bien te faire foutre.
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Les Commentaires
Bravo pour votre courage et tous les efforts que ça vous a pris!