Après #MeToo et la vague de témoignages qui ont suivi, la libération de la parole des femmes victimes de violences sexuelles continue, dans le milieu sportif, cette fois.
L’Équipe révèle des violences sexuelles à grande échelle dans le sport
Dans une longue enquête de L’Équipe, à lire dans le journal de ce mercredi 29 janvier ou en ligne, huit anciennes sportives de haut niveau témoignent pour la première fois.
Elles racontent les violences sexuelles qu’elles ont subies par leurs entraîneurs alors qu’elles étaient adolescentes.
Les faits se sont déroulés à la fin des années 70 et 80. Les sportives étaient patineuses et nageuses, et avaient entre 13 et 15 ans. Des récits glaçants mais nécessaires pour que les choses changent…
Même si les faits ont été prescrits, ces femmes ont décidé de témoigner à visage découvert.
Elles veulent en effet que de tels événements ne se reproduisent pas, ainsi que dénoncer l’omerta qui règne selon elles dans le milieu sportif.
Certains hommes qu’elles accusent sont devenus des figures du patinage, et d’autres travaillent toujours avec des jeunes.
Violences sexuelles dans le sport : des victimes témoignent
Les femmes dénoncent des faits de violences sexuelles, de viol ou de harcèlement de la part d’entraîneurs en qui elles avaient confiance.
L’ex patineuse Anne Bruneteaux livre ce douloureux témoignage à propos de son entraîneur Michel Lotz :
« Il a commencé à s’inviter dans la baignoire et à me demander de le laver. J’ai su après que c’était de la masturbation. »
Elle avait alors entre 13 et 15 ans.
Frédérique Weber, nageuse de haut niveau pendant son adolescence, raconte aussi les agressions sexuelles et viols qu’elle subissait de la part de son coach Christophe Millet :
« Le prétexte était qu’il devait nous faire un massage afin que l’on se décontracte de la journée.
On s’allonge alors sur le ventre, il nous entoure avec ses jambes puis commence à nous masser les jambes, puis les adducteurs, puis le sexe. »
Sarah Abitbol, patineuse médaille de bronze aux championnats du monde 2000, publie ce 30 janvier Un si long silence. Elle y dépeint les viols subis par un ancien entraîneur.
Dans un entretien vidéo avec l’Obs, elle revient sur ces abus :
« C’est normal ce qu’il se passe ? C’est normal qu’il abuse de jeunes filles comme ça ? Qui sont des enfants qui viennent s’entraîner, qui veulent devenir des champions ? »
Des violences sexuelles aux conséquences dramatiques
Ces violences sexuelles ont eu des conséquences graves sur la vie et la santé mentale des jeunes femmes.
Elisabeth Douet, ancienne nageuse victime de Christophe Millet, dit avoir été « brisée en mille morceaux »
:
« Moi qui étais une élève modèle, j’ai tout lâché. Et puis j’ai fait une tentative de suicide. J’ai été sauvée à l’hôpital à quelques minutes près. »
Frédérique Weber, quant à elle, subit toujours les répercussions tragiques des viols qu’elle a subis adolescente :
« Pendant deux ans je n’arrivais pas à parler. Je suis sous médicaments depuis cette époque. »
Les mécanismes d’emprise à l’oeuvre dans les violences sexuelles
Les anciennes patineuses et nageuses décrivent les mécanismes d’emprise extrêmement pervers dont elles étaient victimes.
Tout d’abord, la sidération que leur entraîneur, un adulte dont le rôle était de les transformer en championnes, les agresse sexuellement.
Ensuite, l’incompréhension face à des comportements qu’elles étaient trop jeunes pour comprendre.
Enfin, la peur et la honte qui les ont pendant longtemps empêché de parler.
Les victimes se sentaient coupables et sales. Des mécanismes qui sont systématiquement rapportés par les personnes ayant vécu des violences sexuelles.
Hélène Godart décrit l’emprise psychologique qui émanait de son entraîneur de patinage artistique Jean-Roland Racle :
« Il me disait qu’on partageait quelque chose de fort. »
Cette emprise peut perdurer des années, comme le raconte l’ex patineuse Béatrice Dumur :
« Le pire, c’est cette emprise que cette personne a pendant des années. Il suffit qu’elle soit dans les parages pour que vous redeveniez un enfant, faible et fragile. »
Les parents aussi étaient victimes de tentatives de manipulation de la part des entraîneurs de leurs filles et ne voyaient rien. Ils laissaient leurs enfants, en toute confiance.
Ces processus rendent très difficile la prise de parole. La plupart des victimes ne se sont confiées à personne. Certaines en ont touché mot à leurs parents, qui ont préféré ne pas porter plainte pour tout oublier.
Les femmes qui ont témoigné rapportent n’avoir, à l’époque, pas bénéficié de l’entourage et du soutien nécessaire pour témoigner ou se saisir de la justice.
Reste à voir si la sortie de ces témoignages de ces sportives va ouvrir la voie à une libération de la parole plus vaste dans le milieu du sport…
Comment aider une victime de violences sexuelles
En lisant cet article, tu t’es peut-être rendu compte que tu connaissais une personne dans ton entourage qui a été victime de violences sexuelles. Comment l’aider ?
Tu peux déjà l’écouter, c’est le premier pas.
Trop souvent, on rejette la faute sur les victimes de violences sexuelles avec des remarques du type :
— Tu n’as pas été prudente. — Tu t’es mise dans une situation compliquée. — Tu aurais dû dire « non » plus fermement. — Mais pourquoi as-tu accepté de boire un verre / monter avec lui / l’embrasser ?
Même si ces remarques ne sont pas forcément malveillantes et relèvent souvent d’une mauvaise connaissance des violences sexuelles, elles sont extrêmement blessantes pour les victimes et renforcent leur honte et leur silence.
Tu peux trouver plus d’infos en cliquant sur cet article de Mymy.
Si tu es victime ou que tu connais une victime de violences sexuelles, physiques et/ou psychologiques, tu peux trouver de l’aide.
Voici des numéros, des associations et des articles utiles vers lesquels te tourner :
- Un seul numéro : le 3919.
- Vos droits et possibilités d’action au sujet des violences conjugales.
- L’association En avant toutes
À lire aussi : Pourquoi les survivantes de Larry Nassar méritent qu’on écoute leur histoire
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Les Commentaires
Ça peut permettre d'éviter la honte, et donc de donner plus d'armes aux femmes pour se défendre.
Ça me fait penser aux manifestes des 343, quand il fallait lutter pour légaliser l'IVG.
Bref, merci à elles de prendre la parole, c'est vraiment courageux.