Publié le 17 août 2018
En France, le viol conjugal n’est reconnu par la loi que depuis 1992.
1992.
C’est après ma naissance.
Je suis sur le cul. Je vous avoue qu’en cherchant, je pensais tomber sur les années 70, peut-être début des années 80. Ce qui est déjà terrifiant.
Mais pas me rendre compte que certains droits sont moins vieux que moi. Dont le droit à disposer de son corps comme on l’entend, le droit à consentir ou non, même avec la personne qu’on a épousée.
Ça rejoint, en tout cas, le sujet du jour.
Cath Péligrim montre les violences sexuelles dans le couple
Cath Péligrim est étudiante en école d’art.
Sur son Instagram, on trouve entre autres des œuvres prônant la libération sexuelle, la fin des diktats pesant sur le corps des femmes.
Cath m’a envoyé un mail il y a quelques temps pour me présenter un de ses projets. En voici la naissance, racontée avec ses mots :
« J’ai eu l’idée de ce projet quand j’étais en MANAA (mise à niveau en arts appliqués).
Une illustratrice était venue nous parler de son album pas vraiment pour enfants dans lequel elle racontait qu’elle avait été abusée sexuellement par un prêtre.
Ça m’avait beaucoup touchée, et j’ai décidé de témoigner moi aussi. »
Cath a utilisé son moyen d’expression principal, l’art, pour mettre en images les violences sexuelles qu’elle a subies pendant l’une de ses relations.
Les violences sexuelles dans le couple, illustrées
« Je voulais dire que ça n’arrivait pas qu’aux autres et surtout, comment ça se passait.
Je trouvais et trouve encore qu’on en parle avec des pincettes, qu’on ne dit jamais vraiment comment ça se passe, qu’est ce qu’on vit réellement. Les actes sont étouffés.
Ce témoignage, c’est le mien. C’est ce que j’ai vécu. »
Ces images ont été dessinées dans un carnet à double page et sont donc à lire « deux par deux » : gauche, droite, ligne du dessous, gauche, droite, etc.
Comment les illustrations sur les violences sexuelles ont-elles été reçues ?
Cath m’explique être restée en contact avec des professeurs de son ancien lycée, qui ont fait circuler certaines de ces illustrations pendant des temps de parole dédiés à la sexualité
.
Elle l’a également fait circuler dans son école. Et les réactions ont parfois été teintées de malaise, de maladresse.
« Je l’ai montré à mes profs, à ceux qui voulaient. Généralement je parlais « d’un témoignage », comme si je l’avais trouvé au hasard. Ils devaient bien se douter que c’était le mien, mais j’ai toujours évité le sujet.
Ce projet a beaucoup choqué. Je me souviens de mes professeurs, qui généralement n’avaient pas de tabou, et qui prenaient ça avec des pincettes, se refilaient les remarques comme une patate chaude qu’on ne veut pas garder.
Pour les personnes dont je ne suis pas proche, il y avait beaucoup de distance, ils reposaient l’objet en douce en espérant ne pas en reparler avec moi. Ils devaient sentir que c’était personnel. »
Malgré ces réactions mitigées, Cath ne regrette pas une seconde d’avoir mis en images ce qu’elle a vécu, d’avoir livré son témoignage au monde.
« J’étais très fière de le diffuser. C’était ma revanche sur ce mal-être qui me pourrissait un peu. Me dire que j’étais capable de faire de cette matière quelque chose de bien. »
Les violences sexuelles dans le couple discutées à la radio
Un animateur spécialisé en éducation sexuelle, le Dr Kpote, avait fait circuler certains de ces dessins et avait mené Cath Péligrim à intervenir sur RFI.
Avec le recul, elle réitèrerait l’expérience, mais un peu différemment :
« Je n’ai pas envie de cracher dessus parce que c’était une belle expérience, mais avec le recul, j’aurais dû plus m’imposer.
C’était important pour moi de le faire ; quiconque m’aurait dit que c’était une bêtise m’aurait encore plus donné envie de le faire. Et je ne regrette pas.
Mais j’aurais dû être plus claire, plus franche, moins timide. Poser les bons mots et reprendre quand la journaliste disait les mauvais.
C’était des petites choses anodines, mais accumulées, ça faisait beaucoup… elle m’a présentée comme punk parce que j’ai les cheveux bleus et des piercings, mais je ne me suis jamais associée à ça.
À un autre moment, j’avais présenté des travaux de gravure où on voyait juste les jambes fermées d’une femme, ce qui donnait un petit Y avec une mini-fente. »
« Ça s’appelle un pubis ou à la rigueur, pour le peu qu’on en voit, un bout de vulve. Mais je l’ai laissée dire « vagin ».
C’était des tas de petites choses comme ça qui modifiaient un peu mon identité, au final. »
Je trouve ces propos intéressants parce qu’on ne sait pas toujours comment réagir en interview, quand on n’est pas habitué·e à l’exercice.
Est-ce malpoli de reprendre ? Va-t-on passer pour « un chieur » ou « une chieuse » ? Eh bien non ! N’hésitez pas à préciser votre pensée, surtout quand vous n’êtes pas en direct ! Personne ne vous en voudra.
Le consentement n’étant toujours pas enseigné à l’école, il est souvent méconnu.
On peut alors se retrouver, comme Cath, à ne pas savoir dire « non », à ne pas savoir réagir sur notre refus n’est pas respecté, surtout aux débuts de la vie sexuelle.
Voici quelques ressources sur le sujet, à partager au plus grand nombre :
- Le consentement sexuel expliqué par une tasse de thé
- Quand est-ce qu’une femme vous doit du sexe ?
- Culture du viol, consentement et « zone grise »
- La « zone grise » du consentement illustrée (ou : le retour de la tasse de thé)
- J’ai appris à consentir, et gagné une vie sexuelle épanouie !
- Ma vidéo à ce sujet :
Je tiens à remercier Cath Péligrim pour avoir fait confiance à madmoiZelle, et à saluer son courage : partager les violences vécues, ce n’est jamais facile, surtout aussi jeune !
Retrouvez-la sur Facebook et sur Instagram.
À lire aussi : Je suis un homme victime de viol conjugal — Témoignage
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