Pour une fois, la justice avait pourtant donné raison à la victime. Le 25 janvier dernier, le double champion du monde Bruno Martini était condamné pour « corruption de mineur » et « enregistrement d’images pédopornographiques », écopant d’un an de prison avec sursis, de 2500 euros d’amende et de l’interdiction d’exercer avec des mineurs pendant cinq ans.
Il avait plaidé coupable face aux faits qui lui étaient reprochés, à savoir d’avoir abordé un adolescent de 13 ans via les réseaux sociaux, d’avoir échangé avec lui plusieurs selfies et vidéos à caractère sexuel et de lui avoir proposé de payer son taxi pour qu’il le rejoigne. Finalement, l’adolescent ne s’était pas présenté, et avait déposé plainte en 2020.
« Je ne suis pas pédophile, je le répète : je pensais qu’il s’agissait d’un jeune adulte »
Dans un grand entretien accordé au journal sportif L’Équipe, Bruno Martini s’est épanché sur sa « culpabilité » et sa « honte » vis-à-vis de sa famille, se défendant avec lyrisme et réitérant les arguments déjà évoqués lors de son procès sur la terrible méprise dont il aurait été « victime » en estimant incorrectement l’âge du jeune homme. Cette parole, livrée brute, n’a pas tardé à susciter l’indignation, et à questionner la manière dont on présente les mots des accusés dans le discours médiatique :
Est-il pertinent de relayer la parole des auteurs de violences sexuelles, au nom de la liberté d’expression ? Comment la présenter ? Faut-il la nuancer, proposer un contradictoire pour la mettre en perspective ?
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S’interroger collectivement sur ce qui répond ou non, au devoir d’information, et sur l’éthique de la nomination
Dans une interview pour Madmoizelle, Giuseppina Sapio, maîtresse de conférences à l’Université Paris-8 en information et communication, spécialiste experte du traitement médiatique des violences conjugales et des féminicides, revenait sur cette question, dans le cas notamment, des affaires de féminicides :
C’est essentiel d’avoir un contradictoire, pour mettre cette parole en perspective. On peut faire appel aux associations de victimes, à un collectif qui fait des comptes, à des militants… Il faut s’interroger sur comment on nomme les choses, et la responsabilité que l’on endosse en construisant une réalité que l’on fait exister par nos mots.
Giuseppina Sapio
Comme le rappelle l’experte, en 2011, la Convention d’Istanbul a posé un cadre pour le traitement journalistique des violences sexuelles, appelant les journalistes à s’interroger sur la pertinence des éléments, discours et détails relayés. Répondent-ils au devoir d’information du journaliste ? L’entretien de Bruno Martini est une preuve supplémentaire qu’il devient urgent d’engager une réflexion collective sur la manière dont nous abordons et concevons ces violences, aussi bien dans l’espace médiatique et politique, que dans les discours qui façonnent notre société, et sont, très souvent, imprégnés d’imaginaires culturellement construits à partir de biais sexistes.
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Les Commentaires
Je ne comprends pas trop la démarche de l'Equipe. La recherche du scoop ?