C’est un sujet qu’elle connaît bien. Inès Belgacem, journaliste pour Streetpress, travaille depuis 2016 sur la question des violences policières. Elle se souvient de l’Affaire Théo, ce jeune homme brutalement blessé au niveau de la zone rectale par une matraque télescopique lors d’un contrôle de police à Aulnay-sous-Bois. Cette histoire est aussi tristement celle d’un déclic : la journaliste commence alors un long travail d’archive, celui de documenter la lutte des familles de victimes, dont la liste s’allonge chaque année. Par sa plume et son regard, elle raconte leur combat pour connaître, (et parfois faire connaître) la vérité, mais aussi pour obtenir justice. « Violences policières, le combat des familles » est le fruit de ce travail : pendant une année, la journaliste a suivi cinq familles ayant perdu un proche après une intervention policière. Elle leur donne la parole dans ce documentaire poignant, à (re)voir de toute urgence. Rencontre.
Interview de Inès Belgacem, réalisatrice de Violences policières, le combat des familles.
Madmoizelle. Que souhaitiez-vous montrer dans ce documentaire ?
Inès Belgacem. Je voulais donner la parole à des familles peu ou pas médiatisées. Rendre leurs témoignages davantage visibles. On a tendance à traiter ces événements au moment où ils se produisent. On les classe dans la rubrique « faits divers » puis ils tombent dans l’oubli. Parfois, quelques rebondissements dans l’enquête les ramènent sur le devant de la scène… Mais on ne connaît rien de l’entre deux, de ce combat permanent pour obtenir des réponses, de cette incertitude qui ronge… Je voulais montrer ce quotidien-là.
Vous identifiez plusieurs points de similitudes entre ces familles…
En effet. Malgré la diversité de leurs histoires, ces familles partagent de nombreux points en commun. Le premier est la sidération ressentie : on ne comprend pas comment ceux qui détiennent pourtant la confiance, qui ont pour rôle de protéger, peuvent être un danger pour ses proches. Ensuite, il y a l’envie de comprendre ce qu’il s’est passé et la difficulté à obtenir des informations. Bon nombre de ces familles découvrent les faits violemment, via un communiqué de presse, ou dans la presse, où leurs proches sont criminalisés. Le réflexe est de chercher des témoignages, des preuves face au mutisme des autorités. Enfin, le temps de justice est très long sur ces affaires. Cette attente est insoutenable, les familles redoutent un non-lieu, des débats sur la notion de violence légitime ou illégitime…
Comment avez-vous procédé pour la réalisation de ce documentaire ?
Il était crucial pour moi de fournir un travail fouillé, sourcé, alimenté d’images d’archive, de vidéos prises par des témoins, d’extraits médias… Je voulais aussi inclure des témoignages de policiers, de procureurs, afin de laisser la possibilité aux spectateurs de se faire leur propre avis. Cela a nécessité un an de pré-enquête, pour bien comprendre chaque affaire dans toute sa complexité, la charge émotionnelle que cela représente pour les familles des victimes de raconter leur histoire.
Violences policières, le combat des familles : disponible depuis le 9 février sur france·tv slash puis lors d’une tournée dans les cinémas, à travers la France, accompagnée de rencontres avec les familles et l’équipe de tournage. La première date sera le 15 février à Paris. Informations à venir.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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