Toucher vaginal ou rectal sur des patient·es endormi·es par une anesthésie générale, jugements sur les choix de vie, maltraitance des practicien·nes…
La maltraitance gynéco et obstétrique est régulièrement pointée du doigt. De nombreux témoignages, qui font froid dans le dos, sont compilés sur Paye ton gynéco.
Nina Faure, réalisatrice de documentaires, s’est penchée sur le sujet et a mis en ligne Paye (pas) ton gynéco, un film de 20 minutes à ce propos !
Les violences gynéco, aussi courantes qu’invisibles
Nina Faure m’explique qu’au début, elle se disait : « la consultation gynéco c’est pas agréable, ce n’est qu’un mauvais moment à passer, t’es capable de surmonter ça ».
Face à des remarques comme celles de son gynéco lui demandant systématiquement quand elle comptait avoir un enfant, face aux témoignages de ses amies… elle a commencé à se poser des questions.
C’est en voyant le nombre de récits sur le hashtag #PayeTonUtérus que Nina Faure a pris conscience de l’ampleur du problème.
« J’ai été partagée entre le soulagement (je n’étais pas seule) et une colère immense : si l’expérience est tellement partagée, c’est forcément dû à un problème global, systémique. […]
Être allongée nue, les jambes écartées, devant quelqu’un qui se permet des remarques déplacées, des gestes brusques et qui méprise notre douleur, ça n’a rien d’une situation « normale » de suivi médical.
La prise de parole sur les violences subies a permis de rendre public le problème, que de nombreuses personnes en prennent conscience. »
Le documentaire Paye (pas) ton gynéco
Nina a donc décidé de mener un documentaire à ce sujet. Selon elle, l’expérience des femmes est méprisée par une partie du corps médical ; pour la réalisatrice, prendre sa caméra, c’est aussi prendre la parole.
Paye (pas) ton gynéco a été financé grâce à une levée de fonds participative sur Le Pot Commun, à laquelle vous pouvez toujours participer même si une version a déjà été mise en ligne !
Quel avenir pour ce documentaire ? Rien n’est sûr, mais Nina a plusieurs options en tête.
« [Ce film,] nous l’avons pensé comme un film d’intervention, dans l’idée qu’il apporte des éléments dans le débat actuel, notamment avec la sortie du rapport du HCE sur les violences gynécologiques le 29 juin.
Est-ce que le film va s’arrêter là, est-ce que sa publication en ligne va devenir l’étape d’un scénario futur ? Il reste tellement à dire sur le sujet…
Il y aurait un travail de fond à faire sur l’origine du caractère patriarcal de la médecine actuelle. »
En effet, ce 29 juin, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) entre les hommes et les femmes livrera un rapport, commandé par Marlène Schiappa, sur la question du sexisme dans le milieu gynéco/obstétrique.
Rendez-vous le matin même sur madmoiZelle pour lire les conclusions du rapport, entre état des lieux et recommandations pour faire changer les choses !
Le monde secret, tabou, de la gynécologie
Une séquence qu’on ne voit jamais : Nina Faure a filmé une de ses séances gynéco en caméra cachée.
Elle pensait avoir trouvé un bon professionnel sur un site recensant des médecins « safe », mais force est de constater qu’il n’a pas été à la hauteur de ses espérances. Il a des remarques déplacées envers elle.
Ce moment a été édifiant pour Nina.
« Ce qui m’a le plus surprise, c’est lorsque j’ai regardé pour la première fois la séance que j’ai filmée en caméra cachée. J’ai réalisé qu’on n’avait pas de représentation de cela.
J’ai vu mon corps en position de faiblesse. Cela m’a aidé à comprendre pourquoi il est si difficile de réagir face à des propos déplacés lors de l’entretien : on est pas en position de se défendre, sur le dos les pattes écartées. »
Je profite de cet article pour rappeler que la position « sur le dos, pieds dans les étriers » n’est pas la seule possibilité pour un examen gynécologique.
C’est dans le roman Le Chœur des femmes du médecin bienveillant Martin Winckler que je l’ai découvert (lisez-le, il est puissant).
Il est possible pour la patiente d’être allongée sur le côté, un peu en chien de fusil. C’est un poil moins pratique pour la personne qui examine, mais tellement plus confortable…
Je me dis que devant cette séquence du documentaire, plein de gens qui n’ont jamais vécu d’examen gynéco découvriront une réalité : celle de la vulnérabilité qu’on peut ressentir, allongée, en espérant que ça soit vite terminé.
Nina Faure, réalisatrice engagée
Le travail de Nina Faure mérite d’être salué. Et son parcours, qu’elle me résume en quelques lignes, aussi !
« Je suis réalisatrice de documentaires. Je prépare actuellement un long-métrage sur le plaisir féminin et je fais partie du collectif qui actualise Notre corps, nous-mêmes, un manuel féministe historique.
J’ai réalisé plusieurs courts-métrages sur le travail précaire (Rien à foutre, Dans la boîte) et je travaille avec l’équipe de Pierre Carles, Annie Gonzalez et C-P Productions depuis plusieurs années.
Nous avons notamment réalisé Hollande, DSK, etc., un film sur le traitement médiatique de la campagne présidentielle de 2012, ainsi qu’Opération Correa 1 et 2, une série documentaire dans laquelle nous cherchions en Équateur la possibilité d’une alternative au libéralisme. »
Bravo à Nina pour Paye (pas) ton gynéco, et maintenant à vous : qu’avez-vous pensé du film ? Avez-vous découvert des choses, été choqué·es, surpris·es ? Dites-moi tout !
À lire aussi : Le speculum réinventé par deux femmes fatiguées de souffrir
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Mon expérience traumatisante, c'est lorsque je suis tombée enceinte sous stérilet. Je voulais faire une IVG. Au premier rendez-vous (pour faire les prises de sang etc) ma gynéco (super) n'arrivait pas à trouver les fils pour retirer le stérilet (elle pensait qu'il devait être bien descendu et qu'elle pourrait le retirer facilement), elle m'a donc demandé de prendre directement rendez-vous avec un gynéco de l’hôpital qui pourrait le retirer en pratiquant l'IVG.
Ce gynéco là a été horrible. J'ai eu un premier rendez-vous où je pensais ne devoir répondre qu'à quelques questions avant de pouvoir accéder à l'opération une semaine plus tard. C'était un homme plutôt âgé, au visage fermé, qui n'expliquait rien de ce qui se passait, qui était visiblement contre les IVG et ne me croyait pas lorsque je lui ai dit que j'étais tombée enceinte avec mon stérilet ("ah ah ! mais c'est impossible !" Il a fallu que je lui montre l'échographie faite entre deux pour qu'il me croit enfin. Après les questions d'usage, il m'a directement envoyé sur la table d'examen, lorsque je lui demande pour quoi faire (vu que j'avais déjà été examiné par ma gynéco) il me répond brutalement :"je vais voir si je trouve le fil pour retirer votre DIU et avec un peu de chance tout partira avec". J'étais complètement sonnée par sa réponse, je ne m'attendais vraiment pas à un coup comme ça mais très timide et ayant vraiment besoin de cette opération, j'ai obéis et me suis installée sur la table alors que je ne voulais vraiment pas vivre ça. Lorsque j'ai osé lui demandé si ça allait faire mal, il m'a seulement répondu d'un ton brusque : "on verra bien"...
Autant vous dire que j'ai eu mal. Il n'a rien réussi à "trouver" (là j'étais bien soulagée) et m'a finalement donné un rendez-vous pour l'opération la semaine suivante.
Heureusement tout le personnel de la clinique a été merveilleux, doux, prévoyant, aux petits soins le jour J. (je n'ai aperçu le gynéco que quelques secondes avant de m'endormir).
Aujourd'hui cette consultation me reste vraiment sur le cœur, comment peut-on manquer de bienveillance à ce point ? Comment peut-on parler comme ça à une personne qui même si elle assume son choix a forcément des peurs et des inquiétudes ? Aujourd'hui même si je ne regrette pas mon choix, j'ai très peur de retomber enceinte à un moment non désiré et de revivre ce calvaire.