Un jour, au Japon, je suis passée devant une boutique de fringues qui avait le meilleur nom : Congés payés adieu tristesse.
Il est courant là-bas de croiser des mots français n’ayant pas trop de sens accolés les uns aux autres, ça fait exotique — un peu comme les t-shirts couverts de kanji que je portais au collège.
Congés payés adieu tristesse, ça m’a beaucoup fait rire et ça m’a plu. Surtout que j’étais, à ce moment-là, en congés payés !
Adieu tristesse, en effet, quand on peut prendre une pause dans son quotidien, éteindre tous ses réveils et ne rien faire du tout, sans perdre d’argent, sans se mettre en danger.
Ce congé payé d’un nouveau genre est aussi une question de sécurité. Mais pas juste financière.
Le congé payé pour les victimes de violences conjugales
En Nouvelle-Zélande, un projet de loi porté par des femmes politiques, dont Jan Logie qui a part le passé travaillé en refuge pour femmes battues, vient d’être adopté.
Il met en place un congé payé de 10 jours pour les victimes de violences conjugales.
L’idée : qu’elles puissent se permettre de ne pas travailler, partir de chez elles, avec leurs enfants le cas échéant. De prendre du temps pour sauver leur vie.
Le fléau des violences conjugales
Comme l’explique The Guardian, ce n’est pas un hasard si cette loi a été votée en Nouvelle-Zélande.
« La Nouvelle-Zélande est l’un des pays ayant le plus fort taux de violences conjugales dans les pays développés, avec une intervention de police toutes les quatre minutes.
Les violences conjugales représentent pour le pays un coût allant de 4,1 milliards à 7 milliards de dollars néo-zélandais par an. »
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Pour Jan Logie, l’une des porteuses de ce projet, le congé payé n’est bien sûr pas une solution miracle, mais un symbole fort.
« L’un des buts de cette initiative, c’est d’engager toute la société. Ce n’est plus juste le rôle de la police : nous avons tou·tes un rôle dans l’aide aux victimes.
C’est une façon de changer le statu quo, de dire : nous sommes tou·tes impliqué·es dans ce problème et il faut changer les choses. »
L’argent, un boulet de plus aux chevilles des victimes de violences conjugales
Il peut être difficile de comprendre
pourquoi les victimes de violences conjugales ne partent pas dès la première gifle, la première insulte, le premier coup.
C’est que la violence est souvent psychologique bien avant d’être physique, et qu’elles sont déjà sous l’emprise de leur partenaire.
Dans l’article Mon mec vient de me frapper pour la première fois, que faire ?, Chloé écrivait :
« Les psychologues expliquent que la violence conjugale fonctionne en « cycles ».
En fait, il est plutôt rare que la première violence physique soit un acte isolé – souvent, elle a été précédée par d’autres formes de violences (psychologiques, verbales, etc.). »
À la pression pesant sur la victime, à la peur, s’ajoute parfois l’aspect financier : puis-je me permettre de prendre des jours ? Vais-je être mal vu·e au travail ? J’ai déjà posé mes vacances, puis-je assumer des congés sans soldes ?
Jan Logie explique :
« La violence conjugale ne respecte pas la séparation entre vie professionnelle et personnelle.
Beaucoup de coupables amènent la violence au travail. En surveillant leur partenaire, en l’appelant constamment, en menaçant ses collègues…
C’est aussi un moyen de détacher la victime de son emploi, de la faire virer ou de la pousser à la démission afin qu’elle deviennent encore plus dépendante. »
Comment fonctionne concrètement le congé payé pour les victimes de violences conjugales
Cette nouvelle loi, effective en avril 2019, permettra aux victimes de violences conjugales d’obtenir 10 jours de congés payés en plus de leurs temps de repos habituel, et facilitera certaines démarches comme le fait de changer de lieu de travail.
Je dois avouer que concrètement, je ne comprends pas bien comment c’est censé marcher. The Guardian indique que les personnes n’auront pas à prouver leur situation (et tant mieux)…
Du coup, leur suffira-t-il d’aller voir leur supérieur·e ou les ressources humaines pour poser discrètement ces 10 jours ? Quid de la relocalisation si la personne bosse dans un petit commerce, par exemple ?
Le New York Times explique que ce sera à l’employeur d’assumer cette dépense, et non au gouvernement.
Je pense que l’idée est principalement d’offrir aux victimes du temps, 10 jours de liberté n’ayant pas de conséquences financières et leur permettant, peut-être de sortir la tête de l’eau. Car comme le dit Jan Logie :
« Ça n’a aucun sens de dire aux victimes qu’elles doivent partir, et de les condamner à la pauvreté quand elles le font. »
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