Mise à jour du 27 janvier 2017 — On a failli croire à l’interdiction symbolique des violences éducatives en France ; c’était sans compter sans l’intervention de zélés parlementaires, qui ont saisi le Conseil Constitutionnel à propos de cette loi.
Effectivement, la disposition excluant « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles » n’avait que peu de rapport avec le reste du projet de loi en question ; ce qui a conduit le Conseil Constitutionnel à censurer cette disposition, comme on peut le lire dans la décision :
« Introduites en nouvelle lecture, ces adjonctions n’étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion. »
C’est donc, en quelques sortes, un « vice de forme » qui a conduit à cette censure, et non un problème de non conformité de cette mesure à la Constitution.
L’interdiction des violences éducatives n’avait qu’une valeur symbolique, puisqu’aucune sanction pénale n’y était associée. Retour à la case départ…
Mise à jour du 24 décembre 2016 — C’est sans doute le plus beau cadeau de Noël que les enfants français pouvaient espérer recevoir cette année : après avoir été rappelée à l’ordre par l’ONU cette année, la France vient d’interdire les violences éducatives.
Il s’agit des claques, des gifles, des fessées, de tous les châtiments corporels plus ou moins violents, plus ou moins graves, plus ou moins humiliants.
Le recours à ces pratiques est ce qu’on appelle « la violence éducative », et ses conséquences négatives ont été démontrées par des études scientifiques, et sont depuis dénoncées sans relâche par l’OVEO, l’Observatoire de la Violence Éducative Ordinaire. (lire ci-dessous)
À lire aussi : La violence éducative, cette fausse bonne idée
L’interdiction de ces violences a été votée à l’intérieur du projet de loi Égalité et Citoyenneté, comme le rapporte ce matin Libération : La « violence éducative ordinaire » est désormais interdite.
« Jeudi, le Parlement adoptait définitivement, par un vote à l’Assemblée nationale, le projet de loi «Egalité et citoyenneté». Un texte de 65 mesures pour la jeunesse, la mixité sociale ou encore contre les discriminations.
L’article 68, qui vise à réduire les violences faites aux plus jeunes, est presque passé inaperçu : il introduit dans le code civil « l’exclusion de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles » des parents sur les enfants. »
Étant donné que le texte ne prévoit pas de sanction, la mesure est pour le moment uniquement symbolique. Mais le symbole est fort : il est le signe que la violence éducative n’est pas et ne doit pas être considérée comme « normal » (ce n’est pas parce qu’on y a tous et toutes survécu que c’est OK).
À tous les enfants qui pleurent trop fort en public, qui traversent la route sans regarder, ou commettent d’autres impairs d’enfants en cours d’apprentissage de la vie, soyez rassurés : en France, en 2017, on ne considèrera plus qu’il est normal que vous preniez en gifle en retour.
Pour en savoir plus, vous pouvez lire ci-dessous notre premier article au sujet des violences éducatives, daté de juin 2013. Trois ans plus tard, ça y est, la loi française le reconnaît : il n’y a pas de petite claque ! Finissons-en avec la violence éducative.
Mise à jour du 21 avril 2016 — Hier, trois députés ont présenté à la presse une proposition de loi pour abolir les violences éducatives.
Comme l’explique l’OVEO (Observatoire de la violence éducative ordinaire) dans un communiqué de presse détaillant les articles du projet de loi, il ne s’agit pas uniquement d’interdire les châtiments corporels, mais également les humiliations et souffrances morales.
Pour l’OVEO, cette loi pourrait permettre d’agir sur plusieurs plans :
- Elle a une visée éthique et symbolique : l’enfant doit avoir le même droit que l’adulte au respect de sa dignité et de son intégrité physique.
- La loi va poser une limite claire : il n’y a pas de violence acceptable (et du même coup donner un repère aux parents)
- Elle permettra de changer rapidement les comportements, comme on a pu le voir dans les pays qui l’ont déjà votée. Les changements sont moins rapides lorsque seules des mesures d’information sont mises en place.
Le 5 février 2016 — L’ONU, via le comité des enfants qui vérifie régulièrement l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant, a demandé à la France, dans un rapport comportant de nombreuses mesures, d’interdire ce qu’on appelle les violences « éducatives » sur les enfants — notamment la fessée. Comme on peut le lire sur le Huffington Post :
Dans son rapport, le comité des enfants de l’ONU demande à la France « d’interdire expressément les châtiments corporels dans tous les milieux, y compris au sein de la famille, dans les écoles, les garderies et dans les soins alternatifs ».
Le comité rappelle que « les châtiments corporels sont une forme de violence ».
L’OVÉO, l’Observatoire de la Violence Éducative Ordinaire, salue évidemment cette recommandation :
[…] l’OVÉO demande l’inscription, dans le Code civil, de l’interdiction explicite de toute violence faite aux enfants, y compris au sein de la famille et dans tout lieu de garde, d’enseignement et de soin.
Il est évident que chaque famille a le droit d’élever librement ses enfants avec ses propres valeurs, son histoire. L’OVÉO souhaite rassurer les parents : le but n’est pas de les juger ou de les culpabiliser, car la plupart des parents pensent agir pour le bien de leurs enfants, ni de les envoyer en prison, mais, au contraire, de les accompagner dans cette mission difficile qu’est la parentalité.
C’est pourquoi nous demandons que cette loi soit assortie d’outils d’accompagnement et de sensibilisation – formation des professionnels de la petite enfance, campagnes et documents d’information, livret de parentalité, lieux d’accueil et de soutien à la parentalité, etc. – indispensables à la prise de conscience et à l’évolution des comportements. Respecter l’intégrité des enfants, c’est leur enseigner par l’exemple et leur permettre d’éprouver dans leur corps ce qu’est le respect de l’autre. En prenant le chemin d’une éducation sans violence, c’est la société tout entière qui deviendra moins violente.
Cliquez pour lire l’intégralité du communiqué de presse de l’OVÉO.
Le 18 juin 2013 — Ce spot de 30 secondes réalisé gracieusement par 75 et Circus pour l’agence ROSAPARK met en scène la violence réelle d’une « petite » claque :
http://youtu.be/72_i3SJbuhQ
Il y aurait des « bonnes » et des « mauvaises » raisons de mettre des claques. La gifle aurait des vertus éducatives. On a toujours fait comme ça et ça forge le caractère.
Toutes ces idées reçues et bien d’autres sont non seulement fausses, mais dangereuses pour l’enfant.
Selon le docteur Gilles LAZIMI, médecin généraliste et coordinateur de la campagne :
« Il n’y a pas de petite claque, ni de petit coup, toute violence envers nos enfants peut avoir des conséquences sur leur santé physique et psychologique. […] Ces violences banalisées, tolérées par la société, peuvent avoir des conséquences sur le développement de l’enfant. Un certain nombre aura des séquelles en termes de santé, d’apprentissage et de développement. »
Un « héritage » qu’il est urgent d’abandonner
À la question posée sur le site du Parisien « Enfants : Faut-il définitivement proscrire les claques ? », les internautes répondent « non » à plus de 76%. La fessée, la claque, la gifle, nombreux sont ceux qui y tiennent « lorsque c’est mérité ».
C’est un cercle vicieux : les adultes qui ont été « éduqués » à coups de claques et de fessées ont tendance à reproduire ces comportements avec leurs propres enfants. Un thème qui avait fait l’objet d’une précédente campagne de sensibilisation, en 2011 :
Ce slogan pouvait prêter à confusion. En lisant « les parents qui battent », on pourrait penser uniquement aux « parents indignes » qui « cognent » leurs gamins, et tout ce que la maltraitance peut comporter de pire en matière d’horreurs physiques et psychologiques.
Avec cette campagne Il n’y a pas de petite claque, la Fondation pour l’Enfance recentre la problématique : il ne s’agit pas des cas extrêmes de maltraitance, on parle bien du quotidien, de ces 85% de parents qui déclarent en coller une de temps en temps à leur enfant, « pour qu’il apprenne ».
50% des parents frappent leurs enfants avant l’âge de 2 ans. Quelle vertu pédagogique pourrait bien avoir une claque ou une fessée, administrée sur un enfant qui est en cours d’apprentissage du langage ? Il n’y en a pas.
La réponse à la violence est une réponse instinctive. Elle se traduit par une augmentation du stress chez l’enfant. Elle génère chez lui une incompréhension : comment ses parents, les adultes qui le nourrissent et le protègent, peuvent-ils volontairement lui faire du mal ? C’est impossible.
Cette violence est alors intériorisée comme un « bien ». C’est pour mon bien. Et de fait, cette violence est tolérée, socialement acceptée. Ceux qui ont en été victime enfants en vantent les vertus une fois devenus parents. Mais une claque n’est jamais anodine.
Une violence physique et psychologique qui laisse des séquelles
Olivier Maurel, écrivain et chercheur indépendant sur la violence, liste les conséquences néfastes de ces pratiques sur le développement de l’enfant, mises en évidence par une série d’études récentes :
- Augmentation du risque de consommation de psychotropes à l’âge adulte (2007)
- Risques de comportements sexuels à problème : tendance à recourir à la coercition verbale ou physique pour exiger une relation sexuelle, tendance aux comportements à risque sans protection (2008)
- Augmentation du risque de suicide à l’âge adulte (2009)
- Impact sur le quotient intellectuel de l’enfant : les enfants entre 2 et 5 ans qui ne reçoivent pas de fessées ont un QI de 5 points plus élevé que ceux qui en reçoivent (2009)
- Augmentation du risque de troubles mentaux, désordres comportementaux, problèmes d’alcool et de drogue (2012).
- Augmentation du risque de cancer, de troubles cardiaques et d’asthme à l’âge adulte (2012)
- Les enfants fessés avant un an sont plus susceptibles d’être agressifs à l’âge de 3 ans et plus déprimés ou anxieux à l’âge de 5 ans (source : Journal of Marriage and Family, octobre 2012)
L’idée selon laquelle les punitions corporelles constitueraient un recadrage nécessaire de l’enfant est fausse. En effet, ces gestes sont perçus par l’enfant comme une humiliation. Le stress généré, peut, selon son intensité, entraîner une réaction hormonale. C’est la répétition de ce phénomène qui peut avoir pour conséquence de perturber le développement cérébral.
Donc ce n’est pas « la force » du coup qui est directement mise en cause, mais bien la violence psychologique qui découle de l’acte violent. Voilà pourquoi il n’y a pas de « petite » claque. Pas besoin de dévisser la tête du gamin pour lui faire mal. La conséquence psychologique de l’acte est disproportionnée par rapport à son impact physique.
En finir une bonne fois pour toutes avec les châtiments corporels
Il n’y a pas de « petite » claque, comme il n’y a pas de violence plus ou moins tolérable. Mettre une claque à un enfant n’a aucune vertu éducative. Ce n’est pas pédagogique. C’est une violence, point. Il est étonnant qu’une telle violence reste tolérable de nos jours, en France. Pire, qu’on puisse encore la défendre, au nom du « on a toujours fait comme ça ».
Il n’y a pas si longtemps que les violences faites aux femmes sont reconnues et combattues à grands renforts de campagnes de prévention (Grande cause nationale 2010). Combien de campagnes faudra-t-il encore lancer pour que les femmes (et les hommes) arrêtent de faire subir à leurs enfants ce qu’elles ne tolèrent plus qu’on leur fasse subir elles-mêmes ?
Mettre une claque à sa femme était aussi, il fut un temps, justifié par une prétendue vertu éducative par le mari. Il fallait bien que son autorité soit respectée ! Bien évidemment, à l’heure actuelle, plus personne ne défendrait la gifle comme méthode de communication au sein d’un couple. Pourquoi donc défendre le même principe comme méthode d’éducation avec ses enfants ?
Le docteur Gille LAZIMI est d’ailleurs membre du Haut Conseil à l’Egalité, au sein de la Commission « Violences de genre ». Il est par ailleurs membre du CFCV (Collectif Féministe Contre le Viol) et de SOS Femmes 93. La violence éducative ordinaire n’est pas différente de la violence faite aux femmes. Elle prend d’autres formes, moins spectaculaires, mais toutes aussi lourdes de conséquences.
« Pourquoi appelle-t-on cruauté le fait de frapper un animal, agression le fait de frapper un adulte et éducation le fait de frapper un enfant ? »
Cette question figure en headline du site de L’Observatoire de la Violence Éducative Ordinaire, qui recense notamment les 20 pays qui ont d’ores et déjà interdit tout châtiment corporel perpétré par un parent sur son enfant.
Voter une loi pour interdire les violences éducatives ordinaires relèverait surtout du symbole. Pour réussir à éradiquer le phénomène, le docteur Gilles LAZIMI préconise le développement « d’écoles et de maisons de parents », afin d’apporter conseils et accompagnement aux parents qui se trouveraient sans solution face à des enfants difficiles à discipliner. Car il souligne qu’« être parent, cela s’apprend ».
Et si l’on a appris à coups de claques, on risque fort de reproduire la violence dont on a été victime. Et de perpétuer ainsi le cercle vicieux de la violence.
Pour aller plus loin :
- Le dossier de presse de la campagne violences éducatives (principale source de cet article)
- Synthèse du colloque « Amour et châtiments », Paris, oct-2010
- La première oppression sur Les questions composent
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