« Je vais l’inscrire dans le droit français. » Vendredi 8 mars, après la cérémonie de scellement qui a entériné l’inscription dans la Constitution de la liberté de recourir à l’avortement, le président Émmanuel Macron a été interpellé par l’association féministe « Choisir la cause des femmes », fondée par Gisèle Halimi, au sujet de l’inscription de la notion de consentement dans la loi. Le chef de l’État s’est dit ouvert à faire évoluer la loi.
La France réticente à un consensus européen sur le sujet
Ces derniers mois, pourtant, il s’était opposé à une transformation légale à l’échelle européenne. Alors que les États membres de l’Union européenne négociaient au sujet d’une première directive sur les violences sexistes et sexuelles, visant à harmoniser les réponses pénales des pays face aux mutilations génitales, au mariage forcé, à la divulgation de vidéos intimes ou encore au harcèlement en ligne infligé aux femmes et aux jeunes filles, Emmanuel Macron ne souhaitait pas que cette directive européenne s’étende au viol.
Le projet de loi initial contenait un article (numéro 5, abandonné à l’issue des négociations) convenant d’une définition commune qui serait fondée sur l’absence de consentement. Cela impliquerait que les victimes n’auraient plus besoin d’apporter la preuve de l’usage de la force, de menaces ou de coercition. Elle s’appuyait sur le concept du « Only yes means yes » (seul oui veut dire oui »), un principe légal qui s’applique déjà dans 14 pays membres, dont l’Espagne ou encore la Suède. L’idée : il doit y avoir un consentement clair avant tout contact sexuel.
En Suède, ce principe a fait ses preuves. La loi pénale suédoise exige qu’un « libre arbitre soit clairement exprimé » et la passivité ne peut être considérée comme un signe de participation volontaire. Selon le Grevio (le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique), depuis la mise en place de cette définition, la Suède a observé une augmentation du nombre de signalements, de poursuites et de condamnations. Plus précisément, le taux de condamnation a augmenté de 75 %.
Faire du viol un eurocrime ?
Emmanuel Macron s’est opposé à cette définition commune, argumentant que l’Union européenne ne pouvait pas être compétente pour légiférer sur ce type d’infraction. Aujourd’hui, l’article 83 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) établit une liste limitée d’euro-crimes qui « relèvent d’un domaine de criminalité particulièrement grave et revêtent une dimension transfrontalière », pour lesquelles l’UE est juridiquement compétente, et qui n’inclut pas aujourd’hui le viol.
Vendredi 8 mars, le chef de l’État a défendu à nouveau cette position, ouvrant cependant la porte à une évolution légale à l’échelle nationale : « Je ne voulais pas qu’on rentre dans une définition de l’eurocrime. Ce n’était pas dans l’eurocrime, parce que pour le coup ça ne rentre pas dans cette catégorie-là », a estimé le chef de l’État, « par contre, qu’on l’intègre dans le droit français (…) ça je l’entends tout à fait ».
Que changerait d’intégrer le consentement dans la définition du viol ?
En droit français, le viol est aujourd’hui un crime défini par l’article 222-23 du Code pénal. Constitue un viol « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ».
Pour les associations féministes, cette définition pose problème pour plusieurs raisons. Déjà, parce qu’elle ne reflète pas le vécu des victimes. Elle ne prend par exemple pas en compte le phénomène de sidération, ressentie dans bien des cas et démontre la méconnaissance juridique et sociale qui demeure en matière de violences sexuelles. En décembre dernier, un collectif d’avocates, d’autrices et de magistrats ont aussi fait valoir que la définition actuelle « présuppose un consentement implicite ». Celui-ci appuyait la nécessité d’inscrire clairement l’absence de consentement comme permettant de qualifier le viol dans la loi.
« On nous dit que (…) prendre en compte différemment le consentement dans notre Code pénal pénaliserait les victimes, sur lesquelles reposerait alors une charge de la preuve (c’est-à-dire démontrer qu’elles n’ont pas consenti) ». Or, « c’est ignorer que la définition actuelle présuppose un consentement implicite à tout acte sexuel, et qu’elle véhicule des stéréotypes tenaces ». Et d’ajouter : « Cet argument ignore aussi que pour établir ces éléments matériels, la justice examine essentiellement le comportement des victimes ».
Cette évolution de définition présente aussi un espoir pour les victimes, trop souvent déboutées dans les cours de justice. En effet, selon le Haut Conseil à l’Égalité, 80 % des plaintes pour viol sont classées sans suite.
« S’il le fait, c’est une bonne nouvelle », a commenté auprès de l’AFP Violaine Lucas, présidente de l’association Choisir la cause des femmes. « Cela va nous permettre d’approfondir ce que Gisèle Halimi avait commencé à faire en 1978 lors du procès d’Aix-en-Provence », en référence au procès qui contribua à faire reconnaître par la loi le viol comme un crime.
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