Pourquoi le viol, c’est vraiment hilarant, voilà un titre de vidéo qui m’a mise en rage en deux secondes et demi. Bien joué. Le viol, ce n’est pas drôle, ce n’est pas un sujet de blagues, ce n’est pas… Attendez.
Venez, on regarde la vidéo, et après, on en parle, ok ? Je vais même vous la traduire.
Salut, je m’appelle Will, et je pense très sincèrement que le viol, c’est hilarant.
QUAND ÇA ARRIVE À DES MECS !
C’est horrible quand ça arrive à des femmes, mais des mecs qui se font violer, c’est à crever de rire. Les comédies d’Adam Sandler, Crazy Dad, American Trip, Comment tuer son boss, Serial Noceurs, la prison d’Abu Ghraib… Mindy England n’était pas une criminelle de guerre, c’était une foutue comique !
Eh, moi-même, j’ai été abusé par ma prof. C’était pas un pédophile, c’était une FEMME ! Elle m’a violé, et j’étais en mode « YEAH ! », parce que j’étais un gosse de treize ans en chaleur, je voulais grave baiser, et j’ai grave baisé avec une adulte en qui j’avais confiance.
Mais les gens du social continuent à essayer de me convaincre que c’était une expérience négative ! Enfin, mon assistant social actuel ; j’ai jamais pu en parler à ma précédente assistante sociale, parce que c’était une femme — pas facile de s’ouvrir niveau émotions ! Mais PAS parce que j’ai été violé par une femme, attendez : c’était pas un VRAI viol.
Enfin, j’veux dire… J’en avais envie. J’en avais FORCÉMENT envie puisque j’ai eu une érection à cause de ses stimulations et de la peur. Physiquement, c’était super agréable ! Et en même temps, c’était comme… la pire chose qui puisse jamais m’arriver, comme si j’étais même pas humain.
(Rires)
Mais SI, c’est drôle ! Tous les mecs en riaient, et me traitaient de tafiole parce que je n’avais pas vraiment aimé, et j’étais en mode « DUH ! Bien sûr que j’ai kiffé, enfin », alors ils m’en ont tapé cinq et m’ont dit que j’étais cool, et que cette prof était super bonne, et qu’ils étaient jaloux ! J’ai jamais été aussi populaire, dans ma vie, qu’à ce moment-là.
J’ai jamais été aussi heureux qu’à ce moment-là.
Et j’étais pas heureux.
Mais parfois, quand on est un mec, pour bien s’intégrer, il faut cacher sa douleur, et l’humour est très pratique pour ça. C’est pour ça que je crois sincèrement que le viol, c’est hilarant.
Parce que j’ai pas d’autre choix.
Voilà. Je dégage mon clavier de l’océan de mouchoirs sales qui s’étend maintenant sous mon bureau, et j’arrive.
Andrew Bailey est un auteur et acteur comique ; ce monologue a été donné pour la première fois sur scène en juin 2012 à l’Atomic Vaudeville Cabaret, au Canada, le lieu de travail principal d’Andrew.
Le viol des hommes, un sujet encore tabou
Le viol des hommes, surtout par des femmes, est encore considéré comme un mythe par certain-e-s, pour diverses raisons (toutes assez puantes).
On considèrera par exemple qu’une femme est par défaut moins costaud qu’un homme, et donc ne peut pas prendre le dessus sur lui (ce qui sous-entend déjà que tous les viols sont le résultat d’un affrontement physique, ce qui n’est pas le cas). Ou on se dira qu’un homme est TOUJOURS d’accord pour avoir des relations sexuelles, et que son consentement est donc là, par défaut. Même s’il a treize ans. Même si c’est une relation sexuelle sur mineur par personne ayant autorité.
Selon la loi française, un viol implique, par défaut, une pénétration, comme le dit l’article 222-23 du Code Pénal :
« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »
Cependant, un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 16 décembre 1997 ouvre l’interprétation de cet article en considérant l’acte de pénétration comme un viol « dès lors qu’il est imposé par violence, menace, contrainte ou surprise à celui qui le subit ou à celui qui le pratique ». Une pénétration forcée est donc un viol, peu importe dans quel sens elle s’opère.
Dans ce cas, et selon la législation française, en tout cas, on est en présence d’agression sexuelle sur mineur par personne ayant autorité (ce qui est une circonstance aggravante). Et tout le monde trouve ça « cool ».
En France, selon le Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes
:
« En 2011, sur les 4 983 viols, 3 742 viols ont été commis à l’encontre de femmes et 432 contre des hommes. Parmi ces viols, 906 sont des viols conjugaux commis contre des femmes et 179 contre des hommes. »
Cependant, il ne faut pas oublier que :
« 11% des victimes seulement portent plainte. »
Certes, les chiffres sont loin d’être comparables. Certes, une écrasante majorité des viols sont commis à l’encontre des femmes. Mais ce n’est pas pour cela qu’on peut effacer, d’un revers de la manche, ces 432 hommes et tous les autres, ceux qui n’ont pas porté plainte, ceux qui n’ont pas témoigné, ceux qui, peut-être, n’ont même pas réalisé être victimes de viol. Pas facile, surtout quand tout ton entourage trouve ça « trop cool » et « hilarant ».
ThoughtCatalog relaie une étude récente de l’American Psychological Association, selon laquelle :
- 18% des jeunes hommes (14-26 ans) interrogés disent avoir déjà été contraints à des relations sexuelles par la force
- 26% des jeunes hommes interrogés ont déjà subi « une séduction non-sollicitée s’exprimant par des comportements sexuels »
- 31% des jeunes hommes interrogés ont été forcés, verbalement, à des relations sexuelles (vaginales, orales ou anales)
- 46% des jeunes hommes interrogés ont déjà été contraints à des relations sexuelles.
La virilité, ses injonctions et les douleurs qu’elles engendrent
Pour être un vrai mec, pour être viril, il vaut mieux ne pas chouiner. Ne pas se faire agresser par une gonzesse. Ne pas mal le vivre. Ne pas être blessé, traumatisé, alors que bon, quand même, on a baisé une meuf, c’est cool !
Les injonctions sociales masculines, du type « Sois un homme ! », peuvent être dangereuses, surtout dans ce cas. Personne ne reconnaît la faute de la prof, personne ne reconnaît la souffrance de la victime, le fait qu’il ait été réduit à quelque chose de « moins qu’humain », qu’il en ait été marqué au point de ne même pas pouvoir en parler à son assistante sociale… parce que c’était une femme.
Il est bon de rappeler que peu importe qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme, le consentement n’est jamais une évidence. Même en cas de réaction physique, d’érection ou d’autres manifestations de désir, il FAUT s’assurer du consentement de son/sa partenaire.
Et qu’un homme violé mérite autant de respect, de soutien, d’accompagnement et de reconnaissance que n’importe qui.
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