12, 13, et 14 : ce sont les âges des 6 adolescents mis en examen pour viol en réunion sur une collégienne de 13 ans.
Vous avez bien lu. C’est Le Parisien qui résume les faits :
« Six adolescents, âgés entre 12 et 14 ans, ont été déférés ce vendredi devant un juge d’instruction de Versailles, avant d’être mis en examen pour viol en réunion.
Ils sont soupçonnés d’avoir abusé à deux reprises d’une jeune fille de 13 ans dans les parties communes d’un immeuble, après la sortie du collège, en décembre et janvier à Achères. »
Les violences sexuelles, ça commence trop tôt, trop jeune
En six ans de journalisme chez madmoiZelle, je n’en suis pas à ma première affaire de viol. Ni même aux premières affaires concernant de très jeunes adolescent·es, voire des enfants.
En novembre 2017, quelques semaines après le soulèvement de la déferlante #MeToo, Esther Meunier publiait ici-même tout un dossier sur les agressions sexuelles entre enfants.
C’était la conséquence d’une surprise et d’un choc : surprise, que la publication d’un témoignage racontant un attouchement à caractère sexuel entre deux enfants de 3 et 4 ans à la maternelle ait déclenché autant de confessions spontanées dans les commentaires.
Et le choc, après avoir lancé un appel à témoins sur le sujet, de constater que notre intuition était confirmée : plus de 70 récits d’attouchements et d’agressions sexuelles subies pendant l’enfance venaient d’atterrir dans notre boîte mail, en quelques jours seulement.
À lire aussi : J’ai été agressée sexuellement tous les soirs à l’école pendant 6 ans — Axelle, 5 à 11 ans
Viol en réunion par des adolescents de moins de 15 ans
Je ne suis plus surprise, mais le choc ne diminue pas, en lisant les détails de l’affaire rapportée par Le Parisien :
« Certains ont reconnu que la jeune fille disait non et qu’ils l’ont forcée à faire ce qu’ils exigeaient. »
Elle a dit non, elle a résisté, elle en a parlé à ses éducateurs, et son témoignage a été validé par un expert :
« Le psychiatre a jugé que la victime était fiable et que son discours était cohérent. »
Ouf. On l’a crue. Les garçons ont été mis en examen, l’enquête est en cours.
Urgence et nécessité d’éduquer les garçons
Ce que ce « fait-divers »
— terrible appellation pour désigner une violence à laquelle je refuse de nous habituer, révèle, c’est une nouvelle fois le manque cruel d’éducation des garçons.
Ce sont bien entendu les filles ET les garçons qu’il faut sensibiliser au respect de l’autre, de son corps, de son consentement. C’est juste que côté filles, les lignes ont commencé à bouger. Les messages passent.
À lire aussi : Je suis devenue « la pute du collège »… mais ça finit bien
Des comportements qui étaient encore très largement socialement acceptés il y a quelques années ne le sont plus aujourd’hui, comme par exemple le harcèlement de rue, passé d’épuisante banalité à délit d’outrage sexiste puni par la loi.
D’autres comportements subis par les femmes restent encore trop largement passés sous silence : l’onde de choc générée par le mouvement #MeToo a contribué à lever une partie du tabou, à provoquer une prise de parole plus fréquente, et surtout mieux écoutée.
Cette collégienne de 13 ans a raconté ce qu’il lui était arrivé, alors qu’elle était devenue « la cible de la méchanceté de ses camarades qui l’accusaient d’être une fille facile ».
À lire aussi : Le procès du « viol du 36 », la culture du viol à la barre
L’urgence de passer du « c’est normal » à « c’est inacceptable »
En 2015 déjà, 5 élèves de sixième, plus jeunes encore que les accusés de cette affaire, avaient été sanctionnés pour avoir pratiqué des attouchements sexuels sur leurs camarades.
C’était l’affaire du Collège Montaigne, et l’on s’interrogeait sur la nécessité d’interdire les smartphones à l’école — car ces collégiens regardaient apparemment du porno sur leurs téléphones.
Là encore, cet article avait déclenché des dizaines et dizaines de témoignages similaires dans les commentaires, j’en avais fait une compilation : La culture du viol et le sexisme se portent (toujours) bien dans nos écoles.
Fun fact : quelques mois plus tard, je me trouvais à une réunion publique à laquelle assistait tout un groupe de collégien·nes. Du Collège Montaigne.
J’avais approché un groupe de filles, l’une d’elles m’avaient dit à propos de cette histoire qu’en l’essence, « la fille avait mytho », et « les mains aux fesses et tout ça, c’est normal, c’est rien, elle a exagéré. »
Ben non c’est pas normal. Et non, ce n’est pas rien. Donc oui, il faut éduquer les garçons ET les filles à rejeter l’idée que le corps des unes serait à la disposition des autres. Côté filles, ça progresse.
À ce propos toujours, je vous recommande l’écoute du dernier épisode de Ted Radio Hour sur le genre, le pouvoir et la justice (en anglais).
Laura Bates, la fondatrice d’Everyday Sexism revient très justement sur ce basculement psychologique qui lui a permis de sortir de l’habitude pour pouvoir dénoncer l’inacceptable.
À quand l’éducation des garçons ?
Et côté garçons, ça progresse quand, comment ?
La déconstruction de la masculinité toxique en est encore à ses balbutiements — sur madmoiZelle, le chantier est déjà bien lancé : The Boys Club, et la rubrique masculinité posent les bases et consolident les fondations.
Mais il est plus que temps que cette question soit prise au sérieux au sein de la société dans son ensemble, sans quoi, les récits sordides d’affaires de viols toutes plus choquantes les unes que les autres n’ont pas fini de sortir.
L’éducation au consentement auprès des adolescent·es est déjà prévue par la loi, ce n’est pas une revendication militante, c’est d’ores et déjà une obligation aux termes des lois de la République.
Les conditions d’applications de la loi ont été rappelées cette année par une circulaire, attaquée par les Fake News : Voici la FAMEUSE circulaire Schiappa (et non les enfants ne vont toujours pas se branler en CE2).
Éducation sexuelle : 6 conseils pour parler du consentement aux enfants À lire sur Rockie
Cette éducation à la sexualité et au consentement est prévue dans les collèges et les lycées, mais c’est peut-être déjà trop tard.
À lire aussi : Le saviez-vous ? Une enfant de 11 ans est présumée consentante si elle ne s’est pas opposée à la relation sexuelle
Ajoutez Madmoizelle à vos favoris sur Google News pour ne rater aucun de nos articles !
Les Commentaires