Publié initialement le 25 janvier 2011
Personne ne s’attendait à ce que la vieillesse nous soit crachée avec autant de violence. A l’été 2003, la canicule emportait plusieurs milliers de vieux, seuls et déshydratés, provoquant là un tollé national. Avant ça, le symbole de la vieillesse était soit Tatie Danielle, soit Poupette (incarnée par Denise Grey), l’arrière grand-mère de Vic dans La Boum. Petit à petit, nous avons appris qu’être vieux, c’était aussi et surtout la maladie d’Alzheimer, les couloirs des maisons de retraite, le refus de s’alimenter, la mémoire qui flanche, la déprime et les gens qui s’en foutent. Jusqu’à ce retournement de situation en fin de décennie, où nous avons assisté au grand retour des vieux cools. Pourquoi et comment ?
La mère de Terry Richardson, par Terry Richardson
Fin 2008, un site franco-britannique ouvre ses portes : Golden Hook. Leur slogan, « Tous les bonnets devraient être tricotés par des grand-mères« , replace les mamies dans l’imagerie collective. La petite grand-mère sympa, qui fait du tricot à longueur de journée, un plaid écossais sur les genoux devant la cheminée. Golden Hook propose à la vente en ligne des bonnets (et écharpes) réalisés par des grand-mères. Le succès est immédiat, et leur page facebook comprend près de 4000 adhérents. Tea Time With Albertine, tumblr où des mamies apprennent Internet à d’autres mamies, apparaît la même année que Golden Hook. Les bédés rangées au rayon vieillesse se multiplient (1). Giles Deacon se révolte contre la dictature du jeunisme, et fait défiler des personnes âgées & fripées. Odette, une marseillaise de 89 ans, fait sensation en slammant à l’émission Incroyable Talent.
[dailymotion]https://www.dailymotion.com/video/xg2y9s_odette-incroyable-talent_creation[/dailymotion]
Le vieux n’est plus pathétique, ni drôle à son insu. Il est devenu touchant, rigolo, et carrément cool.
Puisque l’espérance de vie progresse de quatre mois chaque année, nos chances d’être des mémés augmentent elles aussi. Dans l’état actuel des choses, nous passerons plus de temps à être vieux qu’à être jeunes. Même si, comme l’a souligné récemment Hugh Hefner, 84 ans, et fiancé à une pépée de 24 ans : « l’âge n’est qu’un chiffre« , mourir nous fait moins peur que vieillir. Nous sommes victimes de notre hyper conscience, celle de notre corps, de notre image. La mort en soi n’est pas effrayante, mais bien la dégradation de nos facultés mentales et notre enveloppe corporelle.
Disons-le franchement : perdre la boule, devenir sénile, ridé, acariâtre et ennuyeux, c’est ce qui nous effraie le plus. Et nous refusons de voir la vieillesse comme synonyme de décrépitude.
La popularité des vieux cools nous rassure, elle nous prouve que la vieillesse glauque n’est pas inéluctable. Porter ces petits vieux aux nues, c’est une façon d’apprivoiser le temps qui passe, de ne plus craindre ni le troisième, ni le quatrième âge. Nous prenons alors conscience que la petite vieille que nous serons ne sera pas forcément clichée. Nous voulons dépasser cette image de la vieille croulante. Mais ce retour flamboyant des papis & mamies ne pourrait s’envisager sans le déclin de la jeunesse. Nos années folles ont été remplacées par des années d’injustice, d’angoisse et de préoccupations matérielles. En voyant nos grand-pères et grand-mères plus cools que les stars du lycée qui se la racontent sous le préau, il devient évident que nos heures de gloire ne sont pas toujours derrière nous, mais peut-être devant.
Comment pourrait-il en être autrement quand on voit Betty White, 89 ans, sur le plateau de Letterman, avec sa vodka ?
https://www.youtube.com/watch?v=ZhCz7td1bvE
Ou encore Frederika, une Hongroise de 91 piges, qui pose devant l’objectif de son petit-fils photographe Sacha Goldberger, habillée en super-héroïneMamika (2) :
Sans oublier Stéphane Hessel, 93 ans et encore tous ses neurones, auteur du best-seller Indignez-vous, qui parcourt les lycées de France et de Navarre pour pousser les jeunes à l’indignation :
https://www.youtube.com/watch?v=XuRoFhLPAsU
Les vieux sont devenus sacrément cools. Si vous en doutiez encore, pensez à toutes les fois où vous vous êtes dit « je ne vais pas me teindre les cheveux en rose à mon âge, ce serait ridicule »… A la retraite, vous pourrez essayer sans vergogne.
— (1) Voir Télérama, 27 décembre 2009 (2) Le projet Mamika (petit grand-mère en hongrois) est devenu un chouette livre, aux éd. Balland.
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