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De l'art d'échouer...

Ma vie de maladroite, ou quand chaque mouvement est un risque calculé

Sophie Riche est maladroite depuis qu’elle est toute petite. Avec le temps, elle a plus ou moins appris à bien le vivre.

Aussi loin que mes souvenirs remontent, j’ai toujours été maladroite.

Je déconne pas, quand je dis « aussi loin que mes souvenirs remontent ». Je n’ai pas choisi cette expression pour faire joli. Elle n’a peut-être carrément JAMAIS été utilisée à meilleur escient que dans cette courte introduction que je continue juste après l’intertitre ci-dessous.

La maladresse, ma compagne depuis toujours

Parce que justement, mes souvenirs les plus lointains sont des moments où j’ai été ce qu’on appelle « un boulet ». Mes souvenirs les plus vieux (mes trois premiers souvenirs) viennent de la même semaine, pendant des vacances en Crète avec mes parents.

Le tout premier a lieu dans l’avion, à l’aller. Je voulais goûter au café d’un de mes parents pour faire ma grande, et comme c’était encore très chaud, ça m’a brûlé la lèvre. Du coup, j’ai lâché la tasse et me suis renversé tout le liquide brûlant sur les cuisses. J’ai hurlé. Très fort et très longtemps, sous le regard effrayé de tous les autres voyageurs.

Je me souviens même presque exactement du visage de l’une d’entre elle. C’est le premier visage dont je me souviens, on peut dire. C’est quand même pas de chance ! (Après, j’ai pleuré pendant le reste du trajet parce que, du coup, mes parents m’avaient retiré ma jupe préférée pour me mettre une salopette que j’aimais pas).

pingouin Oh non, je suis tombée dans la neige.

Le second a à peine attendu quelques jours avant d’arriver : j’étais dans la piscine de la résidence avec ma mère et j’ai voulu aller chercher un truc dans notre appartement.

Boulette, première du nom : je suis rentrée dans l’appartement à côté. Boulette numéro 2 : les gens qui y vivaient étaient tout nus. Boulette numéro trois : au lieu de partir en courant, j’étais tellement perturbée que je suis restée comme deux ronds de flan, en slip de bain, avec mes petites brassières et mes couettes, à les regarder avec les larmes de honte qui me montaient aux yeux.

Le troisième premier souvenir/fail, vers la fin de la semaine, s’est passé à la plage. J’étais en train de faire des pâtés de sable en forme de tortue avec des moules (des moules en plastique en forme de tortue, pas des moules les fruits de mer : ça n’aurait pas beaucoup de sens). Un moule est tombé dans le peu d’eau qu’il y avait, et je me suis penchée pour le ramasser.

Je me suis penchée en mettant la tête dans l’eau, parce que ça me semblait logique d’être le plus proche possible de ce qui était tombé pour le voir. Bon, déjà, c’était un mauvais réflexe. L’autre mauvais réflexe, c’est que j’ai pas pensé à me relever. Il aura suffi de quelques petites secondes d’inattention à mes parents pour qu’au moment où ils posèrent à nouveau les yeux sur moi, j’étais tête en avant dans l’eau, fesses en l’air, bras gigotant en arrière, le visage un peu bleu.

À lire aussi : Les traumatismes de vacances de la rédac

Je ne sais pas si, effectivement, on voit sa vie défiler devant ses yeux quand on meurt, mais une chose est sûre : il y a des chances pour que les premiers souvenirs d’une vie soient plutôt évocateurs du reste de l’existence de la personne.

Je suis maladroite, pas stupide

Maladroite j’étais, maladroite je suis restée. Je trébuche dans tout, je me cogne dans chaque meuble, je me prends des murs, je crache mon chewing-gum en pleine conversation parce que j’ai oublié que j’en avais un en bouche…

Je n’ai tout simplement pas le réflexe de jauger tous les paramètres d’un endroit pour ne pas faire d’erreur gestuelles. J’en veux pour preuve, la semaine dernière, la fois où je n’ai pas su sortir d’un bar parce que je n’avais pas pris le temps de voir les quelques centaines de flèches et explications en majuscule disant qu’il fallait faire glisser la porte, pas la tirer ou la pousser. C’est comme si j’étais trop pressée, un peu. Trop pressée et trop zozo pour tirer les conséquences de tout ce qui m’entoure.

Pressée, ça veut dire stupide ? Je crois pas. Être pressée, ça veut pas dire « être pressée d’être con » non plus, à ce que je sache.

Avant, j’avais honte. J’avais peur qu’on me pense saoule, ou vraiment stupide. Maintenant, je vois le bon côté des choses (ou du moins, le côté neutre des choses) : souvent, ça me permet de briser la glace dans les situations un peu stressantes (comme un premier rendez-vous ou un entretien professionnel). Et dans les situations pas stressantes du tout, ça n’a tout simplement aucune valeur angoissante.

chat botte Oh non, je suis tombée de ma botte en caoutchouc.

La conversation stressée de la maladroite en détresse

C’est marrant parce qu’autant, en ce qui concerne mes gestes et ma façon de me mouvoir au quotidien, je m’en fous et je fais peu d’efforts (sauf si je suis chez quelqu’un et que je fais bien gaffe à rien casser, par politesse et parfois en vain), autant je suis du genre à préférer rester la plus silencieuse possible histoire de bien réviser ce que je m’apprête à dire pour ne pas sortir quelque chose de blessant.

Parfois, je réfléchis trop peu avant de parler et je me retrouve à paniquer, me demandant si j’ai fait une boulette chaque fois que j’ai dit un truc dans un contexte qui me stresse ne serait-ce qu’un tout petit peu. C’est le pendant control freak de la maladroite que je suis.

À lire aussi : Vis ma vie de control freak

Disons que, désormais, ma maladresse en terme de mots s’est transformée en peur de faire mal. J’ai peur de faire la boulette qui met pile le doigt là où ça fait mal, et d’appuyer très fort sur la blessure. Tu sais, comme dans les films : j’ai peur d’être la personne qui fait une plaisanterie bien grasse sur la mère de mon interlocuteur (« ET TA MÈRE ELLE EST TELLEMENT VIEILLE QUE QUAND ELLE PÈTE ÇA FAIT DE LA POUSSIÈRE LAULE », ou un truc nul du genre) et qu’il me dise qu’elle est décédée la semaine dernière. T’IMAGINES UN PEU ?

Rien que de penser à ce genre d’évènements hypothétiques, j’en ai une coulée de sueur dans le dos.

À lire aussi : Vous ne savez pas faire la conversation ? Voici quelques conseils pour un small talk de qualité

Alors, oui, je suis le genre de personnes qui se tord la cheville tous les trois mètres, qui postillonne un bout de chips en plein milieu d’une phrase et qui renverse son verre d’eau — surtout quand il est plein. Oui, je suis le genre de personnes qui met toujours un peu de sauce sur son pull et qui choisit de porter un t-shirt blanc le seul jour de l’année où elle mange des betteraves, mais ça, c’est pas bien grave.

Parce qu’au moins, ça me donne, dans ma tête (pas forcément dans celle des autres) un petit côté sympa, pas bégueule. Bon. C’est une maigre consolation en forme de petit mensonge à moi-même mais, eh, si ça me permet d’assumer qui je suis, pourquoi pas ?

La maladresse, plus on te la fait remarquer…

…et pire elle devient. Tu sais, c’est comme quand on te dit « haha, t’es vachement rouge ! » : bah du coup, tu deviens encore un peu plus rouge.

À lire aussi : Rougir, ce phénomène incontrôlable (et exaspérant)

Moi, quand on me dit « oh lala qu’elle est malhabile qu’elle est godiche hihihi, c’est rigolo et ridicule », bah je fais encore plus n’importe quoi avec mon corps, malgré moi. Un éléphant dans un magasin de porcelaine. Une mouche dans une soupe aux vermicelles. Une noix de coco dans un anus.

Alors, sauvez des vies : ne faites pas remarquer à quelqu’un qui est maladroit qu’il est maladroit.

Et toi, t’es maladroite ? Tu le vis comment ?


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Les Commentaires

64
Avatar de skippy01
9 novembre 2017 à 19h11
skippy01
Boulette numéro trois : au lieu de partir en courant, j’étais tellement perturbée que je suis restée comme deux ronds de flan, en slip de bain, avec mes petites brassières et mes couettes, à les regarder avec les larmes de honte qui me montaient aux yeux.

Pardon, mais je m'en remets pas de celui-là.
0
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