Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec ARP. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.
En 2012, le monde entier avait été choqué par le viol collectif qu’avait subi Jyoti Singh, une étudiante indienne, décédée quelques jours plus tard des suites de ses blessures.
Les années ont passé, mais la situation des femmes en Inde n’est toujours pas au beau fixe. Cette semaine encore, le pays a été ému par le viol d’une adolescente, pour la seconde fois et par les mêmes agresseurs.
Le manque de films sur la situation des femmes a motivé Nan Palin à réaliser Déesses indiennes en colère, et on en profite pour faire le point.
À lire aussi : « Déesses indiennes en colère », portrait de femmes modernes vu par son réalisateur
À lire aussi : La vie entravée des femmes – Carte postale d’Inde
Malgré le renforcement des sanctions à l’encontre des auteurs de violences sexuelles, les viols sont encore extrêmement nombreux – 36 735 cas ont été enregistrés en 2014, et ce ne sont que les cas reportés, soit une faible proportion. Dans les cas où ils comparaissent en justice, seuls 28% des criminels sont réellement condamnés.
Dans 86% des cas, ils font partie de l’entourage de la victime : amis, voisins, cercle familial proche dans 5% des cas…
Comme c’est le cas en général en France aussi, ces agressions ne sont pas le fait d’inconnus. Dans 86% des cas, ils font partie de l’entourage de la victime : amis, voisins, cercle familial proche dans 5% des cas…
C’est ce qui rend les choses encore plus compliqué pour ces femmes indiennes : la pression qu’elles subissent au regard de l’« honneur de la famille » transforme les victimes en coupables. Ayant survécu à une agression, elles sont en plus blâmées d’avoir terni la réputation de leurs proches. D’où le fait que le nombre de viols enregistrés, bien que haut, soit nettement en-dessous de la réalité sans qu’on puisse estimer exactement à quel point.
À lire aussi : Qandeel Baloch, la « Kim Kardashian du Pakistan », assassinée « pour l’honneur » de sa famille
Les violences domestiques au quotidien
Les chiffres précédents ne prennent pas non plus en compte les viols conjugaux qui ne sont pas considérés comme un crime par la loi, ce qui donne une idée de l’état des violences conjugales et domestiques dans le pays.
Plus de la moitié des femmes ont indiqué qu’il était courant dans leur communauté d’être battue si elles sortaient sans permission
Ainsi, selon une étude conduite par le Conseil National de Recherche en Économie Appliquée et dont les résultats sont publiés dans The Hindu, plus de la moitié des femmes ont indiqué qu’il était courant dans leur communauté d’être battue si elles sortaient sans permission.
Globalement, 70% des femmes indiennes ont déjà été victimes de violences domestiques, perpétrées par leur mari ou un proche, selon l’ONG Dasra.
Ce n’est certes pas le cas dans Déesses indiennes en colère où les protagonistes féminins font fi de la société pour se placer en tant que symbole de la rébellion et du renouveau, mais le jugement qu’elles attirent de la part de tout le monde dénonce bien le manque d’ouverture d’esprit.
Épouses sans avoir réellement dit « oui »
Le mariage, d’ailleurs, n’est que rarement un choix pour les Indiennes. Toujours dans la même enquête présentée par The Hindu, seules 18% d’entre elles déclaraient avoir connu leur mari avant de l’épouser.
L’Inde est aussi l’un des pays comptant le plus de mariages d’enfants – certes à mettre en regard avec sa très large population. Il n’empêche : malgré l’interdiction des mariages avant 18 ans pour les jeunes filles et 21 ans pour les hommes depuis 1961, la pratique est loin d’être abandonnée. 48% des jeunes femmes mariées de plus de 25 ans déclarent avoir été mariées avant leurs 18 ans… L’écart entre les villes et les villages n’est pas non plus négligeable.
Et leur situation d’épouse en fait littéralement des subalternes. 90% déclarent ne pas avoir le dernier mot lorsqu’il s’agit de gros achats, 80% n’ont pas leur maison à leur nom et encore plus inquiétant : 80% ne peuvent pas décider seules d’aller consulter un médecin. Bienvenue au XIXe siècle.
Un cercle vicieux difficile à enrayer
Cette situation prend ses racines dans le patriarcat, ancré profondément dans la société indienne. À tel point que le phénomène d’avortement sélectif est très répandu en Inde.
Il est généralement pratiqué après une échographie qui permet de déterminer le sexe d’un fœtus. Et c’est ainsi que de nombreux fœtus de sexe féminin sont avortés, créant un véritable déséquilibre entre les sexes dans le pays.
Si à l’échelle nationale, le ratio peut ne pas paraître si bas – il s’établissait à 940 filles pour 1000 garçons lors du dernier recensement en 2011, pour une moyenne naturelle autour de 950 filles pour 1000 garçons – il existe de très grandes disparités régionales. Le ratio s’élève seulement à 861 pour 1000 dans l’état d’Haryana par exemple.
Ces avortements sélectifs sont justifiés par les mères elles-mêmes qui pour certaines expliquent qu’elles savent à quelles humiliations une femme vivant en Inde est confrontée et qu’elles ne souhaitent pas cela pour leurs enfants.
À lire aussi : « La Saison des femmes » dénonce la condition féminine en Inde
Au delà de l’avortement, en milieu rural, ce sont les petites filles elles-mêmes qui sont négligées. Dans les zones trop pauvres pour fournir ce type de service pourtant illégal, les familles dépensent moins d’argent pour s’assurer de la santé et de la nutrition d’une petite fille que d’un petit garçon.
Ce phénomène participe au dénigrement général des femmes, en même temps qu’il en est la conséquence… Un cercle vicieux difficile à enrayer pour les femmes indiennes.
Vers l’empouvoirement économique ?
Paradoxalement, les Indiennes ont réussi à se faire une place dans le monde des affaires comme le prouve l’une des héroïnes du film
Paradoxalement, les Indiennes ont réussi à se faire une place dans le monde des affaires comme le prouve l’une des héroïnes du film. Comme en témoigne une contributrice de Forbes d’origine indienne :
« En Inde, il y a au moins 10 institutions financières majeures dirigées par des femmes puissantes; elles sont toujours sous-représentées par rapport aux hommes, mais formidables et visibles. »
De même, elle y décrit avoir été automatiquement payée à hauteur du salaire de ses collègues masculins et l’absence bienvenue de tous commentaires dégradants ou infantilisants.
Un peu d’espoir est permis pour les héroïnes de Déesses indiennes en colère donc !
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Après le problème de la non-disparition du système des castes (malgré les lois) est lié au fait que ce système vient de l’hindouisme. Outre le côté coutumier (déjà pas facile à combattre), la religion majoritaire le soutient.