Avez-vous déjà porté plainte ?
Moi, oui, adolescente, pour un vol de téléphone portable. Je me souviens du lino triste qui se gondolait, du brouhaha, de l’odeur (mauvais café, désodorisant artificiel), de la peinture écaillée, des néons moches.
Je me souviens m’être dit que c’était quand même le seum d’être flic, de vouloir aider les gens au point d’en faire sa carrière, et de bosser dans un endroit encore plus moche que le bureau du CPE.
Je n’ai jamais eu besoin de retourner au commissariat, et tant mieux : j’en garde un souvenir plutôt médiocre.
Je n’ai jamais porté plainte pour viol, par contre. Ni pour agression (sexuelle ou autre). Comme toutes ces femmes et tous ces hommes qui, chaque année, ne portent pas plainte…
Les victimes de viol et leur accueil par les forces de l’ordre
62 000 femmes ont été victimes d’un viol (52 400) et/ou d’une tentative de viol (36 900) au cours des 12 derniers mois. Soit un viol toutes les 9 minutes.
La quantité de femmes victimes de violences sexuelles est alarmante… Et c’est sans compter les autres agressions sexuelles prises en compte dans l’étude-source, avec lesquelles on atteint le chiffre de 580 000 victimes.
LCP rappelle cependant que « moins de 10% des femmes et des hommes portent plainte ». Pourquoi donc ?
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À l’Assemblée Nationale, la Délégation aux Droits des Femmes menait une audition sur le viol ce 5 décembre 2017.
Sophie Auconie, députée, rapporteure d’informations sur le viol, demande aux chefs de la police et de la gendarmerie comment améliorer l’accueil des victimes.
Le général Richard Lizurey est le directeur de la gendarmerie nationale. Éric Morvan celui de la police.
Tous deux n’y vont pas par quatre chemins : « Mal accueillir une victime de viol n’est pas acceptable ». Mais ils ne se voilent pas la face sur le fait que dans leurs secteurs respectifs, « il y a encore de la marge ».
En cause, ils l’admettent, « parfois un manque d’empathie, parfois un manque de formation, parfois un manque de professionnalisme ».
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Comment améliorer l’accueil des victimes par les forces de l’ordre ?
Richard Lizurey défend l’idée d’une captation vidéo de la première déclaration, « essentielle dans la résolution de ce genre d’affaires » car elle permet d’immortaliser l’état de la victime, son langage gestuel, etc.
D’autres améliorations concrètes existent probablement, mais ce qui me semble essentiel, c’est l’empathie.
Sur madmoiZelle, une jeune femme expliquait avoir été humiliée en allant porter plainte, avoir été traitée avec mépris, condescendance et même agressivité par un policier…
L’agent qui l’a reçue quand elle a porté plainte pour viol a dans son bureau un poster de la série Maison Close : une fille jeune, prostituée, dans une pose lascive.
Ce que je veux dire par « empathie », c’est par exemple : ne pas installer cette affiche. Garder en tête que des femmes vont venir parler d’agression sexuelle dans cette pièce, et que ce poster peut les toucher de façon négative.
Bien sûr qu’à force d’être au contact de victimes, on apprend à se détacher, car sinon on coule, on ne tient pas le coup. Il est important pour les professionnels de mettre une distance psychologique entre leur esprit et leur travail.
Je ne parle pas donc de partager la douleur de l’autre, d’entrer en résonance. Simplement d’avoir, pour qui vient porter plainte, la même empathie que pour n’importe quel être humain : politesse, patience, respect.
C’est cela, à mon sens, le professionnalisme qui doit primer lorsqu’une personne en situation de détresse vient demander l’aide de la justice.
Et ce mea culpa de la police comme de la gendarmerie est déjà un signe positif : ce n’est pas en mettant la tête dans le sable qu’on avancera !
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Les Commentaires
Déjà, les violences policières avec les gilets jaunes, l'accueil des victimes, leur attitude avec les manifestants en général (dont les mannifestations du 8 mars) ... Franchement, un manque de moyen n'explique pas tout. Il y a un problème de mentalité.