J’ai vécu 18 ans avec le père de mes enfants et les 10 dernières années à ses côtés ont été marquées par les violences. Mais lorsque je vivais avec lui, je n’avais pas du tout conscience que j’étais victime de violences conjugales. Les agresseurs nous culpabilisent, nous font croire que ce sont nous, les victimes, qui n’allons pas bien, que ce sont nous qui les poussons à agir ainsi.
Des années de violences conjugales
J’ai vécu des années dans la peur. Il me menaçait de mort, mais je ne savais pas où aller. Je suis donc restée avec lui pendant toutes ces années. C’est en 2015 que j’ai fini par trouver la force de le quitter, car je n’étais plus dépendante financièrement. Le déclic est venu de mes enfants. Un jour, mon fils m’a dit : « Maman, tu ne me protèges pas ». Ma fille m’a aussi dit : « Papa te parle mal ». Il fallait que je fasse quelque chose, que je protège les enfants, car il s’en prenait aussi à mon fils. Il m’a un jour frappée alors que je l’avais dans les bras. Il avait 3 ans. Eux aussi ont tout vu, eux aussi ont subi ce climat de violence et d’insécurité.
Épaulée par ma sœur, j’ai fini par porter plainte. Au total, j’ai réalisé 4 dépôts de plainte, et ma fille en a également fait un après qu’il m’a menacée de mort, il m’a dit : je vais te donner des coups de hache devant les enfants. Suite à cela, il a été jugé en correctionnel, et a été condamné à 4 mois de prison avec sursis et à 1 000 € d’amende. Ce qui me semble bien faible par rapport à la gravité de ses actes, et aux traumatismes gravés à vie.
De mon côté, j’ai obtenu de l’aide de la part d’Olympe, le centre de santé sexuelle de La Tour-du-Pin (Isère), où j’ai rencontré Nathalie Gallien, aujourd’hui fondatrice du collectif « Plus fortes ensemble ». C’est elle qui m’a fait prendre conscience que j’étais une victime et que c’était mon ex-compagnon qui était le coupable. Avec son aide, j’ai pu obtenir un Téléphone Grave Danger et une ordonnance de protection. Il ne pouvait plus nous contacter, ni moi ni les enfants. Aujourd’hui, nous sommes tranquilles mais pas sereins.
« Avec cette marche, nous voulions voir jusqu’où nous pourrions aller »
Aujourd’hui, en tant que victime de violences conjugales, je fais partie du collectif « Plus fortes ensemble », qui a été créé en 2019 par Judith Bruckner du Centre social de Morestel (Isère) et Nathalie Gallien d’Olympe. Le collectif vise à aider, soutenir et accompagner les femmes victimes de violences dans leurs démarches, mais aussi à sensibiliser le grand public à ces problématiques.
Un groupe de parole et de soutien se tient un mardi toutes les deux semaines. Ensemble, nous échangeons sur nos histoires personnelles, qui résonnent entre elles. Chaque vécu est différent, mais on retrouve à chaque fois les mêmes ressorts utilisés par les hommes violents pour nous culpabiliser, pour nous museler et nous empêcher de partir. Finalement, ce genre de personnes procède toujours de la même manière. Grâce au collectif, qui organise aussi des cours de self défense et des consultations de psychologie, nous nous soutenons les unes les autres, et nous obtenons une aide concrète, par exemple dans les procédures de justice.
Il y a quelque temps, nous avons eu l’idée de réaliser d’autres actions. Parmi elles, une marche à Compostelle a été évoquée par les fondatrices du collectif, il n’a pas été retenu car l’impact n’aurait pas été aussi fort que cette marche locale. En réfléchissant, on s’est dit que réaliser cette marche ici, en Isère, aurait plus de poids pour faire connaître le collectif et ses actions.
Avec cette marche contre les violences conjugales, nous voulions voir jusqu’où nous pourrions aller, pour nous dépasser, tant physiquement que mentalement. J’ai, par exemple, été interviewée à la télévision lors de la marche, et je me suis rendu compte que ça me faisait beaucoup de bien. Pour la première fois, j’étais en droit de me dire tout haut victime de violences conjugales. Les personnes qui me connaissent, et qui connaissent mon ex-compagnon me reconnaîtront comme telle. Car en société, il avait une autre personnalité : il était gentil, aimable, serviable. Ce genre de personnage montre un double visage et cache bien sa véritable personnalité, c’est d’ailleurs pour cela qu’il est tant difficile d’être entendue et crue. Personne ne le connaît réellement. En passant à la télévision, j’ai gagné mon combat : on allait enfin le voir tel qu’il était.
« Notre mobilisation fait bouger les choses »
La marche a eu lieu du 29 mars au 1er avril, en Isère. Lorsque nous sommes parties de La Tour-du-Pin, nous étions 37. Le nombre variait chaque jour, en fonction des disponibilités de chacune, mais nous avons gardé un noyau dur d’une dizaine de personnes présentes sur les étapes. Parfois, on était beaucoup plus nombreuses, jusqu’à 40 marcheuses.
Nous avons marché en tout une cinquantaine de kilomètres, de La Tour-du-Pin à Morestel. Tout au long de notre parcours, nous avons été soutenues, encouragées. À l’arrivée de chaque étape, nous étions accueillies par des applaudissements, des chants mexicains, un goûter… On avait l’impression d’avoir gagné un combat ! Ça nous a toutes fait énormément de bien. Parmi les personnes qui nous ont rejointes, certaines sont aussi victimes de violences, se sont confiées à nous.
Cette marche a été une victoire pour nous toutes, et un très beau succès. Aujourd’hui, avec le collectif « Plus fortes ensemble », nous aimerions, à l’image de la marche, continuer notre combat en réalisant chaque année une action. Notre mobilisation fait bouger les choses, il ne faut pas s’arrêter maintenant, encore tant de femmes auraient besoin de soutien. Je fais aussi partie du conseil d’administration du Centre social de Morestel, qui souhaite soutenir le collectif dans ses futures actions pour aider, conseiller les victimes. Nous aimerions également remercier les différents sponsors qui ont collaboré à mener ce projet à bout.
Pour que la honte change de camp et que les violences cessent enfin.
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Par contre le "4 mois de prison avec sursis" me donne envie de tout casser
Tout mon soutient à la témoignante,je la trouve vraiment courageuse!!!