Justine Triet a rassemblé 1 million de spectateur·ice·s venu·e·s voir l’excellent Anatomie d’une chute, mais Elisabeth Borne n’en fait pas partie.
Dans un entretien pour Le Monde publié le 28 septembre, la Première ministre s’est dite « vexée » par le discours de Justine Triet. En mai dernier, la réalisatrice alertait sur les pratiques d’un gouvernement fondées sur « un pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé. »
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Justine Triet, coupable d’avoir rappelé que le gouvernement avait imposé la réforme des retraites par « la domination »
« Je fais un blocage », j’ai été « vexée ». Dans les colonnes du Monde, Élisabeth Borne a tenté de justifier le fait qu’elle n’ira pas voir la Palme d’Or de Justine Triet.
Quelle est l’origine de ce blocage ? Le discours de Justine Triet au moment de la remise de sa Palme d’Or à Cannes. Avec émotion et fermeté, la réalisatrice avait rendu hommage à la « contestation historique, extrêmement puissante, unanime de la réforme des retraites ». En mai dernier, Triet observait : « Cette contestation a été niée et réprimée de façon choquante ». Selon elle, cette gestion est emblématique d’un « schéma de pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé » de la part d’un « gouvernement néolibéral », qu’elle accuse d’une « marchandisation de la culture ».
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Un vocabulaire affectif qui occulte une réalité politique
Elisabeth Borne, qui a imposé cette réforme à coups de 49.3, s’est pourtant déclarée « vexée » par ces propos.
Il est intéressant d’observer que la Première ministre a choisi un vocabulaire de l’ordre de l’affectif, alors même que le discours de Justine Triet ne relevait pas du registre personnel. Pareillement, le fait que Borne tienne à déclarer publiquement, dans un média de l’envergure du Monde, qu’elle n’ira pas voir Anatomie d’une Chute est éminemment politique. Ce parti pris délégitime le discours de Justine Triet et justifie le fait de tourner le dos à des artistes ne souscrivant pas à l’idéologie du gouvernement.
Heureusement, les choix de la Première ministre concernant les films à aller voir en salles n’ont pas empêché Justine Triet de réaliser le meilleur démarrage pour une Palme d’or depuis 2008. Et on lui souhaite d’aller encore loin.
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