Cette fois c’est certain, le film Veronica Mars sortira mondialement le 14 mars 2014 — si ce n’est au cinéma en France, au moins sur les plateformes de téléchargement légal. L’aventure débutée il y a bientôt un an tout pile sur KickStarter touche à sa fin.
https://youtu.be/kvhgd9T86Gk
Et alors que je reçois une nouvelle mise à jour du projet sur mon profil perso (la soixante-dix-septième), je réalise que quelqu’un d’autre qu’un contributeur, quelqu’un qui n’a pas payé en amont, peut-être toi d’ailleurs, téléchargera le produit fini et le regardera avant moi. Étrange sentiment que de se sentir dépossédé d’une œuvre dont on n’est que l’un des innombrables donateurs. Un peu comme si le simple fait de m’être séparé d’une partie de mon argent me donnait une impression de propriété sur le projet.
J’ai payé et pas vous, je suis légitime dans ma possessivité, cette aventure m’appartient un peu, et si je me laissais aller à mes bas instincts je la garderais pour moi. Peut-être est-ce aussi cela le pouvoir du financement participatif ?
Mais reprenons depuis le début. Car il faut dire que lorsque le projet a été lancé au printemps 2013, lorsque Rob Thomas, le créateur de la série originale, a ouvert son KickStarter demandant deux millions de dollars, tout ceci était encore inédit !
Il est facile de dire a posteriori que oui, il existait une communauté mondiale de fans capables de partager leurs économies pour produire une adaptation ciné de leur série préféré. Mais avant de lancer le projet, avant que tombent les premiers billets, personne n’en savait encore rien !
Par contre, en quelques heures à peine, le compteur de dollars s’est affolé, envoyant un signal clair à travers la planète : oui, c’est possible. C’est à ce moment-là que je me suis jeté à monnaie perdue dans l’aventure, engageant l’équivalent en euros de cinq dollars de mes propres finances (eh ouais, on ne se refuse rien !) contre une promesse de script en PDF et, surtout, mon intégration dans la base des contributeurs.
Car les mises à jour, les coulisses, c’est ce qui m’intéresse le plus dans les plateformes comme KickStarter. Une fois intégré à la base de donateurs, un dialogue est possible entre créateur, entrepreneur et sa base de financiers amateurs. Si la personne en charge du projet le souhaite, elle peut répondre aux commentaires, envoyer des newsletters, écrire des articles de blog.
Certains jouent le jeu, d’autres prennent la thune et se tirent. Mais Rob Thomas, lui, a joué le jeu. Et pas qu’un peu.
En un an, près d’une centaine de mises à jour mail/blog auront été rédigées. Quasiment pas une semaine sans nouvelles de l’équipe du film Veronica Mars. Aucune info capitale ne sortait dans la presse avant que la communauté KickStarter n’en soit informée.
J’ai ainsi pu découvrir le casting au compte-goutte, les premières photos du tournage, les premiers éléments de marketing, des explications sur la post-production, sur les réflexions vis-à-vis de la distribution. Il m’était possible de partager enthousiasme et morceaux d’info sur mes propres réseaux avant que la presse ne s’en empare, n’extirpe les news de mes petites mains.
Pour la première fois, nous étions les premiers au courant, les relais d’information, les portes-parole de ce projet qui nous appartenait, à nous plus qu’aux médias sceptiques et qu’aux autres gens, qui attendaient d’avoir le produit fini dans leur cinéma pour passer à la caisse.
Le KickStarter Veronica Mars aura fédéré une communauté, permis l’émergence d’un forum dédié, de produits dérivés designés par les fans, sans parler du partage de nombreuses idées autour du film. Pendant un an, nous étions ce petit monde en vase clos, formé de ceux qui ont voulu participer à l’aventure, qui ont payé leur ticket d’entrée durant le mois de financement du projet, et qui vivaient bien à l’abri dans leur tour d’ivoire.
À présent la fête est finie, ou plutôt elle commence, pour tout le monde cette fois. Le film sera bientôt libre de s’ébattre d’iTunes jusqu’au fin fond des torrents de l’Internet entier. À quelques semaines de la sortie du film, je me retrouve donc bouffi d’émotions contraires, du plaisir de bientôt pouvoir retrouver Veronica Mars jusqu’à l’amertume de devoir la partager avec tous les autres, restés passifs et qui n’auront pas moins que moi.
Si je sais d’où vient ce sentiment, si je le rationalise, je sais qu’il n’est pas juste. Le but était de permettre la naissance d’un film Veronica Mars, pas de se l’accaparer. Telle est l’illusion qui nous aura bercés durant cette année de making of, dans l’entre-soi de KickStarter. La sortie du film, son partage, voilà le but initial. Tout ce qu’il restera aux contributeurs, tout ce qu’il me restera, c’est cette aventure riche en rebondissements et, surtout, en communication.
Et ce n’est pas parce que cette partie s’achève qu’une autre n’est pas sur le point de commencer. Nul doute qu’à peine sorti du visionnage du film Veronica Mars, je serai déjà en train de traîner sur KickStarter, Ulule et autre KissKissBankBank à la recherche d’un autre projet, peut-être plus intimiste, peut-être plus près de chez moi, à soutenir…
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Dès que l'on dépensait plus de $35 la VOD était inclue dans les contreparties du Kickstarter (en plus d'autres goodies comme T-Shirt et PDF du script).
Par contre les places de ciné, c'est niet (trop compliqué à promettre/mettre en place en amont d'autant qu'il faut rémunérer les exploitants etc...).
Donc VOD oui, Cinéma non.