Mais qui est vraiment Mordicus ? C’est ce que nous révèlent l’auteur Didier Lévy et l’illustratrice Marie Novion, dans l’album La Véritable Histoire du Grand Méchant Mordicus. Et autant dire qu’avec une réputation pareille, l’individu n’a pas l’air très avenant…
Cela n’arrête en rien le tout jeune et brave Félix, qui s’élance à sa recherche à travers toute la forêt. Malgré les avertissements des personnages qui l’orientent sur le bon chemin, Félix ne se débine pas, et arrive au repaire de Mordicus, « là où la forêt est la plus profonde, là où elle fait le plus peur ». Il découvre que Mordicus est un vieux loup solitaire et sans pitié, et visiblement affamé, puisqu’il empoigne Félix pour l’engloutir.
« Melba !
» s’écrie Félix juste avant de se faire avaler, et le loup sanguinaire s’immobilise.
Melba est le nom de la fille unique de Mordicus, « sa joie de vivre », qu’il n’a pas vue depuis bien longtemps. Et pour cause : il l’avait surprise en train de fréquenter Caruso, un… renard ! Mordicus était entré dans une colère noire, et il lui avait ordonné de ne plus jamais le revoir. Melba a alors fui avec Caruso loin de l’intolérance de son père, et la douleur de cette séparation est encore vive chez le loup — ce qui ne le rend plus si terrible que ça aux yeux de Félix, qui lui révèle alors être son arrière-petit-fils.
Et si tous les grands méchants loups n’étaient pas simplement des loups malheureux ? De quoi chambouler tous nos concepts enfantins !
Mais La Véritable Histoire du Grand Méchant Mordicus est avant tout un album tout en finesse qui aborde les questions de la différence, de l’acceptation, et du pardon.
Le plus malheureux dans cette histoire, c’est bien Mordicus, celui qui ne consent pas à ce que sa fille Melba fréquente un renard plutôt qu’un loup. Melba va suivre son propre chemin loin des idées de son père, avoir un fils, mi-loup mi-renard, qui en devenant adulte aura lui-même des enfants avec une ourse. Un métissage et une harmonie familiale permis par l’ouverture d’esprit que n’avait pas Mordicus, qui finira néanmoins par tomber dans les bras de sa fille en la retrouvant le jour de son anniversaire, et par serrer contre son corps de grand « méchant » loup toute sa petite famille métissée.
Ne vous y méprenez pas : si cet album aborde des sujets sérieux, il n’en oublie pas pour autant l’humour. Difficile de ne pas sourire devant les illustrations des écureuils un peu blasés, ou la mine mi-ahurie, mi-pas rassurée de Caruso le renard à la vue de son beau-père. Des pages que l’on se plaît à scruter, le temps de repérer toutes les petites choses à déceler (saurez-vous retrouver Sophie la girafe ?). Et non seulement c’est drôle, mais c’est aussi très beau, l’album esquissant une forêt très lumineuse grâce au fond blanc qui font ressortir les illustrations !
La Véritable Histoire du Grand Méchant Mordicus est une jolie histoire de retrouvailles qui nous rappelle nos fondamentaux, questionne les apparences, et défend de bien belles valeurs : la tolérance, le droit d’aimer qui l’on veut, l’importance de la famille tout comme le droit de s’y opposer, et le droit au pardon — même aux « grands méchants ».
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